Épisode 4 - 14 Vassal de Sang

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Lionel reposait, assis, dans un coin de sa chambre. Les lourds rideaux de sa chambre empêchaient la lumière de la lune de rentrer. Il n'y avait aucun son dans la propriété : Edgar et Annabelle étaient partis chasser en ville, ce qu'ils avaient fait chaque nuit depuis leur arrivée. Il s'en rendait compte à présent, il n'y avait jamais eu de peste, ou plutôt celle-ci était incarnée par les deux monstres qu'il avait lui-même invités dans sa demeure.

Son père avait péri. Sa mère avait péri. Damien avait péri. Même le garçon d'écurie avait rendu l'âme, dévoré par l'un ou l'autre des vampires.

Mais le jeune homme – ou plutôt le vampire – ne ressentait rien, si ce n'était ce vide terrifiant qui lui rongeait le ventre et la chair. La Soif, comme lui avait expliqué son amante, cette diablesse qui l'avait pris en pitié et en affection, comme on s'éprend d'un chiot abandonné. Elle l'avait sauvé, oui, mais il ne parvenait pas à y voir le moindre aspect positif.

Et cette Soif... Elle le tiraillait la nuit comme le jour, si fort qu'il en hurlait parfois de douleur. Annabelle lui avait proposé du sang, plusieurs fois, mais il avait refusé, fou de rage et de détresse.

Combien de temps s'était-il écoulé ?

Il entendit la porte d'entrée du manoir s'ouvrir, alors que revenaient les nouveaux propriétaires. Ceux-ci ne prenaient plus la peine de partir en secret et de cacher leurs méfaits. Les pas d'Annabelle résonnèrent dans le couloir – il avait appris à les distinguer à présent – et se rapprochèrent de sa chambre. Elle toqua.

Il ne répondit pas. Il n'en avait plus la force.

Cela ne la découragea pas d'entrer. Il leva les yeux vers elle et une nouvelle fois fut saisie de sa beauté, malgré la pénombre. Maintenant qu'il connaissait sa nature de prédatrice de la nuit, il la trouvait plus attirante encore. Elle lui paraissait une reine noire. Il l'abhorrait pour ce qui était arrivé à sa famille et à sa vie, mais cette haine n'avait pas éclipsé ses autres sentiments et sa passion refusait de disparaitre.

Il se méprisait de tant de faiblesse.

— Tu dois boire, Lionel. Sans ça tu ne mourras pas, tu dépériras juste.

— Je veux mourir.

— Dans ce cas c'est simple. Il te suffit de t'immoler par les flammes, jusqu'à n'être plus que cendres, dispersées au vent. Ou veux-tu que j'utilise l'épée de Père pour séparer ta tête de ton buste ?

Lionel ne répondit pas. Bien sûr qu'il ne voulait pas mourir : il avait bien trop peur de la grande faucheuse.

— Plus le temps passera et plus tu craindras le trépas, continua-t-elle. Tu es immortel maintenant, éternel, mais jamais cette peur ne t'abandonnera. Ni elle, ni la Soif.

— Je ne veux pas tuer...

— Alors laisse-moi tuer pour toi. Ou mieux encore, je pourrai te guider, pour que tu n'aies pas besoin de les vider entièrement de leur sang. Tu pourras garder ta conscience.

Il leva les yeux vers elle. Mentait-elle ? Pourquoi tuait-elle, si elle n'en avait pas besoin ? À moins que ce ne soit l'œuvre d'Edgar, leur père de Sang. Lionel en savait si peu sur lui au fond.

— Sans tuer ? demanda-t-il.

— Oui. Je te promets, je t'arrêterai avant et peu à peu tu apprendras à te contrôler.

Il n'eut pas besoin de réfléchir longtemps et capitula :

— Très bien...

— Viens. Tu es dans un mauvais état. Trouvons des vêtements propres.

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