Chapitre 40

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 Cathbad arborait un visage grave, sérieux. Son expression concentrée s'était métamorphosée en une sinistre grimace. Depuis qu'ils avaient débarqué dans le village en ruines, jamais le druide, ni les autres villageois, ne s'étaient montrés aussi sombres. L'atmosphère, en moins d'une minute, avait pris une tonne ; elle pesait sur les épaules de tout le monde comme le poids du ciel. Un silence s'était installé, pesant sur la salle comme un boulet de fonte trop lourd, comme si le ciel se posait sur les épaules de ces habitants perdus. Même Brook, entouré des autres musiciens, avait cessé de jouer. Son violon s'était éteint.

Un attroupement s'était formé autour de la fenêtre. Malgré le fait que Cathbad et ses interlocuteurs se trouvaient bien trop loin pour être vus — seulement comme silhouettes —, ils restaient là, à l'affût.

Seuls les pirates au chapeau de paille et quelques blessés immobilisés n'avaient pas bougé de place, mais la tension restait palpable. Nami serra la main d'Eryn, qui s'était rapprochée de la navigatrice. Les enfants marmonnaient tous, demandant parfois à un adulte ce qui se passait. Mais personne ne pouvait leur répondre.

Sanji, lui, continuait de cuisiner, jetant des coups d'oeil vers ses compagnons. Contrairement aux autres, son Haki lui permettait d'avoir une idée de ce qui se déroulait à l'extérieur. Mais même en sentant ces énergies, il n'avait pas une meilleure connaissance de la situation que les autres. Il n'entendait pas ce qui se disait, mais vu l'aura dégagée par leur hôte, c'était une conversation sérieuse.

Comme son Haki lui permettait d'en savoir un peu plus que les autres, il avait décidé de continuer à agir normalement. Il fallait bien que quelqu'un garde un semblant de normalité.

Franky, lui, suivait l'ambiance des lieux et gardait un œil vers la fenêtre. La curiosité du cyborg le démangeait. Fallait-il sortir et prêter main forte à Cathbad ? Pour l'instant, ça ne semblait pas le cas. Il venait à peine de partir. Il ne semblait y avoir aucun danger. Pour l'instant, tout du moins.

Dehors, l'air semblait encore plus lourd qu'à l'intérieur. Cathbad faisait face à un petit groupe de nouveaux arrivants. Une dizaine d'hommes, tous vêtus de costumes noirs, de la tête aux pieds, parfois le visage couvert d'un chapeau et de lunettes de soleil, entourait une charrette. Sur cette charrette était assis un homme, vêtu à peu près de la même manière que les autres, mais beaucoup plus chiquement. Le moindre de ses accessoires, à première vue, devait coûter trois salaires d'un honnête homme, sinon plus. 

A en juger par sa taille, il n'était pas bien grand. Pourtant, tout chez lui respirait la démesure et la supériorité. Le dos si droit que l'on pouvait croire qu'un balai le contraignait, le menton carré haut, l'homme toisait Cathbad. La main gauche solidement ancrée sur l'un des côtés de la charrette, il s'empressa de chasser l'air de la main droite ; aussitôt, les hommes de main s'écartèrent, empressés de ne pas gâcher la vue du personnage.

Sa simple vue suffit à Cathbad pour durcir les traits du druide. En comparaison, on devinait bien que cet homme avait passé les dernières décennies de son existence à diriger et non à travailler. Sa mâchoire, parfaitement carrée — lui octroyant au passage un air des plus intelligents — soulignait un visage plus dur qu'un roc... Un roc érodé par une certaine vieillesse, si l'on s'en tenait aux quelques rides qui couraient sur cette immonde face. Ses cheveux gris d'un côté, faussement noirs de l'autre, parfaitement coiffés vers la gauche avec une petite raie sur le côté droit, montraient combien il prenait soin de son apparence, une apparence terne, sans fantaisie.

Ses yeux froids et calculateurs tombèrent sur le druide :

— Très cher sorcier...

— Naro... grinça Cathbad, insulté par le manque de reconnaissance de l'odieux personnage.

Le Poisson d'OrWhere stories live. Discover now