Je sens ses yeux sombres frôler mes blessures faciales, caresser mes hématomes. Je sais immédiatement comment il va réagir.

— T'as une sale gueule, se moque-t-il en serrant mon épaule.

Je tourne la tête vers lui, mon sourire en coin bien en place. Sa naturelle légèreté ne parvient pas tout à fait à cacher l'inquiétude de sa voix. Je ne fais pas de commentaire.

— J'ai exactement la gueule que je devrais avoir, répliqué-je sans chercher à masquer ma prétention.

J'entends Isaz pouffer dans mon dos. Je me retourne lentement, les traits soudain plus durs lorsque je m'adresse au brun.

— T'as quelque chose à dire ?

— Fais pas comme si t'avais tout prévu, m'accuse-t-il en montrant les dents. Tu veux juste pas avouer qu'elle t'a démarré dès qu'elle a vu ta sale gueule de taré et qu'elle t'a mis KO en moins de trois secondes et demie.

Je souris un quart de seconde, déjà ennuyé. C'est si terrible de devoir sans cesse interagir avec des idiots qui possèdent moins d'un huitième de mon intelligence.

— Pense ce que tu veux, c'est pas comme si t'étais assez futé pour comprendre de toute façon.

— Je suppose qu'on peut pas tous être agités du ciboulot comme toi. Mais je t'en prie, continue d'appeler cela de l'intelligence.

Mon sourire s'effondre, remplacé par une ligne tranchante. Ma langue claque contre mon palet alors que les démons hurlent et serrent mes poings. Frappe-le. Non. Ce type ne mérite pas que je lui donne raison.

Je plisse les paupières et le fixe si froidement que mes envies de meurtres finissement par s'inscrire sur sa peau. Rétractent ses veines, coupent sa respiration. Il tient mon regard par fierté, mais tout son corps me hurle sa crainte.

Je me retourne vers Berlioz comme s'il n'existait plus. Personne n'intervient dans ces cas-là, ni mon meilleur ami et encore moins Lagos. Ils attendent simplement que la tension s'efface, inconscient du mal qui sévit sous mon crâne.

— Des infos pour moi ?

Après une seconde d'hésitation, le Mexicain se lance finalement dans un rapport exhaustif des évènements de la journée. Rien d'excitant. Le reste d'entre nous coincé entre ces murs sordides a vécu une journée comme les autres pendant que nous autres Sélectionnés faisions face à ce qui se fait de plus vicieux et idéaliste à Athéa : des étudiantes en Sciences Politiques Sénatoriales.

Ma gueule a fait le tour de la Pension, a nourri les rumeurs, les moqueries. Je m'en tape. Je n'ai pas le temps pour ces conneries.

Alors que Berlioz continue de babiller, mes yeux se baladent sur le paysage familier du gymnase puis s'arrêtent sur Smith. Torse-nu, la brute enchaîne les développés-couchés dans l'espoir probable de gonfler ses muscles à hauteur de son égo. Une perte de temps. J'observe ses veines bleuir sur ses biceps, saillir à la surface de sa peau et les imagine exploser à la gueule de ses sbires en une gerbe rougeâtre, mélange de sang et de sueur puante.

Un foutu spectacle. Bien meilleur que celui qu'il offre chaque soir, sculptant son corps pour forcer la peur dans les entrailles. Une cause perdue si vous voulez mon avis. Une seule chose vaut la peine d'être retenue dans sa pathétique petite routine : sa constance millimétrée. Elle le rend prévisible. Une chance pour moi.

Pour autant, Ramsey Smith a dérogé à sa foutue stupidité aujourd'hui. Pas un mot sur mon visage tuméfié, pas une insulte sur le chemin du retour, pas même un doigt d'honneur puéril. Dès son retour à la Pension, il n'a pas bougé de sa chambre, continuellement entouré de trois ou quatre de ses gars.

ManipulationTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang