Chapitre 92: artéfact [aʁ.te.fakt] n

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Ils progressèrent, tout doucement, au long des tentes et des chemins du Chariot. Que dire? Il y avait tant à se dire. Par quoi commencer?


" Comment va le village?" Amorça finalement Shelia.


- Le village? Tu veux dire, après que tu sois partie aux mains des bandits? Après t'être sectionnée la gorge avec un morceau de verre? " Ironisa-t-il avec son tact habituel, inexistant. " Ah, j'ai rarement vu Bettry avec une mine aussi dépourvue de joie de vivre. C'est dire.


- Oh." Se replia la rouquine, regrettant aussitôt sa question. Il lui en voulait. Peut-être aurait-il été plus judicieux de commencer par demander comment il allait, lui. " Au moins, ils sont en vie.


- Ils le sont. Et ils s'en remettent sans problème." Lui concéda-t-il." Crois moi, ce petit incident était la meilleure chose qui pouvait leur arriver. Mais je n'arrive toujours pas à croire que tu as tenté de donner ta vie pour cette bande de... personnes." Se retint-il au dernier moment.


- Pardon, mais c'est le contraire!" Contesta la fille." Tu oublies qu'ils ont fait face à des bandits sanguinaires pour moi! Si je les avais laissé faire, le village serait parti en cendre. Et nous deux avec. Tu m'as laissée évanouie dans un bâtiment prêt à partir en fumé, je te rappelle.


- Quoi donc? " S'offusqua son interlocuteur." Ca, c'est fort! Tu crois vraiment que je suis parti sans plan? Que Martius t'as retrouvé là par hasard? On devait gagner du temps, j'ai tout fait pour nous faire gagner du temps. J'ai même risqué mon cou à moi dans cette histoire. Mais il a fallu que tu te réveilles et n'en fasse qu'à ta tête.


- Que vient faire Martius...Oh...". C'est alors qu'elle réalisa. Si Martius l'avait retrouvé cette fois-là, c'était à la demande d'Ewan? Le souvenir était flou, mais il était vrai qu'elle n'était jamais venue à interroger la présence opportune de l'homme à cette occasion. Et après? Quelle aurait été la suite de ce fameux plan? Il n'était pas question de lui demander : elle savait qu'Ewan viendrait avec une réponse. " Tu ne m'avais rien dit de ça." Rétorqua-t-elle plutôt. " Tu savais que j'aurais refusé. C'est même pour ça que tu en es venu à m'endormir. Tu n'avais pas confiance en moi.


- Regarde qui parle de confiance!" S'amusa le jeune homme." Ah, ne nous disputons pas, c'est passé de toute façon, et tu m'as prouvé que j'avais tort. Je ne peux que me prosterner face à ta force de volonté et le fait que, contre toute attente, tu ais encore ta tête sur tes épaules. Félicitation.


Était-ce sincère ou non? La rouquine ne pouvait le dire. Cela lui importait peu. Ces retrouvailles étaient plus pénibles qu'elle ne s'y était attendue. Il valait mieux ne pas insister davantage, elle ne désirait pas non plus envenimer la conversation sous couvert de son ressenti égoïste.


- Très bien, n'en parlons plus." Concéda-t-elle après un silence de réflexion. " C'est sans importance.


La mimique étrange qui se dessina sur le visage d'Ewan fit transparaître sa réaction troublée, que Shelia ne l'avait jamais vu manifester par le passé. Et elle se rappela. Il pouvait lire au travers de ses paroles, décrypter leur sincérité. Il savait quand elle mentait.


- Je suppose que je devrais m'excuser." Présuma-t'il, en serrant les dents." Ouai, c'était pas cool et j'aurais dû être plus honnête. Promis, je te partagerai toutes mes idées de plans farfelus à l'avenir.

Contes de Jullians : La fille sans visageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant