Face à la vérité.

1 2 0
                                    

               Dans la chambre du médecin plasticien, le docteur Andersen s’avance vers le chevet de Martin Robert enroulé sur lui-même, les mains autour de ses pieds repliés. Le psychologue lui passe la main tendrement sur le dos et l’invite à s’asseoir. Andersen demande de l’intimité avec Martin Robert, forçant Charline, Jay et Bradford à libérer la pièce malgré eux. Tout tristes, ils attendent dans le hall, inquiets pour Martin. Jay fond en larmes dans les bras de Bradford, qui le rassure ainsi que Charline :

_Je suis désolé…j’ai volontairement refusé de voir ce qui lui arrivait parce que je voulais croire qu’il y avait encore quelqu’un qui pense à Ray tout autant que moi. Je me suis emporté contre toi parce que je te voyais comme une menace…que tu voulais nous séparer de Ray….

_Hey…c’est normal Jay, on a tous tendance à être égoïstes par moment, ce n’est pas grave. Moi-même, j’ai refusé de voir la souffrance de quiconque en m’occupant incessamment pour ne pas repenser à lui…tu ne dois pas t’en vouloir de penser à lui, tu sais ? Ça peut prendre des années souvent pour faire son deuil ou même jamais…le plus important est de continuer à vivre, aller de l’avant et faire la part des choses. Ray fait partie de toi, de nous tous…on peut continuer de l’aimer mais n’oublions jamais qu’il n’est plus de ce monde, c’est ce que Martin a compris et nous serons tous là pour l’aider à faire la différence. Charline prend Jay dans ses bras et le réconforte. Ça va mon grand, je suis là…

Martin regarde la vidéo faite de lui par Bradford alors qu’il manifestait son amour à Ray sur la pierre tombale. Se voir agir de la sorte sous un autre angle, dans une autre posture crée un déclic en lui. Tout remué, il fond en larmes et pose le téléphone devant le regard médical d’Andersen, décidé à être dur et cru avec lui. Le médecin lutte avec ses sentiments pour ne pas se laisser attendrir par le beau brun.

_Reconnais-tu l’homme dans cette vidéo ? Crois-tu que c’est normal d’agir ainsi…je veux dire que Ray n’aurait pas voulu ça….Martin, regarde-moi. Le médecin prend son menton dans sa main. Tu dois passer à autre chose, il faut que tu te libères de ce vice….

_Je ne peux pas….ses larmes coulent abondamment. Je suis désolé, mais non, je sais que c’est mal…c’est peut-être malsain, mais c’est tout ce qui me reste, je suis seul au monde…

_C’est injuste de dire cela pour les personnes qui t’entourent, tu n’es pas seul et tu ne l’as jamais été…

_Si, j’ai toujours été seul. D’abord enfant unique, j’ai passé ma vie dans un monde coincé, bourré de procédures et de règles de bienséance….j’ai pas connu la joie d’être un enfant ordinaire, de jouer au parc ou d’aller prendre une glace avec mon père. Le peu d’amour que je recevais de ma mère s’est arrêté quand elle a eu son accident de voiture comme… Ray…ironie du sort, je dois dire. Puis mon père, il a fallu qu’il soit condamné pour me manifester son amour. Lui aussi est mort, heureusement qu’il a choisi le cancer pour quitter la terre, au moins j’ai pu lui dire au revoir. Je ne voulais plus être seul, j’ai tout fait pour être ici avec Ray, j’ai organisé ma vie pour réaliser le rêve de Ray de former une famille ensemble…j’ai quitté mon pays, ma ville…tout ce qui m’était familier pourquoi ? Dis-moi, pourquoi au final ?

_Ça peut faire mal…la désillusion, je connais, mais ce n’est pas une raison d’abandonner.

_C’est facile à dire pour toi qui vis sans attaches…mais si j’ai un conseil à te donner c’est de profiter de tes parents s’ils sont encore en vie et des personnes que tu aimes parce que quand tu t’y attendras le moins, ils s’en iront sans te dire au revoir…tu auras perdu pour de bon le bonheur qu’ils te donnaient, leur chaleur…je suis seul, c’est ça ma triste réalité. Je suis maudit, tous ceux que j’aime partent…

_Ray ne t’a pas pourtant laissé seul, il t’a donné une belle famille, je trouve. Charline, une mère attentionnée ; Jay, un frère aimant et Bradford, un très bon ami, ensemble, ils t’aiment et s’inquiètent pour toi. Quelles étaient les chances que Ray meure et que tu te retrouves aussi bien entouré ? Ne vois-tu pas en cela un signe, Ray veille sur toi depuis là-haut, à toi de l’honorer en profitant de la vie qu’il t’a laissée avec ces personnes charmantes et aimantes. Le bonheur est encore possible pour toi, après la tempête vient le beau temps, il faut que tu réalises ton rêve de fonder une famille, de vivre heureux…tu lui dois bien cela, fais-le pour Ray. Supplie Andersen.

_Je suis conscient de la chance…je t’assure que j’aimerais changer, mon souhait est d’arrêter tout ça, mais comment faire ? C’est plus fort que moi.

_Déjà tu dois cesser de coucher sur sa tombe, cela n’honore pas sa mémoire. Tiens, le docteur sort une carte de sa poche et la pose dans la main de Martin. Ce ne sera pas facile d’arrêter cette pratique, faudra y aller doucement alors j’ai pensé qu’une poupée sexuelle à l’effigie de Ray serait un bon début pour arrêter de profaner sa tombe. Et puis, tu ne devras plus aller sur sa tombe tout seul, fais-toi accompagner pour le moment.

_En temps normal, j’aurais trouvé ça étrange, cependant au stade où j’en suis…

_Tu n’as pas à avoir honte, on n’est pas épargné des vicissitudes de la vie, tant qu’on vit, on est sujet à toutes les situations et aux coups bas du destin. Et crois-moi, ces poupées sont très réalistes, ça peut être sympa ? Sourit Andersen.

_Merci… Martin sourit sur le coup. Merci de me comprendre et d’être aussi gentil après tout ce que je t’ai dit et fait…

_C’est oublié, concentre-toi sur ta thérapie, une fois guéri, tu m’emmèneras en boîte pour te faire pardonner. Taquine le médecin.

_Noté ! Acquiesce le patient.

_Une dernière chose, j’aimerais que tu considères la poupée entièrement comme Jay et que vous soyez dans une relation ouverte, où tu pourras inviter d’autres hommes de temps en temps…

_Je ne pense pas pouvoir faire cela…

_Pas maintenant, je veux juste que tu aies cela en tête, que tu l’envisages. Cela pourra t’aider à te libérer de ta nécrophilie partielle, te permettre de réapprendre à draguer, à aimer et à faire des rencontres. Hum ? Promets-moi que tu y penseras au moins ? Demande Andersen face à l’air mécontent de Martin.

_On verra bien, l’avenir nous dira. Murmure-t-il sans volonté.

_On va y arriver ensemble. Rassure Andersen qui se dirige dans le couloir à la rencontre des proches du médecin.
Le médecin les prend un peu à l’écart et les informe sur les circonstances et les causes probables des troubles de Martin Robert : le manque d’affection de ses parents, la série de disparitions importantes d’êtres chers à ses yeux occasionnant la peur de se retrouver tout seul.

_Alors doit-on annuler le mariage…

_Non, surtout pas ! Il ne faudrait pas le brusquer, allons-y, pas à pas. Et le laisser aller au bout des projets qu’il avait avec Ray lui donnera un sentiment d’accomplissement. Cela lui permettra d’aller de l’avant. Maintenant, il faut le laisser souffler un peu.

_Venez, on va s’installer au salon, nous discuterons mieux devant des tasses chaudes. Conclut Charline.            




                                                     À suivre !

Si vous avez apprécié ce chapitre, n'oubliez pas de voter, de commenter et de partager l'histoire avec vos amis et vos proches.

Jusqu'à ce que la mort nous unisseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant