CHAPITRE 11

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REYNA


Quelqu'un m'a dit un jour que survivre à la mort était une opportunité de montrer au monde toute l'étendue de notre force mentale.

À l'époque, ces mots ont provoqué un ouragan dans ma tête. L'écho s'est propagé pendant des jours dans ma chambre d'hôpital. Mais alors abrutie par la morphine et les injections répétitives de Biologel, je n'étais pas en mesure d'en saisir la naïveté.

Il va de soi que l'autrice de cette phrase n'a jamais eu à faire face à un tel traumatisme. Ceux qui l'ont vécu, qui ont survécu, savent. Ce genre d'évènement brise jusqu'à la moindre petite parcelle de notre esprit, aussi fort soit-il. Je n'ai pas échappé à la règle, malgré tous mes efforts pour me convaincre du contraire.

Shade l'a bien intégré on dirait. Un peu trop bien même.

Depuis que je l'ai soigné il y a deux jours, il ne m'adresse plus la parole. Il m'évite, cela ne fait plus aucun doute. Dans le fond, c'était tout ce que je voulais. Mais je ne peux pas gagner en refusant la conversation.

Il doit être aux alentours de onze heures quand je le retrouve au bar du complexe. Assis sur un tabouret, un verre de scotch à la main et le regard vague. Depuis le début, il semble incroyablement préparé, déterminé à remporter la victoire. Pourtant, je me surprends à constater que l'arrestation de son ami fait partie des rares évènements qui peuvent le détourner de son objectif.

Ainsi perturbé, il laisse quelques indices s'échapper de son costume d'être parfaitement contrôlé. Un accès de colère, un sourire ironique, une peine déchirante traversant ses pupilles. Toutes ces observations me permettent de distinguer les traits encore flous d'une personnalité camouflée.

— Il n'est pas un peu tôt pour commencer à boire ? énoncé-je depuis l'entrée de la pièce.

Shade tourne paresseusement la tête dans ma direction, un mépris profond au visage. De lourdes veines rougeâtres parcourent ses yeux sous l'effet de l'alcool. Sa peau apparaît plus livide que d'habitude, presque maladive. Je ne m'en soucie pas.

C'est la première fois que je lui adresse la parole depuis deux jours et il ne semble pas ravi de cette initiative. Affaibli par le sort de son ami, il sait qu'il ne peut pas assurer son rôle aussi bien que d'habitude.

C'est une opportunité de le faire parler que je me devais de saisir

— Il n'est pas un peu tôt pour venir m'emmerder ? rétorque-t-il en reprenant une gorgée de son verre.

— Ta vulgarité est déplacée.

— C'est ta position qui est déplacée.

J'inspire lourdement, mais ne réponds pas à la provocation. Je sais ce qu'il fait, j'apprends de mes erreurs. Et j'ai vite compris que la violence de ses attaques était proportionnelle à sa vulnérabilité. Plus il se sent faible, plus il frappe fort.

Les coups bas ne lui font pas peur. Shade n'a jamais eu d'honneur.

— Je suppose que ton ami est toujours à l'Abattoir, continué-je en faisant abstraction de sa dernière remarque.

— Tu supposes bien, acquiesce-t-il avec amertume.

— Si tu me disais son nom, peut-être que je pourrais faire quelque chose pour lui.

Un ricanement sarcastique s'échappe de ses lèvres, pourrit l'atmosphère. Un œil mauvais s'attarde sur mon visage. Je devine les injures hurlantes derrière ses pupilles, toutes à mon encontre. Mais savoir avec qui il traîne serait une information capitale pour les Sénatrices. J'ai besoin de ce nom.

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