"La parole apaise la colère." Eschyle

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Kléa quitta son lit pour s'approcher à vive allure de la fenêtre. Elle avait cru apercevoir... Elle avait cru voir Avan. Elle ouvrit la fenêtre et se pencha au-dehors pour essayer de mieux voir. À l'horizon, la nuit commençait à s'éclaircir pour laisser place aux premières lueurs du jour. Aucune trace d'Avan, ni de qui que se soit d'autre. Elle avait du rêver. En parlant de rêve... Kléa frissonna en repensant à la nuit qu'elle venait de passer. Elle se remémora ce qu'elle avait vu dans ses rêves. Des créatures, Avan, des monstres, Avan, son chien périssant, Avan... Elle retrouvait un élément commun là-dedans. Était-elle si obsédée par cet homme au point de rêver inlassablement de lui ? Toutefois, ses rêves avaient été bien étranges. Elle avait comme l'impression qu'elle n'avait pas réellement rêvé. Elle ne saurait l'expliquer mais... La désagréable sensation qu'Avan était responsable de tout lui flottait dans la tête. Pourtant, elle s'était beaucoup amusée, notamment avec ce clown hilarant. Tout avait basculé lorsque Nikki... Elle secoua la tête, refusant d'y repenser. Elle claqua brutalement la fenêtre et partit dans la salle de bain prendre une douche brûlante qui l'aiderait sûrement à se détendre et à chasser les dernières traces de sa nuit agitée. Les mains de Kléa fourrageaient dans ses cheveux dans le but de les shampouiner lorsque ça recommença.

- Tu as apprécié cette nuit, ma douce ? murmura Avan bis.

- Putain, tu commences vraiment à me faire chier. Tu m'appelles encore une fois ma douce, et je te jure que tu vas le regretter. Et sors de ma tête, bordel !

Kléa ignorait pourquoi elle prenait la peine de répondre. Cette voix qu'elle entendait dans sa tête n'était qu'une voix, pas une personne. Il ne servait à rien de répliquer. Pourtant, au fond d'elle, elle avait cette étrange impression qu'il ne s'agissait pas que de cela, et que répondre n'était pas si absurde que ça.

- Faire chier est mon deuxième prénom... Et si tu veux que je sorte de ta charmante petite tête, tu n'as qu'à venir me le demander en face. Si tu me supplies assez, je pourrais réfléchir à ce que je peux faire, ma douce Kléa...

- Va te faire foutre.

- Si c'est avec toi, ce sera avec plaisir...

Kléa se mordit le bout de la langue pour s'empêcher de proférer une litanie d'injure. C'était inutile, ça ne changerait à sa malheureuse situation. Elle se figea soudain. Venait-il vraiment de l'inciter à venir jusqu'à lui ? Enfin, ce n'était qu'une voix ! Comment aurait-elle pu aller jusqu'à cette fichue voix ? C'était impossible. À moins qu'il s'agisse bel et bien d'Avan. Il avait du trouver un moyen de pénétrer son esprit afin de lui parler. Ca semblait glauque dit comme ça, mais Kléa ne voyait pas d'autre possibilité à cette situation.

- Tu deviens folle ma pauvre fille, se chuchota-t-elle.

Il fallait être réaliste. L'idée qu'elle venait d'avoir était invraisemblable, inconcevable. Personne ne pouvait faire ça. Kléa avait beau savoir qu'Avan était différent et avait un secret, il ne pouvait pas s'agir de cela. Et pourtant cette idée ne paraissait pas aussi saugrenue qu'elle en avait l'air. Kléa était rarement surprise. Elle ne s'étonnait de rien, elle était juste... Blasée de tout. Si Avan était télé-kinésiste, bien que ça soit fou, ça ne la surprenait pas plus que ça. De toute façon, à quoi d'autre pouvait-elle croire ? Que pouvait-elle faire ? Il fallait bien qu'elle se raccroche à quelque chose sinon, elle allait finir en hôpital psychiatrique. Elle était sure qu'un séjour là-bas pouvait être sympa mais elle n'était pas pressée d'effectuer ce voyage. Elle ignorait pourquoi et comment, mais c'était Avan qui lui parlait. Il n'y avait que lui pour l'appeler ''ma douce'', et que lui qui était en quête de son prénom. Ça ne pouvait pas être un hasard.

Elle coupa l'eau et sortit de la salle de bain, une serviette nouée autour d'elle. Elle se sécha rapidement les cheveux puis enfila un jean et un tee shirt.

- Quel dommage ! Moi qui pensais que tu allais mettre une robe sexy pour venir me voir, continua Avan bis.

Kléa fronça les sourcils. Est-ce que... Était-il en train de l'espionner !? Bien sûr que oui, sinon comment aurait-il pu savoir ce qu'elle portait ? Elle savait que c'était un vrai psychopathe, mais elle n'imaginait pas que ce soit à ce point-là. Elle ressentit une pointe d'agacement. Elle n'avait rien à cacher et n'était pas pudique au point de piquer une crise parce qu'Avan avait pu la voir dénudée. Mais un peu de décence bon sang ! Il n'avait que ça à faire de sa vie celui-là ? Elle allait se venger pour ça. Elle ignorait encore comment mais elle n'allait pas se laisser faire. L'irritation qu'elle éprouvait disparue vite. Elle ne comptait pas s'appesantir sur ça longtemps, et elle était déjà passée à autre chose. Kléa n'avait pas pour habitude de se mettre en colère, de pleurer, d'être agacée, bouleversée ou même joyeuse. Elle n'avait pas pour habitude de ressentir quoi que ce soit à part de l'ennui et de l'amusement. Et ça lui allait très bien comme ça. Elle n'allait certainement pas laisser un abruti comme Avan ruiner tout son travail niveau émotion. Hors de question. Elle ne voulait rien éprouver, un point c'est tout.

- Tu sais quoi Avan ? Je ne vais pas te donner le plaisir de venir. Je ne sais pas comment tu fais ça, mais continue ton petit jeu. Ça m'est égal. Je peux très bien le supporter. Quand tu te seras lassé, met une robe sexy et viens me voir qu'on discute.

Sur ce, Kléa, très contente d'elle, partit se promener avec Nikki. Elle l'emmena à la plage, sachant que sa chienne adorait faire la folle dans le sable et courir dans les vagues. S'il y avait bien quelque chose qu'elle appréciait un minimum sur cette planète, c'était son chien. L'air marin fit le plus grand bien à la jeune femme. La voix dans sa tête s'était tut, et Kléa y voyait là une forme d'abandon de la part d'Avan. Elle espérait que ce soit un abandon. Bien qu'elle soit très sérieuse en disant qu'elle pourrait supporter ses commentaires en son être, elle préférait quand même ne pas avoir à l'entendre constamment commenter ses moindres faits et gestes.

Vol de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant