"Comme il est facile d'être difficile." Coelho

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Kléa ne tomba pas le panneau. Elle n'était pas si naïve. Elle savait que si elle répondait oui, il aurait la satisfaction de l'énerver et donc il continuerait. En même temps, si elle choisissait de répondre non, il continuerait de toute façon.

- Oui et non, commença-t-elle en souriant à son tour. Disons que je préfère te parler de vive voix.

- La menteuse ! s'insurgea Avan.

Kléa ne prit pas la peine de répondre. Elle mentait et Avan le savait. Insister ne servirait à rien. Elle n'appréciait rien chez cet homme, à part peut-être son physique de rêve... Quoi qu'il en soit, il ne fallait pas se leurrer : elle ne souhaitait pas converser avec lui, que ce soit psychiquement ou face à face. Elle voulait qu'il disparaisse pour être enfin tranquille. D'accord, c'était marrant au début, mais là ça devenait pénible. Il paraissait vouloir la connaître, ( en fait, il la connaissait déjà en partie ), il voulait passer du temps avec elle et Kléa avait même l'impression qu'il était un peu possessif envers elle. Et elle détestait ça. Étant une jeune femme indépendante, elle se sentait étouffée. Mais bon, il ne fallait pas désespérer. Avec un peu de chance, Avan finirait par se lasser de n'obtenir aucun résultat avec elle et il s'en irait. En parlant de s'en aller...

- Tu comptes rester là toute la journée ? demanda-t-elle. Non parce que tu as une maison tu sais, une vie, tout ça, et moi aussi, donc si tu pouvais, je ne sais pas moi, aller faire autre chose, ce que tu veux, mais sans moi, ça me ferait super plaisir.

- Kléa, tu es la personne la plus polie, gentille et adorable que je connaisse.

- Merci.

- Il n'y a pas de quoi, répondit Avan en souriant. Donc on fait quoi aujourd'hui ?

La jeune femme le fusilla du regard. Il se moquait d'elle ? Elle venait très explicitement de lui demander de s'en aller. Logiquement, il devrait déjà être en train de se diriger vers la porte. À quoi jouait-il ? Le message était clair, limpide. Elle ne voulait pas de lui ici.

- ''On'' ne fait rien du tout. Il n'y a pas de ''on''. Dégages.

Voyant qu'Avan ne répondait pas et qu'il la fixait d'un air menaçant, Kléa se leva du canapé en soupirant. Elle partit enfiler des chaussures et sortit dehors en claquant la porte. Tout n'était que soleil et chaleur. Elle ferma les yeux, offrant son visage à l'astre de feu. La chaleur se déversait sur sa peau, en elle, et la réchauffait. Elle retrouva instantanément sa bonne humeur. Elle se mit à marcher, sans but précis, souhaitait juste s'éloigner le plus possible d'Avan. Malheureusement, Fortune ne devait pas beaucoup apprécier Kléa, puisque l'homme qu'elle fuyait la suivait. Qu'avait-elle fait de mal ? Elle commençait à perdre patience.

Avan la rattrapa rapidement et lui bloqua le passage. L'ignorant royalement, elle tenta de le contourner mais il l'en empêcha. Elle releva la tête pour le regarder, s'apprêtant à se montrer très méchante. Ce qu'elle vit sur le visage d'Avan l'en dissuada. Il semblait très en colère. Pire que ça même, il avait l'air furieux. Elle prêta une attention particulière à ses yeux. Au lieu d'être bruns, ils étaient d'un noir profond, ce qui était déstabilisant et anormal. Depuis quand les yeux changeaient de couleur en fonction des humeurs de leur propriétaire ? Avan arborait une expression menaçante. Elle ne l'avait encore jamais vu dans cet état, pas même la première nuit de leur rencontre, lorsqu'il avait perdu les pédales en la plaquant contre le mur. Kléa n'avait pas peur de lui, mais elle décida d'être raisonnable pour une fois et de ne pas envenimer les choses. Il colla son visage à quelques centimètres de celui de Kléa, toujours aussi peu avenant.

- Tu as le droit de ne pas m'apprécier, et même de me détester. Mais je pense que tu es suffisamment grande pour accorder un minimum de respect aux personnes que tu côtoies, dit-il.

Son ton était froid, calme, il détachait chaque syllabe avec lenteur. C'était peut-être plus impressionnant que s'il s'était mis à hurler comme un dingue contre elle. Kléa n'avait pas l'habitude qu'on la remettre en place, ou que l'on ne soit pas de son avis. Elle n'avait pas l'habitude de rencontrer une personne possédant du caractère. Elle devait admettre qu'elle appréciait qu'Avan soit ainsi, différent, borné, colérique. Toutefois, ce n'était pas parce qu'elle aimait ce coté là d'Avan qu'elle allait se laisser marcher dessus. Elle n'avait rien demandé. Elle ne voulait pas de sa présence, pas de lui, elle n'avait aucune envie de le respecter ou de lui offrir de la considération. Alors il fallait qu'il arrête de se plaindre.

- Écoute, tu as raison, je ne t'aime pas mais alors pas du tout. J'y suis pour rien si tu me colles non stop. C'est ton choix. Ne viens pas te plaindre si je suis désagréable avec toi, parce que tu me cherches. Si ça ne te plaît pas, je t'en prie, je t'en supplie même, va-t-en. Parce que je ne veux pas toi dans ma vie. Je ne veux pas te donner de chance, je ne veux pas te connaître, franchement, je veux juste que tu me laisses tranquille.

La petite brune avait parlé avec calme, sans s'énerver ni être sarcastique. Kléa était quelqu'un d'honnête, alors elle préférait dire clairement les choses. Elle espérait qu'Avan comprenne et s'en aille. Ce ne fut pas le cas. Malgré ce qu'elle venait de lui dire, il paraissait s'être calmé. Ses yeux avaient repris leur teinte habituelle, il s'était écarté pour lui rendre son espace personnelle, et la considérait juste avec intérêt.

- Kléa..., commença-t-il, je comprends tout ce que tu viens de dire, mais je ne cèderai pas. Essaye de voir les choses sous un autre angle. Je ne veux pas être ton ami, ni ton amant, je veux juste me distraire et m'amuser avec toi. C'est quelque chose qu'on a en commun, non ? Alors je pense que tu devrais cesser de t'inquiéter. Tu n'es pas obligée de me connaître, ni de me donner une chance, ni de m'avoir dans ta vie. Considères-moi juste comme une distraction avec laquelle tu peux t'amuser. Réfléchis-y et viens me dire ce que tu en penses quand tu auras pris une décision à mon sujet.

Quelle curieuse idée, songea Kléa tandis qu'Avan s'éloignait. Elle restait sans voix suite aux paroles de son voleur. Il avait réussi à la comprendre et Kléa ne concevait pas que cela soit possible. Clairement, si Avan avait dit à une autre femme ce qu'il venait de lui dire, ça se serait très mal passé. Quiconque se serait sentit vexé, blessé, ou choqué d'être considéré comme une simple distraction, comme un jeu. Kléa voyait les choses autrement. Elle-même voyait tout le monde comme une distraction, et rien de plus. Pas d'attachement, pas de sentiments, rien d'autre que de l'indifférence. Avan avait compris cela. La jeune femme n'était pas vexée d'être considérée comme une personne n'ayant aucune importance dans la vie d'Avan. Au contraire, c'était ce qu'elle avait besoin d'entendre. Elle craignait qu'il s'intéresse à elle, qu'il veuille être ami avec elle, ou autre. Avec ce qu'il venait de dire, ses craintes étaient infondées. Il n'y aurait aucune attache entre eux, rien de plus que de l'amusement. Elle n'avait pas à s'inquiéter de quoi que ce soit. Kléa venait de prendre sa décision. Avan serait sa distraction et elle serait la sienne. Elle ne voyait aucun inconvénient à cela, bien au contraire. Elle avait déjà fait des milliers de choses, et elle s'était déjà lassée des milliers de fois. Elle avait besoin de quelque chose de nouveau et elle avait la certitude qu'Avan pouvait lui apporter ce qu'elle recherchait. Il était différent, il avait l'air bien plus mature qu'elle et il semblait connaître des tas de choses qu'elle ignorait. Kléa était convaincue qu'elle pourrait énormément s'amuser avec lui. Il n'y avait pas à hésiter une seule seconde.

Vol de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant