Love Bites

Épisode 3 - 20 Petits Secrets entre Sœurs

Taylor tire Faith par le bras vers un coin de la salle, sans que sa sœur ne proteste. Il ne manquerait plus que cela, d'ailleurs. Quand elles sont à l'écart, la sorcière se retourne vers la petite cachotière, les yeux durs :

— Je sais que tu n'auras aucune bonne explication, mais essaye quand-même.

— Sis', c'est pas ce que tu crois.

— Ne me « Sis' » pas. Si on était vraiment des sœurs, j'aurais pas dû attendre le hasard pour savoir que tu es ici.

Le coup blesse visiblement Faith, qui regarde aussitôt ailleurs. Taylor s'en veut, les mots étaient un peu forts, mais elle ne peut pas faire machine arrière maintenant. Pas tant qu'elle ne sait pas de quoi il retourne.

— Alors, qu'est-ce que tu fais ici ?

— Je...

Faith s'interrompt, déglutit, puis parvient à parler :

— Je suis à Stanford.

— Je vois ça.

— Non, je veux dire je suis inscrite à l'université.

— Je croyais que tu étais à la Yale ?

— J'y étais, mais j'ai pu changer pour le semestre de printemps. Maman ne voulait pas au début, mais je lui ai dit qu'il y avait des bullies qui me rendaient la vie impossible.

— C'est vrai ?

— Non ! Je voulais juste aller à San Francisco. Pour être avec toi.

— Oh...

La sorcière ne sait pas quoi répondre à cela, ce qui est suffisamment rare pour être noté. Sa sœur s'essuie discrètement le coin de l'œil. Le roadie teste le micro, signe que les Whores of Sodom vont bientôt se lancer.

— Depuis combien de temps tu es ici ? demande Taylor.

— Je suis arrivée en Janvier...

— Donc pendant tous nos derniers appels, tu étais ici ? Pourquoi tu m'as menti ? Tu sais à quel point tu me manquais.

— Je voulais pas que ce soit louche, pour maman. Les flics te recherchent encore à New-York. J'avais peur que si je te voyais tout de suite, cela se sache.

— Oui, mais là on est en presqu'en Mars.

— Je sais... Je ne savais pas comment te le dire... Je voulais pas que tu le prennes mal...

Comment continuer à en vouloir à sa petite sœur ? La barmaid essaye de conserver son air sévère, mais son cœur fond sur place. Elle sait que la meilleure amie de Faith est à Yale aussi, mais pourtant cette dernière a préféré traverser tout le pays pour retrouver Taylor. Peut-on faire plus adorable ?

Les lumières baissent et le groupe de Sand se lance. La jeune femme ne résiste pas plus et elle prend sa petite sœur dans ses bras. Le contact, pourtant très simple, lui a tellement manqué. Personne ne l'a prise juste dans ses bras depuis qu'elle a fui New-York.

— Je suis désolée Taylor.

— Je t'aime fort, petite sœur.

Alors qu'elle se détache de Faith, elle aperçoit Sienna, qui les regarde. La jeune femme s'est teint les cheveux dans un bleu de vert très voyant. Puis elle part.

Il faut un instant à Taylor pour qu'elle comprenne la méprise.

— Je reviens, glisse-t-elle à Faith avant de s'élancer à la poursuite de celle qu'elle aime.

Elle rattrape Sienna par le bras, juste avant la sortie. La musique est plus forte à présent. La garçonne se retourne et lui jette un regard noir :

— Bravo Taylor. Belle vengeance. J'aurais dû me douter que tu étais une salope manipulatrice. C'est qui cette meuf ?

— C'est ma sœur, Sienn'.

— C'est ça... Et en plus t'assumes pas.

— Viens, je te présente.

Sienna, surprise, se laisse entrainer vers la salle. Faith, qui les suivait du regard, se rapproche. La sorcière doit pratiquement hurler pour se faire entendre :

— Sienna, je te présente Faith, ma petite sœur qui est à Stanford depuis janvier et qui ne me l'a pas dit. Faith, je te présente Sienna, celle à cause de qui je suis lesbienne.

Les deux femmes se regardent, aussi surprises l'une que l'autre, puis Faith sourit :

— Enchantée ! Taylor m'a tellement parlé de toi !

— C'est vrai ?

— Totalement. Et en bien... en général.

— Sienn', interrompt Taylor, je peux te laisser surveiller l'anguille qui me sert de petite sœur le temps du concert ?

— Okay, bien sûr. Et désolée, pour ma réaction.

— Non, tu as raison, je suis une salope manipulatrice. C'est ce qui fait mon charme, non ?

Sans attendre de réponse elle se faufile ensuite vers les coulisses, tandis que les Whores of Sodom passent sur des morceaux un peu plus agressifs. L'acoustique est aussi bonne qu'on le dit, en tout cas et les étudiants ont l'air d'apprécier, même s'ils ne font pas beaucoup de bruit.

— T'étais où ? lui hurle Rick.

Taylor ne répond pas à la question qui était de toute façon rhétorique. Sand est en train de crier avec une rage incroyable, ses dreads collant sur son front alors que le batteur lui donne un rythme dément. Le chanteur principal n'est pas en reste et offre des sons profonds et un peu dérangeants. Le niveau est bon et ce ne sera pas si facile que de passer ce tremplin.

— Il y a plusieurs producteurs dans la salle, lui dit le guitariste. Et c'est pas encore gagné, s'ils sont tous aussi bons.

— On va déchirer, t'inquiète.

— T'es sûre que tu veux finir sur Heart ? Plus j'y pense, plus je me dis que ça va casser l'ambiance. J'aurais préféré qu'on prenne pas une reprise pour la fin.

— Promis, ça va marquer les esprits.

— Y'a intérêt, Tay. Y'a intérêt...

Les Whores arrivent bientôt à leur climax, ce qui veut dire qu'il va être temps de monter sur scène. Taylor refuse la petite pilule que lui propose le guitariste, malgré son mal de ventre dû au tract. Jouer à jeun sera une première, mais elle veut garder les pensées claires cette fois-ci, quitte à se pisser dessus de peur.

Le batteur fait son solo final, avant de frapper une dernière fois les cymbales qui résonnent encore un moment, sous les applaudissements. Le rideau tombe et ils quittent la scène, épuisés. Taylor s'écarte pour les laisser passer et une Sand en sueur lui fait un clin d'œil.

— Bien joué lui lance la chanteuse blonde.

— Merci ! Le public est merdique, mais bon courage.

Voilà qui promet...