Je m'arrête à midi pile pour cuisiner. Je me suis fait livrer les courses hier dans la soirée. Je prépare une assiette de pâtes avec des légumes frais.

Une fois prêt, je m'installe et déguste le plat, je suis un peu en retard sur mon planning. Je dois me dépêcher si je veux avoir le temps de peindre. Je ferai la vaisselle ce soir.

J'attrape mon matériel et lance un minuteur d'une heure ; à l'issue de celui-ci, je partirai pour la galerie. Je peins une danseuse au bord de la mer, un coucher de soleil en fond. Je balade mon pinceau sur la toile avec des gestes précis jusqu'à la terminer. Je m'écarte et me rince les mains dans mon lavabo.

Il est l'heure de partir. Je repose le chat dans son panier et l'embrasse une dernière fois avant de m'en aller.

Je marche dans les rues animées de Paris, la boule au ventre. À chaque fois que je me rends à l'agence, je me remets en question, j'ai l'impression de ne pas le mériter. Je me repasse en boucle les paroles de la femme lors du vernissage : je dois croire en moi.

Ce que je fais, j'en suis légitime et cela plaît.

J'arrive devant le bâtiment et compose le code d'accès. La grille se déverrouille et je m'avance dans le petit parc qui donne dans une pièce moderne à la déco grise et blanche, à l'image de l'entreprise. Le bâtiment est, lui, typiquement Haussmannien.

Stéphanie m'accueille avec son habituel sourire qui me soulage. Elle me fait entrer dans son bureau et asseoir en face d'elle. Elle nous sert un chocolat chaud et se met à me féliciter pour le vernissage.

— Je suis heureuse que ce vernissage ait été à la hauteur du travail entrepris, cela vous a permis de vous faire un nom à l'étranger et ça c'est génial, Elizabeth !

Je rougis, mais elle ne semble pas s'en apercevoir puisqu'elle continue son monologue

— Le Monde nous a contactés avant-hier et ils aimeraient beaucoup vous recevoir pour une interview.

Je hoche la tête bien que la panique me gagne. Le Monde ? C'est énorme... Je vais sûrement devoir parler devant une équipe de journalistes et...

— Ne vous en faites pas, ce n'est pas pour tout de suite, je leur ai dit que si vous étiez d'accord, nous le ferions d'ici deux mois. Il y a des choses que j'aimerais voir avec vous avant.

Je hoche la tête, l'invitant à poursuivre. Stéphanie est vraiment gentille, mais je ne sais jamais comment m'imposer. Si quelque chose ne me plaît vraiment pas, je refuse, mais la plupart du temps, j'ai du mal à formuler mes idées comme elles me viennent. C'est quelque chose que je dois travailler.

— On nous a proposé de mettre l'un de vos tableaux au MOMA.

— Au MOMA ? je répète incrédule.

Un des plus grands musées d'art moderne du monde ? À New York ? C'est impossible...

Elle hoche la tête avec un grand sourire.

— C'est génial n'est-ce pas ? J'attendais votre accord pour envoyer une quelconque réponse !

— L'un de mes tableaux va être exposé au MOMA...

— Je vous aime beaucoup, Elizabeth, mais il va falloir prendre confiance en vous. Vous ne devriez plus être surprise à présent de ce genre de choses, votre carrière est un succès et je doute qu'elle cesse du jour au lendemain, bien au contraire, alors s'il vous plaît, acceptez-le et soyez simplement heureuse.

— Je le suis ! Évidemment ! Mais je ne réalise pas, c'est énorme...

— Ne remerciez que vous et votre travail, Elizabeth, c'en est le fruit.

Nos âmes enneigéesWhere stories live. Discover now