"On peut tout quitter sauf ses obsessions." Foenkinos

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Avan dû vivre plusieurs jours loin de son obsession. Elle s'en était allée, et il l'avait laissé faire. À présent, il devait reprendre le cours de sa vie banale et déprimante de vampire. Enfin... Ça c'est ce qu'il aurait fait s'il n'était pas obsédé par cette femme. Quoi qu'il en soit, il avait pour l'instant décidé de lui laisser un peu d'espace. Il avait compris qu'elle était du genre indépendante et secrète, et que la brusquer ne lui servirait à rien. Il se montrerait patient. Patient pourquoi ? Lui-même l'ignorait. Il avait beaucoup réfléchi depuis qu'elle était partie et, comme il ne comprenait toujours pas quelle folie lui prenait, il avait décidé de cesser de réfléchir. C'était plutôt dangereux pour un vampire, mais il avait pris le risque. S'il continuait à se poser des questions il deviendrait fou, bien plus qu'il ne l'était. Et il avait besoin d'être sain d'esprit pour récolter des informations sur sa voleuse.

Avan comptait coûte que coûte découvrir l'identité de son humaine. Elle l'avait mis au défi après tout et il n'allait pas se laisser abattre. Donc, il avait fait une liste de tous les prénoms composés de quatre lettres. Il n'avait aucun moyen de savoir lequel était le bon. Peu importe. Ça l'occupait. Cependant, arriva le moment ou cette fugace occupation se termina. Il lui fallu trouver autre chose. Ce ne fut pas compliqué. L'inspiration arriva soudainement, sans qu'il ne s'y attende. Il se baladait innocemment près du café où elle travaillait lorsqu'il la vit se promener dans une rue adjacente. À partir de cet instant, il la suivit partout où elle allait, sauf chez elle. Il ne voulait pas être tenté d'aller récupérer son prénom sur sa boîte aux lettres. Il savait où elle résidait, avait même vu sa maison qui était charmante, mais ne s'approchait jamais.

En seulement deux semaines, Avan avait appris énormément sur elle. Déjà, elle était hyperactive. Il l'avait suivi au bord de la mer, où elle avait passé l'après-midi à faire du pédalo avec une amie. Il l'avait également suivit à chaque fois qu'elle sortait dans les bois pour faire un footing, une randonnée ou lorsqu'elle promenait son chien. Il l'avait suivit lorsqu'elle se rendait au travail, pardon, à ses trois jobs différents qu'elle cumulait sans montrer aucun signe de fatigue. Il l'avait suivit au théâtre, à la bibliothèque, en boîte (il n'avait pas du tout apprécié la voir collée à d'autres mâles et avait du se maîtriser pour ne tuer personne), mais aussi à des cours d'équitation, d'escrime, à des expositions d'art, même à ses cambriolages nocturnes et il en oubliait certainement. S'il n'avait pas été un vampire endurant, Avan serait mort de fatigue au bout de trois jours. Elle était incroyable. Non vraiment, lui-même ne faisait pas autant de choses en une seule année, alors en deux semaines...

Il connaissait également son restaurant préféré, son parfum de glace préféré, les personnes qu'elle fréquentait ( elles étaient peu nombreuses ), le parc qu'elle affectionnait... Faute de connaître son prénom, il devait en connaître plus sur elle que toutes les personnes de la ville réunies. Il avait conscience qu'il adoptait un comportement irrationnel. Si son humaine était au courant qu'il la harcelait, elle aurait flippé. Ou pas. Il avait presque oublié à quel point elle était... Unique en son genre question émotion.

Après une nouvelle semaine passée à faire cela, Avan commença à trouver le temps long. Pour un vampire, la notion de temps revêt des caractéristiques particulières qui diffèrent totalement de celles des humains. Un an pour un vampire correspondait plus ou moins à une journée pour un humain, et encore ! Seulement, Avan n'était pas très patient. Il était le plus patient des humains, mais certainement le moins patient des vampires.

Alors qu'il passait une nouvelle fois devant « Le café de Jazz », Avan ne pu résister à l'idée de génie qui lui passait par la tête. Sa voleuse avait trouvé son nom sur sa boîte aux lettres. Avan se refusait à faire de même, mais il pouvait très bien aller piocher les informations qu'il désirait auprès d'un ami à elle, non ? Bon, d'accord c'était un peu de la triche quand même. Mais tant pis, il voulait savoir. Il poussa donc la porte du petit café pour y entrer, espérant trouver le propriétaire. Ça devait être son jour de chance car celui qu'il recherchait honorait son café de sa présence, travaillant derrière le bar. Les cheveux courts et châtains clairs, les yeux noisettes et le teint hâlé, il ressemblait au parfait surfer.

- Bonjour, l'interpella Avan. Je recherche une jeune femme.

- Bonjour. Oh, je vois, et je correspond si bien à sa description que tu m'as pris pour elle ? demanda-t-il sans même regarder Avan.

Le vampire le considéra avec circonspection. Il n'était pas très doué en relation humaine et il s'interrogeait. Cet abruti plaisantait-il ou... Était-il sérieux ? En plus, il n'appréciait pas du tout que cet homme le tutoie. Voyant qu'Avan ne répondait pas, l'homme releva la tête pour enfin le regarder.

- Je rigole, confessa l'humain en souriant chaleureusement. Je ne donne pas d'informations sur mes employés, mais selon ce que tu me demandes, je peux voir ce que je peux faire.

- Une jeune femme aux longs cheveux noirs, les yeux verts pétillants d'intelligence, sûre d''elle, hyperactive...

- Kléa, lui coupa-t-il la parole. Elle n'est pas là aujourd'hui. En fait, elle ne travaille pas vraiment ici, c'est...

- Merci, j'ai ce qu'il me fallait, l'arrêta Avan.

Il sortit de l'établissement sans plus de cérémonie. Kléa... Joli prénom pour une jolie humaine. Il se répéta plusieurs fois le prénom de la jeune femme. C'était à la fois original, comme elle, et doux, comme elle. Parce que malgré sa force de caractère, elle était assez douce. Il rappela son visage à sa mémoire, et le manque se fit ressentir dans le creux de son ventre et tout au fond de son être. À moins que ce ne soit le dégoût qu'il ressentait pour lui-même, à se montrer aussi faible. Maintenant qu'il avait pris connaissance du prénom de sa voleuse, Avan avait envie de s'amuser un peu avec elle. De gentiment la martyriser. Il partit rôder dans les environs de sa maison, un sourire flottant sur ses lèvres.

Vol de nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant