L'ultime Brûlure

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Carla.

Il y a cinq ans, j'avais 17 ans.

- Mademoiselle Rivera, est ce que vous pouvez répéter ce que je viens de dire ?

- Euh... la tangente... est ...la courbe de.... Désolé Monsieur, je n'ai pas écouté.

Des rires éclatèrent dans tous les recoins de la salle de classe.

- Comme d'habitude. Vous resterez à la fin du cours. J'ai à vous parler.

Le mec devant moi se retourna le sourire moqueur et dit quelque chose à son camarade de gauche, puis ils éclatèrent de rire ensemble. Les élèves du lycée, en particulier les garçons de ma classe, étaient tellement immatures que tout ce qui les intéressait était de faire rire les autres. Cela devait leur donner un sentiment de supériorité. Les chuchotements se sont alors propagés et quelques regards se sont tournés vers moi.

- Oui, elle a fait exprès pour taper une queue au prof, déclara la fille que je détestais le plus dans ma classe, derrière moi.

Pardon ?! C'est ce qu'ils pensent de moi ?

Dans une autre vie, j'aurais hurlé, retourné la table pour foncer et frapper celle qui avait eu ses propos. Mais dans cette vie, je n'étais pas celle qui en était capable.

- Qu'avez vous dit Mademoiselle Joli ?

''Mademoiselle Joli'' était une pure garce. Elle tirait satisfaction du malheur des autres et saisissait toutes les occasions pour rabaisser quiconque, même ceux qui n'osaient pas lui tenir tête.

Comme moi.

Malheureusement pour moi, et elle en avait conscience, elle correspondait parfaitement à son nom de famille. Elle était ravissante, blonde et irréprochable jour après jour. Elle devait consacrer beaucoup d'argent à ses tenues vestimentaires et à son maquillage.

- Rien monsieur, je disais que la tangente de la courbe représentative d'une fonction en un point est la droite qui touche la courbe en ce point.

- Très bien. Reprenons.

Il regarda l'ensemble de la classe du haut de ses lunettes. Il n'était pas dupe, mais il n'avait pas les preuves pour les sermonner.

Le professeur reprit son exposé sur toute sorte de formules qui ne m'intéressaient absolument pas. J'aurais préféré que mes priorités soient d'obtenir de bonnes notes pour assurer mon avenir, rendre des parents fiers et me dire que ces connaissances me serviraient un jour, mais ce n'était pas du tout ce à quoi je pensais à ce moment-là. Je réfléchissais plutôt à la manière d'annoncer à ma mère que mon demi-frère me torturait et me forçait à me mutiler, sans pour autant ruiner complètement sa vie. Quand est-ce que je serais confrontée à nouveau à Liam et quelle excuse je devrais simuler pour qu'il ne s'approche pas de moi ; comment je pouvais continuer à vivre malgré tout cela ?

Cela me hantait sans cesse. J'avais conscience que j'étais dans une dépression profonde. Incapable de m'en sortir depuis plusieurs mois.

Depuis que ma mère est devenue ''Madame Evans''.

Lorsque je me suis perdue dans mes pensées, ce n'était pas une recherche de solution et de réponses, mais plutôt une prise de conscience de la fatalité qu'est ma vie. Si j'avais la certitude que mon avenir serait plus radieux, peut-être que la tangente m'aurait intéressée. Parfois, des idées noires me traversaient l'esprit, et la mort apparaissait comme un moyen de s'en sortir. Je me disais que "dans le pire des cas, il y a la mort..." Cette façon de penser m'aidait à garder la tête hors de l'eau.

Gazelle    [ Darkromance ] Where stories live. Discover now