"Le temps interroge tout et n'attend pas d'être interrogé." Euripide

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Kléa avait enfin récupérer son collier. Techniquement, elle n'avait plus rien à faire dans cette maison et avec cet homme. Ce petit jeu auquel ils se livraient tous deux venait de prendre fin. Plus aucune raison de rester, excepté l'intérêt maladif qu'elle vouait à cet homme. Enfin, pas à la personne qu'il était, mais plutôt à son histoire. Elle avait beaucoup de questions, et encore aucune réponse. Elle comptait changer cela dès que possible. Toutefois, ce n'était pas dans son habitude de poser des questions. Elle préférait trouver la réponse seule. Elle avait besoin d'un peu de temps pour trouver les réponses auxquelles elle aspirait. Avan bénéficierait donc de sa présence pour quelques temps encore.

Elle se leva et monta à l'étage. En passant devant la salle de bain, elle entendit le bruit de l'eau qui s'écoulait. Elle hésita un instant avant de prendre la direction de la chambre d'Avan. Elle y entra et grimpa sur le lit. Attrapant le premier oreiller qui lui passa sous la main, elle s'assit en position tailleur, l'oreiller coincé entre ses bras croisés sur sa poitrine. Chez elle, Kléa n'avait rien à faire. Elle n'avait pas sommeil non plus, alors autant rester ici à pourrir la nuit de cet homme. Ses pensées se mélangeaient à toute vitesse dans son esprit. D'inlassables questions revenaient sans cesse, sans qu'elle puisse y répondre. Elle sentait qui lui manquait quelque chose. Mais quoi ? Comment trouver le secret d'une personne dont on ne connaissait rien ? Parce qu'Avan avait un secret, c'était certain. Tout allait dans ce sens-là. Son secret aurait très bien pu être ''Je suis un tueur psychopathe qui dépèce mes victimes et me baigne dans leur sang'', mais Kléa ne pensait pas que ça soit ce qu'il cache véritablement. Il y avait autre chose. Ça l'énervait de ne pas trouver et en même temps, ça lui convenait. Il s'agissait d'une distraction comme une autre, distraction qui chassait l'ennui de la vie de la jeune femme, pour son plus grand plaisir. Elle était perdue dans ses pensées quand Avan entra dans la chambre.

- Toujours là ? interrogea-t-il en venant s'asseoir de l'autre coté du lui.

Kléa releva les yeux sur lui, surprise qu'il pose une question aussi stupide.

- De quoi tu parles Avan ? demanda-t-elle en prenant un ton de conspiratrice. Tu ne vois pas que je ne suis pas là ? Je suis rentrée chez moi et je suis allongée dans mon lit, profondément endormie. Ça ne se voit pas ?

Elle vit qu'il levait les yeux au ciel. En même temps, il l'avait cherché. C'était évident qu'elle était toujours là étant donné qu'elle se trouvait en face de lui. Elle qui croyait qu'Avan n'était pas trop idiot, elle avait du se tromper.

- Ce que je voulais dire par là, c'est pourquoi es-tu encore ici ? Tu as récupéré ton précieux collier, tu devrais être repartie.

- Oui, c'est vrai, répondit-elle, songeuse. Pourquoi suis-je encore ici ? C'est une très bonne question. Très très bonne. Je te remercie de la poser d'ailleurs.

La jeune femme ne comptait pas fournir de réponse à l'homme en face d'elle, pour la simple et bonne raison qu'elle n'avait pas vraiment de réponse à lui fournir. Et puis, la raison de sa présence ne le regardait pas. Ce n'était pas parce que c'était chez lui qu'il avait tous les droits. S'il ne voulait pas que les gens s'incrustent chez lui, il n'avait qu'à pas laisser ses fenêtres ouvertes. Et bim. Kléa devait être légèrement fatiguée vu le raisonnement enfantin qu'elle inventait dans son esprit.

- Jane.

La voix d'Avan dissipa ses idées tordues. Fronçant les sourcils, elle se tourna vers lui en le fixant comme s'il avait perdu l'esprit. Elle regarda tout autour d'elle. Il n'y avait personne d'autre qu'eux dans la pièce dans il devait forcément s'adresser à elle. Elle fit part de ses interrogations à voix haute.

- Quoi ''Jane'' ?

- Est-ce que tu te nommes Jane ? demanda-t-il en détachant chaque mot et en articulant avec lenteur, comme si elle était une parfaite andouille.

- Tu trouves que j'ai une tête à m'appeler Jane ? Enfin, peu importe, ce n'est pas mon prénom. Je sens déjà que tu vas être super nul en devinette.

- Je ne peux pas être plus nul que toi, mademoiselle-je-lis-le-prénom-des-gens-sur-leur-boîte-aux-lettres ! rétorqua-t-il.

- C'est un peu long comme surnom, mais tu marques un point.

- Je tâcherai de t'en trouver un plus court dans ce cas. Dis-moi...Qui t'a offert ce pendentif ?

Le regard de l'homme s'arrêta au niveau du cou de Kléa. Elle grimaça imperceptiblement. Elle n'aimait pas parler d'elle. Elle n'aimait pas qu'on lui pose des questions. Elle n'aimait pas qu'on veuille s'intéresser à elle. Elle n'aimait rien. Et elle ne voulait pas parler de ce collier, à personne et encore moins à lui. Elle ne le connaissait pas, il n'était rien pour elle. Qu'un inconnu avec qui elle passait le temps. Un homme auquel elle s'intéressait simplement parce qu'il était différent des autres et parce qu'elle voulait à tout prix découvrir ce qu'il cachait. D'ailleurs... D'où lui venait cette soudaine curiosité ? Kléa se montrait rarement curieuse. Elle se moquait de tout et de tout le monde. Elle s'en foutait complètement de la vie des autres en général. Elle vivait sa petite vie à elle, seule par choix, dressant des barrières, des murs, des montagnes entre elle et les autres êtres vivants. Pourquoi faisait-elle sa fouine avec Avan ? Elle n'avait pas envie de réfléchir à ça pour le moment. Elle s'ennuyait, c'est tout. En tout cas, hors de question de parler d'elle. Jamais de la vie.

- Je ne crois pas que ça te regarde.

Elle serra d'autant plus l'oreiller contre elle, comme une protection physique, métaphore d'une protection psychologique, qu'elle plaçait entre elle et l'inconnu.

Vol de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant