CHAPITRE 18 | PARTIE 2

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SHADE





—    Shade !

Indifférent à ses cris, je continue ma route en évitant chaque pensionnaire un peu trop survolté sur mon passage. J'entends la démarche clopinante de mon ami qui tente de me suivre. J'accélère le pas. Mon désir de vengeance trace aveuglément mon chemin en direction de la salle des Machines, la boîte d'allumettes soigneusement pressée dans ma main.

La peur s'est barrée de mon organisme. Comme toujours. Seule une furieuse détermination guide mes pas et me rapproche inexorablement de mon objectif. Mes démons ont déjà largement bâillonné ma conscience. Pas un maigre filet de voix fluette ne réalise de percée alarmante entre mes neurones désaxés. Un paradis de silence moral.

Berlioz me poursuit toujours à distance quand je débarque finalement dans les couloirs de notre lycée. Blindé. Toute la foutue Pension est au rendez-vous et les combats fructueux côtoient désormais la musique caverneuse et les jeux débiles des gamins. Je ne m'attarde pas et profite de la foule pour me faufiler entre les corps et semer le Mexicain.

Continue, Shade.

Mes maximes de taré sursautent quand un grondement sourd ébranle les murs de la Pension NA21 district 64 B. Le monde se fige, le temps d'un coup d'œil appuyé à l'ensemble de mes camarades tout aussi surpris. Puis l'alarme se déclenche.

Une pulsation stridente qui dévore nos tympans et force nos mains contre nos oreilles. Je me plie en deux sous l'agression. Les Pensionnaires paniquent et s'envolent dans tous les sens, telle la nuée de nuisibles que nous sommes. Ça pue la merde. Une seconde secousse percute la Pension, touche ses premières cibles.

Les faibles et les gosses tombent à terre pour se relever immédiatement et déguerpir dans leur chambre. La bouche ouverte sur un cri de terreur.

Les pieds fermement ancrés dans le sol, j'aperçois finalement l'armée de Guetteurs qui déboule au bout du couloir. Putain de bordel... Des centaines de drones aux yeux rouges luisants balancent leurs filets électriques et attrapent les carcasses déjà frêles des plus lents. Les cris se fondent parmi les pas précipités et l'écho sinistre des mécanismes technologiques de nos agresseurs. La panique enfle et explose, aspergeant le bâtiment d'un chaos sourd et désaccordé.

Putain de bordel de merde!

Je me retrouve dans l'obligation d'improviser. Je change de direction pour contourner l'armée, quand une vision de cauchemar me barre la route.

Zyar est de sortie.

Son visage froid, marqué d'une longue cicatrice contre son œil droit, me grimace un semblant de sourire carnivore. Son hologramme s'assemble de bouts de chair vieillis, comble les trous alors que ses cheveux bruns hirsutes se dressent en pics sur son crâne. Sa soif de sang rougeoie presque dans ses globes oculaires factices.

Ma folie me rend invincible. J'ai envie de le planter. Pas maintenant, Shade. C'est vrai, il y a plus important en jeu.

Muni de Poings à impulsion, le pseudo cyborg s'entoure d'une dizaine de ses Fils, encore plus impressionnants que l'IA elle-même. Des machines de mort aux réflexes exacerbés. Des Bots modifiés pour attraper, neutraliser, tuer. Chaque fuyard assez stupide pour tenter de les tromper tombe entre leurs griffes.

Merde. Zyar m'a repéré. Un sourire pervers tente de courber ses lèvres robotiques.

Sans perdre de temps, je retente ma chance du côté des Guetteurs. Lancé à pleine vitesse, j'esquive les jets de projectiles, les lasers immobilisants et les corps de mes camarades abandonnés sur le sol. J'ignore les visages piétinés dans la précipitation.

ManipulationWhere stories live. Discover now