Le Poisson d'Or

Chapitre 1

Son éternel sourire sur le visage, Robin referma le livre qu'elle tenait. Un petit soupir franchit ses lèvres tandis qu'elle sollicitait sa nuque engourdie. Depuis combien de temps était-elle là ? Les rayons qui perçaient la fenêtre de la bibliothèque lui donnèrent une petite idée. Elle s'étonna qu'aucun de ses compagnons ne soit encore venu pénétrer ce sanctuaire.

Par delà la fenêtre, le ciel mi-couvert semblait plutôt calme. Aucune trace de vent violent, de pluie, d'orage. Un ciel terne s'étendait à perte de vue. Parfois, l'archéologue s'étonnait de la quiétude du Nouveau Monde. Elle imaginait cet océan plus hostile. Depuis leur entrée dans cet enfer, l'équipage n'avait pas connu de gros désastres climatiques, à la grande surprise de Nami. La curiosité de Robin l'avait poussée à interroger sa camarade météorologue sur la question, mais derrière les explications de la rousse, elle n'avait su trouver de réponses qui coïncidaient avec les attentes que tout le monde se faisait de cet océan.

Elle considérait qu'ils avaient certainement beaucoup de chance ; l'imprévisibilité de cet enfer semblait les épargner... mais pour combien de temps encore ?

Nico Robin ne craignait pas les aléas de la météo. Après tout, leur équipage avait la chance de compter l'une des plus talentueuses personnes qu'elle ait eu l'occasion de rencontrer, et dont le domaine de connaissance concernait le climat. Nami avait tout de suite intrigué l'archéologue par ses talents. Puis la curiosité s'était transformée en une solide amitié entre les deux seules femmes de l'équipage. Elles passaient une bonne partie de leurs journées ensemble, profitant du bon temps pour se reposer, toujours servies par leur cuisinier adoré. Sanji les chouchoutait énormément ; Robin trouvait cette manière de toujours être avec elles touchante, contrairement à Nami qui en profitait avec joie.

Elles en discutaient parfois ; Nami lui avait expliqué que l'excentricité du blond l'agaçait, mais elle ne le détestait pas... Après tout, il n'était pas de si mauvaise compagnie. Comme tous les autres. Robin s'entendait particulièrement bien avec Zoro et Chopper ; l'un pour son caractère faussement distant bien qu'il se préoccupait toujours des autres et particulièrement d'elle, et l'autre parce qu'ils avaient su nouer une solide relation. Elle respectait Chopper en tant que médecin, le protégeait comme son petit frère ; et lui, il lui faisait confiance et cherchait toujours à la rejoindre quand il avait besoin d'un peu de calme.

Aux côtés de ces êtres si particuliers, la peur ne serrait plus son cœur. Ils lui avaient donné un foyer, un endroit où elle se sentait elle-même, un endroit où elle n'avait pas besoin de se retourner à chaque pas pour vérifier qu'une ombre ne la menaçait pas. Plus que quiconque, Robin savait ô combien ce monde se montrait cruel et sans pitié. L'appât du gain, la bonne obéissance aux lois infondées et liberticides du gouvernement ; tout ça pouvait conduire des gens à trahir et blesser même des enfants. Pour beaucoup d'esprits malveillants, la fin justifiait les moyens. Livrer une enfant dont le seul péché était sa connaissance ? Bien sûr ! Plonger des âmes dans une absolue solitude, les heurter parce qu'elles étaient différentes ? Sans aucun remord ! Se repaître de l'angoisse, des souffrances d'autrui pour son propre profit personnel ? Voilà la conviction des lâches et des incapables, ceux qui ne connaissaient pas la véritable valeur des choses.

Elle que l'on surnommait le démon d'Ohara, était-elle vraiment si démoniaque en comparaison des créatures qui la privaient de son désir de vivre ?

Robin continuait de regarder en direction de la fenêtre. Derrière cette dernière, se dressait le pont où reposaient ses espoirs et ses gardiens. Et derrière encore, l'océan, grand, magnifique, et la blanche quiétude de ses vaguelettes. Un petit rire secoua ses cordes vocales. L'image d'un géant se superposa à celle des nuages. Un géant barbu, coiffé d'un chapeau.