"Le seul mauvais choix est l'absence de choix." Nothomb

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Avan avait pris la décision de partir parce qu'insister auprès de Kléa n'aurait servit à rien. Il avait dit ce qu'il avait à dire et il lui laissait le soin de prendre une décision. Elle n'avait pas besoin de lui pour faire ça, et rester un peu seule lui ferait le plus grand bien. Comme lui, Kléa était une femme solitaire et indépendante. Rester sans cesse auprès d'elle n'apporterait rien de bon, alors autant prendre un peu de distance.

Il s'en était fallu de peu. Tout à l'heure, il avait faillit perdre le contrôle et s'attaquer à son humaine. Elle l'énervait au plus au point à chaque fois. Il aimait qu'elle ait du caractère mais parfois, c'était trop pour qu'il puisse le supporter. Il tenait tête à tout le monde, et Kléa ne dérogeait pas à la règle. Il ne lui permettrait jamais d'avoir le dessus sur lui. Quoi qu'il en soit, son comportement avait été intolérable. Cependant, Avan avait compris que si la jeune femme était aussi méchante, c'est qu'il y avait une raison. Elle semblait n'avoir peur de rien, mais ce n'était qu'une apparence, rien de plus. La réalité était qu'elle devait craindre les relations humaines. C'était compréhensible. Les humains étaient instables, agressifs entre eux et surtout décevants. Qui n'inflige pas de déception ? Personne. L'erreur est humaine et c'est justement pour cela que les êtres humains se blessent entre eux, se déçoivent, se haïssent, s'aiment, puis se détruisent. Kléa devait particulièrement bien connaître la peine, la déception et la destruction. C'est peut-être pourquoi elle se protégeait autant. Avan se demanda ce qu'elle avait enduré pour autant se protéger. Il aimerait le découvrir, plus tard, lorsqu'elle serait prête à se confier si cela devait un jour arriver. Parce qu'elle paraissait être au-delà du réparable, au-delà du récupérable pour se montrer si indifférente à la vie.

L'envie de la réparer était présente à l'intérieur d'Avan mais il savait que ce serait laborieux, voire impossible. Et puis, c'était quoi cette idée ? Pourquoi devrait-il la réparer ? Elle n'était rien à ses yeux. Il ne cessait de se répéter cela mais il voyait bien que depuis qu'il l'avait rencontrée quelque chose en lui avait changé. Il se sentait différent lorsqu'il était avec elle, il agissait de manière différente, il pensait différemment. Ça l'agaçait au plus haut point et pourtant, il avait l'impression d'être réellement lui-même. Quel paradoxe et quelle étrangeté !

Il avait fait preuve de sincérité à l'égard de sa voleuse. Il la voyait comme une distraction, une chose avec laquelle il pouvait jouer. Il pouvait observer ses réactions, s'immiscer dans ses pensées, la manipuler à sa guise s'il le désirait... Il s'ennuyait, ne savait plus quoi faire de son immortalité puis il avait rencontré Kléa, humaine si incroyablement étonnante et avait désormais l'opportunité de combattre l'ennui avec elle. Il savait que c'était pareil pour elle, qu'elle était déjà las de la vie alors qu'elle était si jeune. Peut-être qu'il pourrait lui offrir une autre vision du monde et s'évertuer à la divertir. À part être un passe-temps, Kléa ne représentait rien d'autre.

La faim le titillait depuis un bon moment maintenant, surtout à cause de Kléa, il décida donc d'aller apaiser la brûlure qu'il sentait au fond de la gorge. Une fois cela fait, il rentra chez lui, sans se presser. Sa distraction lui manquait déjà, l'ennui venant la remplacer. Il pénétra dans sa maison et sentit immédiatement l'odeur et la présence d'un lycanthrope. Il aurait du le remarquer avant, mais il avait été distrait... C'est vraiment pas le moment, se dit Avan en grimaçant.

Dans son salon, un homme se tenait debout devant la cheminée, les mains croisées dans son dos. Il respirait le calme et la sérénité, mais Avan savait que ce n'était qu'une apparence. Il s'agissait d'Alec, l'alpha de la meute du coin et si le vampire n'avait pas peur de lui, il le respectait légèrement pour son entêtement, son honnêteté, sa loyauté, sa lucidité et son courage. Parce que pour s'incruster dans la maison d'un vampire de 500 ans son aîné, il fallait être courageux. Et un peu stupide aussi. Avan rejoignit Alec, son alter ego lycanthrope. Ils se ressemblaient un peu tous les deux, sur certains points mais leurs différences les éloignaient l'un de l'autre bien plus que leurs points communs ne les rapprochaient. Dans d'autres circonstances, peut-être qu'ils auraient pu être amis. Pour l'heure, ils se contentaient de se tolérer. Ce n'était pas comme s'ils avaient le choix, de toute façon. Déclencher une guerre entre vampire et loups-garous demanderait beaucoup d'efforts pour pas grand chose. Jusqu'à maintenant, ils cohabitaient, il y avait des hauts et des bas, mais dans l'ensemble, ça pouvait aller. Ils se chamaillaient comme des gosses de 3 ans, se lançaient des piques et se bagarraient parfois, mais ça n'allait jamais plus loin.

- Je peux faire quelque chose pour toi Alec ? demanda Avan calmement, faisant face au lycanthrope.

Ce dernier plongea son regard dans celui d'Avan. Il semblait avoir pris dix ans d'un coup, avec le stress que lui avait occasionné Avan, alors que le loup-garou n'avait qu'une trentaine d'années (en apparence bien sûr ). Les traits d'Alec trahissaient une grande fatigue mais on pouvait tout de même discerner l'autorité qui émanait de lui. C'était un alpha né pour commander et ça se voyait. Ses cheveux noirs étaient coupés courts et lui durcissaient les traits. La sagesse brillait dans son regard, dur également. L'alpha soupira.

- On avait un accord, répondit-il simplement.

- Oui et il tient toujours, répliqua le vampire en penchant la tête sur le coté.

C'est vrai, Avan n'avait pas rompu l'accord. Bon certes, cet accord stipulait qu'il avait le droit de se nourrir tant qu'il ne tuait pas d'humains. Cependant, il n'en avait pas tué beaucoup donc ça ne comptait pas. Il examina Alec qui se pinçait l'arrête du nez, un air désespéré sur le visage.

- Avan, tu as assassiné plus d'une dizaine d'humains au cours de la semaine.

Le vampire leva les yeux au ciel. Ce qu'il pouvait être pénible celui-là ! Cependant, Avan préféra être honnête avec lui. Leur accord était fragile et bien qu'Avan se moque de mettre fin à la vie de toute une meute de loup, il préférait attendre un peu. Il venait juste de se trouver une occupation, qui lui prenait la plupart de son temps, ce n'était donc pas le meilleur moment pour déclarer la guerre aux chiens du quartier.

- Je te mentirai en disant que je suis désolé. Mais j'ai eu un moment de mou, ça arrive à tout le monde. Les loups devraient comprendre mieux que personne, vous qui perdez sans cesse le contrôle. Je tâcherai d'éviter ça la prochaine fois, c'est le mieux que je puisse faire.

- Je ne te cacherai pas que mes loups te détestent et je ne peux pas dire que je t'apprécie beaucoup non plus. À chaque fois c'est le même discours, tu dis que tu ne recommenceras pas et pourtant, les humains autour de toi tombent comme des mouches. Tu détruis tout ce que tu touches. Je ne sais pas à quoi tu joues. Je ne veux pas entrer en guerre avec toi mais je vais finir par ne plus avoir le choix. Crois-moi, je sais que je perdrai énormément de loups mais je sais aussi qu'on peut en finir avec toi. Je ne te prends pas en traître, tu as été prévenu, bien plus d'une fois. Si l'on retrouve encore un cadavre, un seul et unique cadavre, on ne cherchera pas à comprendre, on viendra pour toi et on se battra jusqu'à la mort s'il le faut.

Avan soutint le regard du loup. Il prenait ce petit discours au sérieux mais ça ne l'empêchait pas de n'en avoir rien à faire. Il connaissait sa force, il connaissait ses chances de parvenir à survivre contre une meute enragée. Et, il avait vécu tant de temps qu'il ne craignait pas de mourir non plus. Il n'en avait pas forcément envie mais si ça vie devait prendre fin, il saurait l'accepter. Avan savait qu'Alec se battrait contre lui jusqu'à ce que mort s'ensuive. Ce n'était pas un lâche, il fallait le lui reconnaître. Avan conserva le silence, ne voyant pas ce qu'il pouvait ajouter. Tout avait été dit, il avait en effet été prévenu.

- La balle est dans ton camp, comme on dit, murmura Alec avant de quitter les lieux.

Oui, la décision lui appartenait. Il pouvait choisir de continuer d'agir comme un vrai sauvageon et d'ainsi amener tous les protagonistes de sa vie à s'entre-tuer. Ou il pouvait s'assagir un minimum, ce qui lui offrirait la possibilité de passer un peu de temps avec Kléa avant le chaos à venir. Dure décision. Pas tant que ça en fait. Tout dépendrait de ce que son humaine aurait décidé de faire. Si elle avait choisi de virer Avan de sa vie, et bien il serait prêt à se jeter dans la gueule du loup ( la bonne blague ). Sinon, il attendrait un peu. Décidément, c'était la journée des décisions. Que la vie était compliquée !

Vol de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant