XV. Instruments tranchants

37 6 21
                                    

TW

Le trajet dans les transports en commun fut composé des minutes les plus longues de sa vie. Sonia avait rarement besoin de Blanche, elle n'avait même pas peur des araignées. Par contre, elle avait une peur bleue des baleines mais ce n'était pas très commun d'en trouver dans un appartement.

Elle se doutait bien que l'appel concernait ce qui lui était arrivé ce week-end. Avait-elle reçu les résultats? Etaient-ils positifs à une certaine maladie sexuellement transmissible?

Elle aurait pu faire marche arrière et demander à James de l'emmener au plus vite mais elle n'était même pas sûre qu'elle irait plus vite avec le trafic parisien. Et la manière dont ils avaient quitté les lieux ne lui avait pas donné envie de reprendre contact juste après. Pourtant, il a fait exactement ce que Blanche avait demandé, il n'a pas essayé de s'imposer ni de l'approcher plus que ça. Alors d'où venait ce sentiment d'amertume qui la rongeait jusqu'à la moelle?

Blanche ne dû pas y réfléchir longtemps avant d'arriver à l'arrêt qui la rapprochait de l'appartement de sa meilleure amie. Sonia avait pris soin de lui confier les doubles des clés à la pendaison de crémaillère. Pour les situations des plus urgentes et celle-ci en faisait parti.

Une fois dans l'entrée de l'appartement, Blanche retira ses chaussures et annonça sa présence à voix haute.

« Je suis dans la salle de bain. »

Blanche ouvrit la porte et trouva Sonia assise sur le carrelage, une jambe repliée contre son abdomen et une autre complètement tendue, le visage ébouriffé par les pleurs.

« Oh Sonia! Dis moi ce qui ne va pas. »

Sonia se prit par les cheveux, comme si elle essayait de résoudre une équation en cours de mathématique, une belle manière de voir la vie qui n'est qu'un ensemble de variables et d'où les solutions ne sont pas toujours des plus évidentes.

« Mais c'est justement ça le problème Blanche! Pourquoi est-ce que je vais bien? »

Blanche se laissa glisser contre le mur et s'assit en tailleur en face de sa meilleure amie.

« Ça c'est à toi de me le dire, Nini. »

« Blanche tu sais comment je me sens? Comme quand on avait cinq ans et qu'on faisait pipi au lit et qu'on se faisait engueulé par nos parents. Tu vois? Tu comprends pas ce que t'as fait de mal mais tout le monde te fait comprendre le contraire alors tu commences à te dire que tu as fait quelque chose de mal sans même concevoir ce qui n'a pas été. Blanche, je vais devenir folle. J'ai l'impression que mon esprit doit une explication à mon corps mais je n'y arrive pas parce que je ne m'en souviens pas. »

Blanche ne répondit pas tout de suite, les mots lui manquaient, contrairement à Sonia, elle, elle s'en souvenait un peu trop bien. Son esprit ne devait absolument aucune explication à son corps puisque ce dernier avait disparu, laissant l'âme de Blanche complètement à découvert et en constante recherche de celui qui lui ferait revenir chaque morceau. Elle brossa la pièce du regard et s'arrêta sur leur ancienne trousse de dissection que Sonia et Blanche avaient dû acheter en commençant une première année en biologie, il y a de cela, sept ans.

« Sonia qu'est-ce que t'as essayé de faire? » demanda Blanche d'un ton des plus sérieux.

« J'ai essayé de dévier le problème, je voulais que mon corps m'en veuille pour autre chose. Mais j'ai pas osé le faire, je ne pense pas en être capable. Tu te rappelles ce que tu m'as dit il y a cinq ans?»

Comment oublier? Blanche avait cette même trousse de dissection dans son ancien appartement étudiant et ses amies l'avaient trouvé les bras en sang, chaque éraflures n'étaient que superficielles car elle s'était rappelé la chute de tension que lui avait causé sa première entaille en 2008. Elle n'avait pas essayé de mourir, elle n'avait juste plus la patience d'attendre le prochain qui partagerait son lit et ainsi, lui partager un corps de substitution en attendant le prochain. Se couper et voir le sang dégouliner le long de ses avant-bras lui prouvait qu'elle était réelle, vivante et que son corps, bien qu'elle ne le ressente plus, n'avait pas bougé. Blanche n'avait toujours pas répondu et Sonia reprit la conversation.

Passer le capWhere stories live. Discover now