Chapitre 19 : Le temps de la réflexion

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     Laura me regarde avec un air bizarre. En même temps je la comprends, je viens de rentrer sans gêne dans une pièce, faisant abstraction de tout le monde, pour aller me déchainer sur le piano. Je conçois que ça puisse surprendre. Ou même inquiéter...


– Anna, est-ce que tu vas bien ? réitère ma belle-mère.

– Oui, j'avais juste envie de jouer, désolée...

– Ce n'est pas grave. Mais la prochaine fois, tu pourras nous prévenir que tu comptes jouer un concerto ? me taquine mon père.

– Je me suis... emportée, avouais-je.

– C'était très beau en tout cas, me rassure Laura. Mais très différent de d'habitude.


     Sur ce, je me suis contentée d'aider mon interlocutrice. Je me suis effectivement laissé emporter, étant donné qu'un peu plus d'une heure s'est écoulée depuis que je suis sortie de mon antre.

     Tout le long de la soirée et du repas, j'essaie de faire bonne figure. Une façade s'est installée sur mon visage. Je n'attends qu'une chose, de pouvoir m'éclipser. Lorsque je le peux enfin, je saisie ma guitare, et gratouille un peu. Ça m'aide à penser à autre chose.

     Le temps passe plus vite, à tel point qu'il est presque minuit lorsque je regarde mon téléphone. Plus de messages de Louka, c'est déjà un soulagement. Il fait tellement chaud. Je monte sur mon toit, et n'ai qu'une envie, descendre sur la plage. Mais j'aimerais bien emmener ma guitare, je suis d'humeur nostalgique.

     Ni une, ni deux, je commence à descendre l'arbre qui me fait face, tout en faisant attention à ne pas abimer mon instrument. Arrivée à une hauteur que je juge raisonnable, je lâche ma guitare, et saute à mon tour. Rien de cassé pour aucune de nous deux.

     Je passe le portillon, et me retrouve pieds nus dans le sable frais. Quelle sensation ! Je m'assoie en tailleur et repose mes mains sur mon instrument à cordes. Le son qui en sort me ravie. Je repasse tous les classiques de la chanson française. Brel, Piaf, Aznavour, Barbara... Alors que j'allais entamer Joe Dassin, Soraya s'assoit à mes côtés. Elle est mouillée.

     Je pose donc ma guitare à même le sable, et la salue. Elle me sourit faiblement, et me demande si tout va bien. Je l'assure que je me sens très bien. Même si ce n'est pas totalement vrai. Je ne veux pas l'embêter avec mes histoires. J'aimerais que les rôles s'inversent.


– Et toi comment tu vas ? l'interrogeais-je.

– Ça va écoutes, répond-elle machinalement.

– Et en vrai ?

– Mes parents sont de retour, signifie-t-elle simplement. Et comme mon frère n'est pas encore revenu, leur attention m'est entièrement destinée...

– Tu regrettes tes moments seule ? tentais-je de comprendre.

– Oui, enfin, mes moments loin d'eux. J'essaie de me faire la plus petite possible, quand mes frères sont là, pour qu'ils m'oublient. Mais là, je ne peux pas leur échapper... souffle-t-elle en se massant les tempes.

– Loin de moi l'idée de te dire que tu devrais être contente de cette attention, je te comprends à 100%, mais pourquoi tu n'aimes pas ça ? demandais-je.

– Mes parents sont... très exigent. Puisque tous mes frères ont répondu à leurs attentes, ils s'attendent à ce que je fasse la même chose, mais je n'aime pas le chemin qu'ils essaient de me tracer. Et ils ont bien compris que je suis une « cause perdue », grimace-t-elle.

La Reine des GlacesWhere stories live. Discover now