Chapitre 2

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Après avoir fini de déballer tous les cartons, je décidai d'aller dessiner un peu dans ma chambre. Je pourrais continuer mon portrait d'une femme ayant vécu au début du vingtième siècle, d'après ce qui était écrit en-dessous de sa photo, et que j'avais prise dans un livre d'histoire de mon père. J'adorais ce bouquin et plus particulièrement ses illustrations, toujours très fines et détaillées et qui me donnaient du fil à retordre quand me prenait l'envie de les dessiner.

Ma foi, ma mère ne fut pas de cet avis. Elle me demanda d'aller faire une course à sa place car elle devait rédiger un rapport pour son boulot et qu'elle n'aurait pas le temps. Ce qui me rendit immédiatement mal à l'aise car je ne connaissais absolument pas la ville et que j'avais carrément peur de m'y perdre.

Je devais quitter ma résidence et aller au centre-ville, qui était un véritable labyrinthe comparé à mon ancien village. Je soupçonnais ma mère de le faire exprès pour que je me bouge un peu les fesses. Ce qui était noble de sa part. Même si je connaissais maintenant par cœur le trajet maison-plage, j'avais tendance à vouloir rester dans l'appartement. Ce serait l'occasion de me familiariser davantage avec le quartier et de moins paniquer à l'avenir. Je pris donc sur moi, attrapai mon sac et sortis sur le palier. Je prévins ma mère de ne pas s'attendre à ce que je revienne tout de suite. On ne sait jamais. Elle me taquina en me répondant « à demain ».

En rejoignant l'un des ascenseurs centraux, je m'arrêtai pour profiter du paysage. Même les couloirs avaient droit à une vue panoramique. Des immeubles à l'allure majestueuse, l'océan et des champs colorés à perte de vue.

Notre appartement se situait au vingt-troisième étage, que nous partagions avec trois autres logements. Le dernier étage, au trentième, était entièrement réservé au confort collectif de tous les habitants de l'immeuble. On y trouvait de quoi faire du sport, une grande bibliothèque avec des livres en papier et tout un tas d'équipements high-tech.

En réalité, l'effet « entassement » n'était absolument pas perceptible. Même si le côté « grande ville » m'impressionnait encore, je n'avais pas l'envie soudaine de courir à travers champs pour fuir la ville. Mon père m'avait dit qu'il y avait environ trois cent mille habitants, répartis sur six cents immeubles environ. Près de la plage, ils étaient beaucoup plus petits et j'avais repéré quelques maisons, principalement des bars et des restaurants ou encore des musées.

Et cette nouvelle ville dans laquelle j'habitais désormais avait été la première à tester les balcons. Elle portait d'ailleurs un nom d'une logique à faire pisser dans son pantalon : Les Balconniers. Même si chaque famille s'occupait de sa petite production, la culture dans les champs était elle aussi importante, de sorte que nous échangions avec villes et villages de tout le pays. Tout devait être écologique au possible. Nous étions ceux qui sauvaient la planète.

Ainsi donc, ma mère m'avait envoyée au Marché. Tout un immeuble de dix étages qui se trouvait au centre des Balconniers. Je me décrochai enfin de la vue et appelai un des trois ascenseurs. Depuis le temps, les immeubles avaient toujours fière allure.

En traversant le hall, j'entendis une voix qui me héla :

— Mademoiselle ? Vous avez une minute ?

Je m'approchai de notre gardienne qui s'occupait de notre immeuble avec deux autres gardiens. Elle portait un tailleur gris et ses cheveux blonds tombaient parfaitement sur ses épaules. J'acquiesçai en souriant.

— Est-ce que vous pourriez passer ce papier à vos parents ? Il s'agit d'une demande d'un dernier formulaire qu'il me faut absolument pour valider officiellement votre installation auprès de la ville.

Tu paries ?Where stories live. Discover now