Prologue

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Dans l'état actuel des choses, je n'étais pas au top de ma forme. 

Et pourquoi donc ma petite dame ? 

Parce que je déménageais à plusieurs centaines de kilomètres de mon village natal, loin de tout ce que je connaissais. 

D'accord, niveau sentence, on avait connu pire mais autant dire que ce n'était jamais agréable.

Dans pas moins de dix minutes, je serais dans le train à sustentation magnétique et cette image me retournait le cœur. Est-ce qu'atterrir dans une ville qu'on ne connait ni d'Ève ni d'Adam était une chose facile ? Non. Ou alors, ce serait écrit quelque part. 

Quand mes parents me l'avaient annoncé, j'étais passée par trois phases. D'abord, le déni, qui s'était caractérisé par un éclat de rire avant de se figer en un rictus affligeant quand j'avais constaté le sérieux de mes parents. C'était à ce moment-là que la colère avait fait son entrée. Dans un prodigieux numéro d'enfant gâtée, j'avais reproché à mes parents d'avoir trouvé de nouveaux postes. Enfin, l'acceptation. Même si j'adorais mon village, j'allais pouvoir élargir mes horizons. 

Mais dans une parfaite contradiction : ça me stressait. Énormément. Car ma bonne vieille routine me disait au revoir de la main et que le mot nouveau clignotait sans cesse. Il était aussi visible qu'une guirlande lumineuse pendant les Fêtes de Saison. Nouvelle ville, nouvelle maison, nouveaux amis, nouveau lycée.

J'avais bien réussi à positiver ces dernières semaines. Mais voir ma meilleure amie débarquer à la gare pour me dire un dernier au revoir ébranla un peu mon self-control.

Je connaissais Sierra depuis la maternelle, mais notre amitié n'avait commencé que bien plus tard. Et les raisons pour lesquelles nous nous étions rapprochées étaient peu communes et assez gênantes.

Durant notre première année au collège, notre professeur principal avait organisé une sortie à la piscine pour la rentrée. Cette année-là, je ne m'étais pas retrouvée dans la même classe que mes amies de l'époque et c'était également le cas de Sierra. Alors, quand il avait fallu nous mettre par deux dans la cabine pour se changer, nous nous étions mises ensemble. Le « drame » était survenu une ou deux heures plus tard, au moment de se rhabiller pour rentrer. Sierra avait noué sa serviette et cherchait ses vêtements dans son sac. Malheureusement, la serviette s'était détachée et était tombée au sol. J'avais alors eu une Sierra dans le plus simple appareil devant moi. Elle avait vite ramassé sa serviette avant de me lancer un regard gêné. Mais, progressivement, ses lèvres s'étaient mises à trembler et elle avait éclaté de rire. Je l'avais alors rejointe et le fou rire nous avait valu d'être les dernières à sortir. Depuis, nous étions devenues comme cul et chemise. On pouvait difficilement faire plus proche.

Sierra s'avança vers moi et j'esquissai un sourire résigné. Elle me sourit aussi avant de me faire un gros bisou sur la joue.

— Ce sera comme si tu n'étais jamais partie. On pourra toujours se voir en Visio, je ne te lâcherai pas d'une semelle, me rassura-t-elle.

— Tu sais bien que ce ne sera pas pareil.

— Et si jamais l'odeur de la campagne ou les tartes de ta grand-mère te manquent, tu me dis : je scannerai ça pour toi et hop ! en dix secondes tu pourras la diffuser de ton Numécran.

Mes yeux se posèrent sur cette merveille de technologie que je tenais dans la main. Ça devait faire un moment maintenant qu'un petit génie d'une des villes de l'Ouest avait trouvé le moyen d'intégrer un percepteur et un diffuseur d'odeurs sur chaque téléphone. Vous vous trouvez dans une fabrique de chocolat ? Tadam. Vous pouvez envoyer ce que vous sentez à qui vous voulez. L'idée m'avait enthousiasmée... Avant de comprendre que mon petit frère avait la maturité d'un enfant dans sa phase pipi-caca-prout. J'avais fini par désactiver cette fonctionnalité.

Tu paries ?Where stories live. Discover now