Épisode 2 - 8 Bitch Hour

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Vers les dix heures du matin, Taylor est en train de terminer son billet de blog, en pyjama et une tasse de café à la main quand l'un des membres des Die with Style l'appelle. Rick, le guitariste, lui donne rendez-vous dans un garage dans une heure, ce qui paraitrait louche dans tout autre contexte. Elle a regardé un peu sur Internet ce qu'ils faisaient et a trouvé leur premier EP. Le son n'est pas mauvais et la chanteuse se débrouille aussi, certainement mieux que Taylor d'ailleurs.

Elle prend une douche, s'habille en jean et baskets avant de se maquiller et déjà elle est en retard. Le temps a vraiment le don de filer à toute vitesse. Elle pense malgré tout à poster son billet avant de partir :

Pour l'article du jour, j'ai une bonne nouvelle pour tous les enfoirés de San Francisco, les politiciens tocards, les starlettes droguées, les mormons fachos et les machos de la NRA : je ne vais pas parler de vous. Même si je sais que vous me trollerez quand même, parce que vous êtes des connards.

Non, aujourd'hui, je prends la parole sur The Bitch Hour et je parle de moi, de moi et de moi. Et encore de moi.

Mais aussi de vous, car je suis sûre que certains se retrouveront dans mon texte d'aujourd'hui.

Vous le savez si vous avez lu ne serait-ce qu'un seul de mes articles, je suis une lesbienne tout ce qu'il y a de plus féministe. Je milite contre la discrimination des Gay, des Trans, des Travs et de tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le moule hétéro-blanc-protestant qu'on nous impose et qui nous gouverne.

Mais, car il y a un mais, je ne suis Moi, je veux dire VRAIMENT Moi qu'ici, avec vous. Blondie, ma personnalité virtuelle et anonyme est peut-être plus réelle que l'humaine qui se trouve derrière son écran, quelque part à San Francisco. Blondie est simple, elle milite, elle s'exprime, elle critique, elle attaque et elle maltraite. Et puis surtout elle s'assume et elle est décomplexée. On ne peut pas en dire autant de son alter-ego, qui elle doit faire face à ses proches, sa famille et la putain de société.

Ma copine (enfin, celle avec qui j'aimerais nouer une vraie relation, mais avec qui c'est compliqué) me le reproche et c'est pour cela que j'en parle ici. Comment lui expliquer en effet que j'ai beau être engagée et impliquée, je ne suis pas prête à assumer mon homosexualité et à faire mon coming-out ?

Ce n'est pas une question de doute. Je sortais avec des garçons jusque la fac, certes, mais j'ai toujours été attiré par des filles. J'ai longtemps pensé que c'était de l'amitié, ou de la jalousie. Puis, quand je l'ai finalement compris, il y a eu comme une rupture entre ma vie d'avant et ma vie d'après. J'ai arrêté de me mentir et j'ai arrêté de faire comme si j'étais hétéro, au moins devant le miroir.

Vous êtes vous déjà demandé ce qu'est l'homosexualité? Moi oui et ce n'est qu'une seule et unique chose: une préférence. Cette préférence relève de l'intimité, de la vie amoureuse et sexuelle. Hors, on la considère beaucoup, à tort, comme un choix de vie ou même une contre-culture. Il y a le quartier chinois, le quartier hispano, le quartier branché et le quartier gay. C'est comme si on avait un quartier ou des bars pour ceux qui préfèrent les blondes ou les nanas qui aiment les chauves. Pour ma part, être gay, ce n'est pas choisir d'être différent ou adhérer à un style de vie. Non, c'est simplement avoir une attirance pour un type de personnes.

Hélas, être gay, dans notre monde, fait disparaitre une partie de qui nous-sommes. Car oui, si je dis que je suis gay, les gens que je croiserai se diront: "c'est la fille gay". Ils ne se diront plus: "c'est la barmaid rockeuse plutôt cool mais qui a un caractère de merde". Ils ne se diront plus non plus: "c'est la connasse que je supporte pas", mais "c'est la gouine que je supporte pas". Tout ça parce que j'aurai affiché, aux yeux du monde, des préférences intimes et personnelles.

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