Chapitre 71: Celui qui singeait ses manières

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"Laela"


" C'est ainsi que nos chemins se séparent..." Répéta tristement son compagnon de route de ces quelques derniers jours, ne parvenant à dissimuler entièrement l'émotion qui ternissait sa voix d'habitude si allègre.


- Je vous ai déjà assez importuné..." Réitéra à son tour la rouquine, tout aussi ennuyée de perdre un partenaire si précieux. Toutefois, tel était le destin et chacun s'en devait rejoindre sa route.


- Cesse donc de répéter cette absurdité," la roupilla encore Telliez." Pas un seul moment je n'ai été importuné par la présence de ma bienfaitrice. Je dois dire qu'aussi court ait été notre chemin partagé ensemble, il s'est révélé particulièrement instructif.


- Je me demande qui est vraiment le bienfaiteur de qui!" Ironisa la fille, se remémorant combien elle devait à l'homme.


Non seulement l'avait-il offert une compagnie bienveillante et divertissante, il avait aussi partagé ses vivres, bien plus appréciables que les tranches de viande séchées qui comblaient les sacs des brigands, un abris sauf pour la nuit, nombre de ses connaissances, et jamais n'avait cessé d'échanger avec elle de tout et de rien, de sorte simplement à la distraire des pensées noires dont elle ne parvenait à se défaire.


Et s'était sans compter le changement d'identité qu'il lui avait permis d'effectuer. S'il avait évoqué un relooking, cela n'avait guère été dans l'intention de se moquer d'elle.


Ainsi dotée d'habits masculins, de lunettes sombres et de ses cheveux nouvellement taillés ras et dissimulés d'une capuche, elle était devenue méconnaissable. Certes suspicieuse, mais sur ces routes, tout individu l'était . Autant dire qu'elle se fondait parfaitement dans le paysage.


- Si c'est ainsi que tu le considères, disons que nous sommes quitte. " Convînt l'homme." Dans tous les cas, si nous nous revoyons à l'avenir, j'espère avoir le privilège de discuter de tes aventures autour d'une bonne boisson. Offerte par moi, cela va de soi. Nous aurons l'occasion de blablater avant ça bien sûr, n'oublions pas ce cher Têtu .


C'était un drôle de nom pour un oiseau, cependant on ne pouvait nier qu'il lui allait comme un gant. Peut-être était-ce dû au fait qu'on ne lui avait confié la moindre commission depuis son retour auprès de la rouquine, mais le petit volatil n'avait cessé de voler en tous sens et de s'agiter sans cesse, piaillant à tue-tête à qui voulait l'entendre.


Finalement, Telliez avait émis la possibilité d'utiliser l'animal à leur avantage. Puisque ce dernier était déjà dressé à rejoindre la rouquine où qu'elle se trouvait, il fallait dorénavant lui apprendre à s'en revenir pareillement à l'homme, et ainsi tous deux pourraient continuer à s'entretenir malgré la distance. S'il n'était pas sûr que cela soit possible, l'idée plaisait à la fille, qui d'une certaine façon se sentirait moins seule que de se retrouver sans contacte dans la nature, sans le moindre lien auquel se raccrocher. Néanmoins fallait-il que le marchand parvienne à l'éduquer de façon satisfaisante.


- J'espère que ça marchera." Espéra la rouquine, peu rassurée de la possibilité que Roue puisse se retrouver malencontreusement avec dans les mains une lettre ne lui étant pas destinée. Qui savait ce qu'elle pourrait ainsi en déduire et ce qui en résulterait." Bonne continuation à toi." Ajouta-t-elle, ayant terminé de vérifier l'équipement de Brave, sa désormais fidèle monture. Merci pour tout.

Contes de Jullians : La fille sans visageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant