CHAPITRE 29

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REYNA





Femina proceritas.

La devise matriatique couronne la triarcade marquant l'entrée de l'Arboretum. Les voûtes de pierres synthétiques culminent à plus de quarante mètres de hauteur. Plus haut encore, l'emblème d'Athéa se targue d'immortaliser la sagesse de notre déesse protectrice en son sein. Athéna domine l'institution arboricole, bénissant ses travailleuses.

Sa magnificence m'écrase. Je ne possède rien en commun avec cette divinité. Sa sagesse me fuit, mes erreurs s'enchaînent. La matrie s'articule autour de cette femme, de cette phrase : femina proceritas. « La femme est grande ». Peut-être en suis-je indigne finalement.

Dans l'ombre de la façade brune, j'aperçois enfin Néphyr Winters traverser les portiques EM à la sortie du bâtiment. Un faisceau X — d'un vert translucide, repérant tout objet volé — se déploie sur toute la surface des trois portes. La jeune fille passe au travers sans déclencher l'alarme et déverrouille la passerelle avec son empreinte magnétique.

Cette dernière s'assemble bruyamment au-dessus du Viridi Aqua. La rivière marécageuse marque la douloureuse conséquence du dérèglement climatique, survenu il y a quelques décennies.

Je me retrouve à la frontière méridionale de New Angeles. Plus au sud se dessinent les Régions Inondées, ravagées par les eaux. Quelques quartiers industriels subsistent parmi les terres émergées, mais le reste du territoire rassemble les camps insalubres servant d'habitations aux plus pauvres. Les activités criminelles pullulent, le taux de criminalité y est le plus haut de la ville.

— Ton appel m'a surprise.

Je sors de mes pensées à l'entente de la voix de Néphyr. Je tourne ma tête vers elle et me confronte à son habituel sourire rehaussant ses pommettes. L'héritière ne porte plus sa blouse blanche d'employée. Sa jovialité m'arrache le cœur. Je n'ai rien de similaire à lui offrir. Athéna, qu'est-ce que je fais là?

— Le moment me semblait bien choisi pour une balade, dis-je sans conviction.

Elle sait que je mens. L'héritière Winters cerne les gens mieux qu'aucune Sénatrice. Mais elle ne dira jamais rien. Sa gentillesse la perdra.

Sur un geste de la tête, nous nous mettons en route. Nous déambulons de longues heures dans les forêts énergétiques qui bordent l'Arboretum. En silence. Les arbres bioniques, hauts d'une centaine de mètres, nous abritent du soleil brûlant. La recombinaison moléculaire hydroxygénée les rend autosuffisants en eau. Leurs écorces transparentes laissent entrevoir les tubes hydrauliques qui rapatrient le surplus de liquide vers des réservoirs souterrains.

L'écoulement du réseau chantonne au creux de nos oreilles. L'apaisement m'étreint. Les troncs s'illuminent parfois d'une brillance stellaire, lorsque la fusion de deux atomes d'hydrogène dégage une importance rafale d'énergie dans les feuilles célestes. D'autres circuits internes la conduisent jusqu'aux quartiers résidentiels, où elle approvisionne les maisons en électricité.

Je me complais dans cette nature oxygénante, oubliant tout le reste. Ou presque. Une certaine paix étreint mon cœur. C'est étrange. Je crois que c'est la première fois depuis Newton Park.

Néphyr met fin à cette tranquillité en ouvrant la bouche.

— Tu sais pourquoi je travaille à l'Arboretum ? demande-t-elle soudain, les yeux tournés vers les arbres.

— Dis-moi.

— La technologie arboricole me fascine. L'arboriculture demeure un art qui garantit notre survie. Je le comprends de plus en plus chaque jour.

ManipulationWhere stories live. Discover now