Épisode 2 - 12 One Way or Another

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Taylor rejoint la petite pièce réservée aux artistes. Carmen est en train de jouer avec sa basse, sans ampli et sans son, pendant que les garçons préparent des traces de cocaïne.

— Hey Tay, lui lance Rick. Tu en veux ?

La jeune femme hésite, pendant que Rimbaud se fait une ligne à l'aide d'un billet de dix dollars. Elle a déjà vu les effets sur ses potes de fac et n'a pas forcément envie de finir en cure de désintox. Mais, dans un sens, si ça peut dissiper la boule qu'elle a au ventre à l'idée de monter sur scène... Ce n'est pas son premier concert, mais le stress s'invite à chaque fois sans faute. C'est d'autant plus vrai avec tout le monde qui est venu ce soir.

— T'aurais quelque chose de plus léger ?

Il hausse les épaules et fouille dans ses poches avant d'en sortir un petit cachet rose avec un sourire dessus :

— C'est moins efficace, mais tu tiendras le concert avec ça. Et la nuit. T'en as déjà pris ?

— Oui, mais ça fait un moment.

— Parfait, tu vas en profiter un max comme ça.

Elle avale la pilule d'ecstasy, pendant que Rick se blanchit les narines. Les musiciens revoient ensuite une dernière fois l'ordre des chansons, avant que le temps de jouer n'arrive. Lisa, qui s'occupe ce soir du bar au lieu de la salle, vient les chercher et leur annonce que tout est prêt.

Taylor respire un grand coup. Les effets de la drogue ne lui ont pas enlevé son anxiété, mais elle sait que celle-ci partira bientôt. Dès qu'elle commencera, tout ira mieux. C'est le moment avant qui est propre à la rendre malade. Si elle pouvait annuler maintenant et tout de suite, elle le ferait.

Carmen pose la main sur son épaule et lui adresse un sourire rassurant. La porte s'ouvre, la musique de fond s'arrête et les lumières descendent, tandis qu'ils rejoignent la scène. La jeune femme fait particulièrement attention aux marches : elle n'est pas encore Madonna et chuter dès le début ferait mauvais genre. Rimbaud s'installe à la batterie en silence, Rick sur le côté gauche et la bassiste sur le côté droit.

Taylor se retrouve devant, le micro à portée de la main. La salle n'est pas encore silencieuse, mais la plupart des discussions se sont éteintes. Et pour la première fois, la chanteuse regarde le public, plongé dans la pénombre. Impossible de reconnaître qui que ce soit, mais elle devine que sa cousine, son amante ou encore son ex sont là, à attendre qu'elle se lance. La tension est à son paroxysme, mais son excitation aussi. Elle a beau avoir peur, elle n'a qu'une seule envie, se donner à fond. Ses doigts en tremblent légèrement.

« Taylor !!! »

Un cri venu de la salle, qui lui arrache un sourire. Andrea est là et le fait savoir. Elle n'a cependant pas le temps de répondre que le guitariste entame les premières notes et le concert débute. Les amplis crachent aussitôt l'intro de la chanson, alors que la jeune femme se fait entourer et absorber par le son.

Ses yeux se ferment. Ses doigts tapotent en rythme contre ses cuisses. Elle anticipe chaque note, chaque accord, chaque frappe, en attendant que vienne le moment. Ses jambes sont prêtes à se dérober sous elle et une soudaine envie d'uriner l'agresse.

Mais c'est à elle.

Elle s'empare du micro et sa voix s'élève pour la première fois, amplifiée par la sono :

« ONE WAY. OR ANOTHER ! »

Enfin elle est partie. Le public ne répond pas encore mais il l'écoute, noyé sous une déferlante de décibels.

Une chanson, comme le dirait Taylor est un acte amoureux. C'est un premier rendez-vous, plein d'hésitation, de petits doutes et d'attente. Le public est cet amoureux timide, qui n'ose pas encore se lâcher et qu'elle doit apprivoiser.

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