VIII. Bergénie

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Les trois jours précédant le week-end passèrent à toute allure. Blanche prit soin de ne jamais croiser James dans les couloirs de l'entreprise, quitte à devoir prendre les escaliers quand il le fallait. Les minutes dans l'ascenseur n'étaient plus composés de regards réchauffant l'entièreté de son être, seulement de secondes. Les pauses déjeuners étaient écourtées à la vue de son collègue ténébreux dans la cafétéria, aucun jeu de regard, laissant James avec Olivier et Jessica.

Blanche se sentit de plus en plus à sa place dans l'entreprise, les tâches qu'on lui donnait étaient diversifiées, l'administratif avait donné sa place à la stratégie. Olivier avait cessé de l'envoyer chercher des cafés, à la place, il allait en prendre un avec sa subordonnée. Blanche se sentait rassurée de pouvoir le compter dans ses amis de la boîte, James n'en faisant plus parti. Il était toujours plein de bienveillance, curieux d'en apprendre sur elle et de s'ouvrir à elle. Il l'invita même à boire un verre samedi soir, ce qu'elle accepta avec plaisir car sa journée avec sa cousine s'annonçait barbante.

Orianne était la fille de la soeur de Jada, elle avait vingt-sept ans et considérait Blanche comme la petite soeur qu'elle n'avait jamais eu. A l'annonce de ses fiançailles, elle avait déjà prévenu notre protagoniste qu'elles iraient acheter et essayer la robe ensemble. Et ce jour arriva, c'était ce samedi.

Il était dix heures et Blanche décida de sortir de son lit, sa conversation messenger avec son groupe d'amis s'était transformée en groupe de soutien pour Sonia puisqu'elle venait de quitter son canadien; personne ne lui demanda si elle s'était remise de la soirée avec James. Elle prit sa douche et lorsqu'elle en sorti, le nom de sa cousine apparu sur l'écran de son téléphone.

" Coucou Blanche, j'arrive devant chez toi dans quinze minutes je pense, tu seras prête?"

Blanche confirma et raccrocha dans la seconde, aucune minute à perdre. Elle sécha ses cheveux, se maquilla comme à son habitude et enfila une salopette à bretelles noire, un pull noir à dentelle juste en dessous. Elle entendit le klaxon de la voiture d'Orianne et déboula les six étages pour ne pas la faire attendre trop longtemps.

Elle observa sa cousine, ses mèches blondes sortaient de son béret rose, ses yeux bruns en amande et son sourire lui fit comprendre qu'elle était heureuse de revoir sa cousine. Blanche se mit à sourire à son tour, elle n'avait rien contre elle. A vrai dire, Blanche n'avait rien contre qui que ce soit, elle avait juste toujours du mal à se voir s'immiscer dans la vie de quelqu'un. Cette peur de l'abandon la suivait comme son ombre, lui rappelant tous les jours qu'au moindre faux pas, elle était remplaçable.

"Je ne compte pas faire mille boutiques, on doit juste passer prendre quelques amies."

Blanche et Orianne se mirent à chantonner les chansons passant à la radio, l'atmosphère était lourde, elles avaient, toutes les deux, certainement énormément de choses à dire mais aucune ne prit les devants. Les deux cousines chérissaient ses moments où aucun commentaire n'était attendu, rappeler à Orianne que Blanche était contente pour elle à propos de son mariage n'était qu'une futilité, une marque de politesse plutôt logique à avoir mais Blanche ne pu s'empêcher de se demander ce que cela allait changer pour sa cousine. Son mariage ne lui rappelait que l'échec de ses propres conquêtes, de sa difficulté à s'attacher ou se détacher. L'amour n'était qu'un fil sur lequel chacun marchait tel un funambule, l'équilibre était primordiale, fermer les yeux rendait tout plus facile, la moindre secousse et on se trouvait à terre. Elle ne pu s'empêcher de repenser à sa matinée avec James. Ce serait cacher la vérité que de dire qu'il n'avait pas essayé de la recontacter mais Blanche n'osa pas ouvrir les messages envoyés car elle avait peur de craquer et de finir par répondre.

Le trafic parisien était infernal, les copines d'Orianne décidèrent qu'il était plus sage de se donner directement rendez-vous à la boutique puisque les transports en commun rendaient tout bien plus facile d'accès. Par chance, elle trouva une place non loin de la boutique et gara la voiture à cet endroit. Les jours étaient de plus en plus froid, le ciel et les arbres de Paris avaient l'air de sortir tout droit d'une carte postale en noir et blanc. Les copines de sa cousine attendaient à l'intérieur, une tasse de café encore brulante à la main. Elles furent accueillies par la vendeuse et son large sourire, ses cheveux en queue de cheval et des oreilles décollées.

Passer le capWhere stories live. Discover now