CHAPITRE 9

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REYNA


Je porte ma flûte de champagne à mes lèvres, un œil soucieux posé sur l'ensemble des convives. J'avale ma gorgée avec difficulté : l'alcool me brûle l'œsophage. Je réprime une grimace, la mâchoire crispée. Je n'ai jamais vraiment apprécié ce genre de boisson, mais pour les convenances, l'image, la société, j'accepte gracieusement le châtiment.

La fête bat son plein ce soir. Les inquiétudes des derniers jours semblent s'être envolées pour laisser place à une bonne humeur collective l'espace d'une soirée. Les Sénatrices ont revêtu leur tenue d'apparat pour la célébration du Gala annuel féministe, soirée élitiste pour récompenser et promouvoir un mode de vie toujours plus exclusivement féminin.

Cette nuit, nous fêtons la hausse du nombre de couples homosexuels, de filles nouveau-nés cette année et des recours à l'avortement quand le sexe de l'enfant s'avère être masculin.

Un peu en retrait dans l'immense salle, j'observe ma mère discuter aimablement avec d'autres femmes. Elle porte une longue robe dorée, cachant ses pieds, surmontée d'une cape ivoire dans le dos et d'un serre-tête Athénien retenant ses mèches rousses en un chignon élégant. Toutes les Sénatrices portent la même tenue, se drapent de leur pouvoir. Leur stature prend toute la place, conquiert le moindre territoire.

Je frissonne d'anticipation. Il me tarde d'atteindre un jour la même aura de puissance.

Pour l'instant, je me contente d'une combinaison fluide, gris clair, à manches longues, ceinturée à la taille. Mes cheveux pourpres se relèvent en un chignon strict, retenu par un fil d'or. Mais alors que Zelda Call aborde ses plus beaux bijoux, allant des boucles d'oreilles en diamant, aux bracelets en or connectés, je ne porte autour du cou que ma plaque militaire fétiche.

Même avec tous mes efforts, je ne dispose pas d'un dixième de sa perfection.

Je la scrute plus en détail, tente de copier ses comportements, son habilité à paraître intéressée par un sujet dont elle se fiche royalement. Je me redresse, étends mon dos comme si cela pouvait m'apporter un meilleur statut social, et lève le menton pour afficher une certaine supériorité.

Mais je ne suis pas dupe, je ne dois ma présence ici qu'à mon lien de parenté avec la Matriarche. Peu d'étudiantes sont présentes ce soir, pour la simple raison que le Gala se réserve habituellement au gratin politique. C'est déjà un honneur pour moi d'en faire partie.

—     Quelle belle réception ! Tu ne trouves pas ?

Seven me sort de mes pensées en arrivant à côté de moi. Mon alliée n'a été invitée que parce que sa mère est l'organisatrice de la soirée. Rien d'autre. Pour ma part, elle est encore loin de pouvoir prétendre à intégrer les cercles de la haute société. Elle se montre trop frivole, trop émotive parfois. Elle m'a toujours semblé incapable d'appliquer la rigueur acquise par ses combats dans sa vie quotidienne.

—     Je dois reconnaître que ta mère a fait du bon travail, admis-je en trempant une nouvelle fois mes lèvres dans mon verre.

En voyant ma grimace, mon amie attrape la flûte et finit son contenu d'une traite. Je n'ai pas le temps de réagir que Seven me rend déjà mon verre vide. Je ne dis rien, je n'aime pas le champagne de toute façon.

J'admire alors les lustres en cristal au-dessus de nos têtes, les dorures des murs et le sol recouvert de poudre d'or. La décoration, réalisée dans un style ancien, éblouit littéralement les invitées et sublime la salle de réception de l'Hôtel de Ville de New Angeles. Perchées au trentième étage de la tour, nous pourrions nous confondre avec les étoiles, tant la lumière émanant de ces femmes fait concurrence avec celles du ciel nocturne.

ManipulationWhere stories live. Discover now