Peony

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Carla.

Santa Barbara, aujourd'hui.



- Encore du noir, me dit ma collègue, dépitée, m'accueillant sur mon lieu de travail. T'en as pas marre de t'habiller toujours comme si tu partais à un enterrement ?


Je lui réponds par une révérence grossière, en reculant la jambe, puis je me tourne sur moi-même pour qu'elle puisse apprécier ma tenue, que je sais trop foncée pour elle.

- Tu vois '' madame la croque-mort ", je t'avais dit de prendre la combi beige. Faut écouter tata des fois, rétorque-t-elle.


Nous avons passé l'après-midi de la veille à faire les magasins ensemble, elle avait décidé de m'accompagner car elle n'avait pas de cours à l'université. Bien que je sois plutôt portée sur des tenues sobres et sombres, j'affectionne les vêtements raffinés. En outre, j'adore me maquiller, cela reste naturel et subtil, mais le maquillage me permet de gagner en assurance.

- En parlant de tata, elle est arrivée ? Rebondis-je plus sérieusement, souhaitant savoir si ma patronne avait perçu mon énième retard.


La tante de Billie est en fait notre patronne, Lisa.

- Oui, dans la réserve, mais je t'ai couverte...Encore...


- Merci, lui soufflé-je sans qu'elle ne puisse voir le sourire pincé.

J'ai rencontré Billie sur le chemin de ma désertion. Je cherchais un Job à tout prix toquant à la porte d'innombrables boutiques. Je me pris autant de refus que de tentatives, n'ayant qu'un diplôme d'étude secondaire. Je n'avais pas de spécialité donc argumenter mes compétences était fastidieux. Une fois, on avait prétexté avoir assez d'employés alors qu'une affiche aux couleurs fluos arrochée en vitrine disait le contraire, je devais sûrement être trop "fille" pour la manutention de colis. Un autre jour, le libraire qui m'avait reçue en entretien me demandait quel roman j'avais lu dernièrement. J'avais dû réfléchir un peu trop longtemps à son goût, car un soupir agacé m'avait indiqué que l'entretien n'allait pas durer très longtemps. Une chose était sur j'étais partie de chez moi assez rapidement pour ne pas me laisser le temps de me faire des plans A, B ou C.


Il fallait juste que je parte.

J'ai parcouru la côte Ouest américaine, en séjournant parfois dans des motels un peu vétustes ou dans des Airbnb abordables. J'avais quelques économies me permettant de tenir environ quatre ou cinq mois dans ces conditions. Ma mère, mène une vie aisée depuis son union avec William.


Qui l'eu cru... Elle qui cumulait plusieurs boulots.

Un compte bancaire à mon nom était alimenté chaque mois dans le but de payer mes futures études. J'aurais dû à ce moment même, partager une chambre étudiante avec une super copine, profiter de super soirées pour me saouler pour finir par rouler des pelles au super mec canon de l'équipe de football. Ce n'était pas tout à fait la direction que j'avais prise.
Au fur et à mesure que les jours passaient, le poids de ma situation devenait de plus en plus pesant. Pendant la journée, je passais d'un espoir à une déception à chaque fois que je franchissais le seuil d'une boutique. Le soir, je me retrouvais plutôt coincée entre mes angoisses, mes pleurs et mon anxiété, dans un lit différent à chaque fois, revenant sans cesse sur les raisons qui m'avaient poussée à partir.


Où plutôt fuir.

La ville de Santa Cruz n'avait rien donné, Monterey non plus.
J'ai poursuivi mon chemin jusqu'à atteindre la ville suivante, Santa Barbara. L'unique réconfort dans cette situation était la découverte de nouveaux paysages, ce qui me procurait un sentiment d'apaisement intérieur. En réalité, ma mère et moi ne voyagions pas vraiment. Nos seules escapades se résumaient à des visites au Fishermans Wharf, le célèbre port de San Francisco, lorsqu'elle bénéficiait de quelques jours de congé, ce qui était plutôt rare. Quant à moi, je me contentais de prendre l'air sur le chemin de l'école.


Gazelle    [ Darkromance ] Where stories live. Discover now