Épisode 4 - 16 Conspiration

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Annabelle avait préféré rester avec ses livres ce matin, laissant Lionel partir seul. À cheval, il avait pris les chemins habituels à travers la propriété. La neige avait fondu et la vie reprenait peu à peu, comme si la nature ignorait la lente agonie de la ville, indifférente au malheur des hommes.

Cette fin de l'hiver annonçait aussi le regain d'activité à venir et la réouverture des échanges commerciaux, gelés en même temps que les routes. Qu'une ville comme Meredith ne communique pas avec le monde extérieur pendant les mois les plus froids de l'année ne surprenait personne, surtout en période de guerre, mais cela ne pouvait durer éternellement et viendrait un jour où les crimes commis attireraient l'attention.

Il n'aurait pu imaginer que ce jour était déjà venu.

Sur le chemin du retour, alors que le soleil, masqué par des nuages gris, approchait de son zénith, il vit trois personnes, en armes, qui semblaient l'attendre. Difficile d'imaginer des bandits de grand chemin à Meredith avec les événements, à moins que certains citoyens aient fait appel à des mercenaires. Ce serait le meilleur moyen de conduire à un carnage.

Le jeune vampire se rapprocha néanmoins, toujours à cheval, le pistolet à portée de la main. Il demeurait bien conscient que ses pouvoirs vampiriques se trouvaient inhibés par le soleil et qu'un affrontement à cet endroit pourrait véritablement le tuer.

L'un des hommes, qui portait une longue barbe noire, lui fit un signe de la main, un fusil tenu contre son épaule. Il n'avait pas l'air tendu, mais ses yeux marrons le scrutaient avec attention. Ceux qui l'accompagnaient avaient quant à eux l'air de mercenaires, aux aguets mais confiants.

— Olla l'ami, dit le barbu.

Lionel arrêta sa monture, qu'il dut calmer un peu. Il toisait son interlocuteur, qui devait lever la tête pour s'exprimer.

— Vous êtes sur mes terres.

— Pardon de l'intrusion. Nous ne comptons pas rester plus que nécessaire

— Que voulez-vous ?

— Parler. Avec vous. Vous êtes Lionel Vance, n'est-ce pas.

— Qui le demande ?

— Mon nom est Seymour Hunter. Je suis chasseur de vampires.

Lentement, Lionel approcha la main de son pistolet. Il entendit alors un sifflement, sur sa droite. Il tourna la tête un instant et aperçut un indien, un fusil braqué dans sa direction, prêt à tirer.

— Ne vous en faîtes pas, reprit Hunter, je ne suis pas ici pour vous. Nous allons avoir une petite discussion, puis vous rentrerez dans votre jolie maison.

Le jeune vampire, qui ne disposait pas de beaucoup de choix, ne dégaina pas son arme. Chasseur de vampires disait-il ? Annabelle n'avait jamais mentionné leur existence.

Quand Seymour Hunter réalisa qu'il ne descendrait pas de cheval, il continua :

— Allons droit au but, si vous le voulez bien. Vous hébergez chez vous deux vampires. Des créatures particulièrement répugnantes et puissantes. Je veux que vous m'aidiez à les détruire.

— Moi ? Pourquoi ferais-je cela ?

— Je sais ce qui s'est passé à Meredith. Je sais que vos parents ont disparu, peu avant que ces monstres ne prennent possession de votre manoir. Je sais qu'ils font venir des hommes et des femmes tous les soirs et qu'ils les vident de leur sang, les tuant à petit feu. Chez vous. Et je sais que vous êtes l'un des leurs à présent.

Lionel se crispa.

— Mais ce n'est pas grave. Normalement, je m'occuperais de vous, bien sûr. Ce serait rapide et presque sans douleur. Mais la situation appelle à un peu plus de subtilité car, voyez-vous, le vampire mâle qui demeure chez vous est un ancien. Vous n'imaginez pas le nombre des miens qu'il a pu décimer à travers les années. Que les habitants de votre ville aient cru à la peste n'est guère étonnant, il a tué autant qu'une épidémie durant sa longue existence. Ce qui fait que j'ai besoin de votre aide, en échange de quoi, je vous laisserai fuir.

— Et de quelle aide avez-vous besoin ?

— Que vous nous permettiez d'accéder à votre demeure, de jour. Vous devez bien avoir un passage secret quelque part, qui nous laisserait nous déplacer sans risquer de nous faire repérer, jusqu'au moment où nous pourrions frapper.

— Le frapper ? Il est insensible aux balles, pauvre fou.

— Mais il n'est pas insensible à mes armes. Croyez-moi quand je vous dis que je sais ce que je fais. Alors, est-ce là quelque chose que vous pouvez faire ? Je ne vous demande même pas de l'affronter.

Lionel réfléchit rapidement. Il était bien possible de rejoindre l'intérieur de la maison par un chemin dissimulé, que le père d'Abraham avait fait construire pendant la guerre d'indépendance. Il n'avait pas été utilisé depuis et personne d'autre que lui n'en connaissait l'existence. À moins qu'Annabelle l'ai découvert dans ses pensées ou celles de son père...

— Si je vous aide à entrer, vous me laisserez fuir ?

— Je vous en donne ma parole.

— Et la femme ?

— La vampire ? Si vous pouviez les séparer, ce serait l'idéal, nous pourrions la détruire plus tard, une fois la menace passée. Mais il ne faut pas qu'ils se doutent de quoique ce soit.

— Vous me laisser m'occuper d'elle, et nous avons un accord.

Le chasseur considéra un instant la proposition, doutant certainement des capacités de Lionel à se débarrasser de sa sœur de sang. Il répondit finalement :

— Très bien. Veillez à bien lui couper la tête.

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