Les voyages de Gulliver

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Harry se rendit vite compte que si les rapports qu'il avait entre les mains avaient été minimisés, transformant les agressions en de simples incidents, il n'y avait pas vraiment plus de détails à apprendre.

Théo avait été passé à tabac près de chez Fleury et Bott sur le Chemin de Traverse. En sortant de la boutique, il avait reçu un sort cuisant dans le dos, puis avait été tiré sous une porte cochère, dans l'ombre, et avait eu droit à une correction éclair. Il s'en était sorti avec des contusions et un bref passage à Sainte-Mangouste pour les brûlures, rien de très grave, mais également avec la crainte constante d'être agressé de nouveau et de ne pas avoir tant de chance la fois suivante. Il n'avait rien vu, et il avait été bien trop surpris pour relever le moindre détail qui aurait pu identifier ses attaquants.

Adrian avait été forcé de déménager, sa maison de famille avait été directement attaquée. Jets de pierres, tags de peinture... Il avait abdiqué quand son chien avait été égorgé et laissé sur son paillasson.

Daphné recevait des lettres anonymes, pleines de venin, un peu dans le même style que celles de Pansy. Elle ne sortait plus seule de chez elle, surtout après les agressions de ses amis, vivant de plus en plus recluse. Sans l'insistance de Pansy pour répondre à l'invitation, elle ne se serait pas déplacée.

Blaise avait lui aussi été agressé après avoir perdu son emploi à La Gazette, c'était trop dangereux de le garder selon Barnabas Cuffe. Sa mère avait reçu des menaces jusqu'à déménager à l'étranger, préférant convoler avec un sorcier originaire d'un autre pays pour sa sécurité. Et la maison de son beau-père — le huitième ou le neuvième, il ne se souvenait plus de quel remariage il s'agissait — avait brûlé jusqu'aux fondations.

Harry se frotta le visage quand le métis eut terminé de parler. Il allait s'excuser et avouer qu'il ne trouvait rien d'utile dans leurs récits, quand Drago prit la parole lentement, le faisant presque sursauter.

— C'était la troisième fois que je... je me faisais agresser.

Harry leva aussitôt la tête vers lui, plongeant dans son regard acier, sa magie se faisant presque étouffante pour les autres qui observaient les deux anciens ennemis face à face.

Drago déglutit, puis soupira, ne semblant pas gêné par la puissance que Harry dégageait. Il continua, en chuchotant presque.

— La première fois, c'était juste un passage à tabac rapide. Je sortais de Gringotts, et ils m'attendaient dans un coin sombre. Ils me sont tombés dessus, cinq ou six. Bon sang, je me sentais comme Gulliver dans ton bouquin, Potter.

Harry eut un rire amusé et la pression retomba soudain. Pansy se gratta la gorge et leva un sourcil.

— De quoi vous parlez ?

Le brun sourit, mais ne quitta pas Drago des yeux.

— Du livre que je suis en train de lire et qui était resté sur le bureau. Les voyages de Gulliver.

Drago eut un rictus moqueur et il haussa les épaules avant de reprendre, satisfait de voir l'ancien Gryffondor qui lui faisait face bien plus détendu.

— Bref. Ils m'ont tabassé, je suis rentré chez moi. Rien de plus à en dire. J'ai reçu des menaces, des beuglantes. J'ai tout brûlé.

Harry pinça les lèvres, mais il avait la main crispée sur le stylo moldu qu'il utilisait pour prendre des notes.

— Ça continue toujours ? Ces menaces ?

Drago haussa les épaules.

— Un peu moins peut-être. Certains se lassent probablement et puis je reste majoritairement chez moi. Ils vont finir par m'oublier.

Le brun eut un sourire en coin, prêt à lui répondre qu'il était inoubliable. Mais il se reprit, s'obligeant à garder le sérieux nécessaire pour traiter les agressions de Malefoy comme une affaire dont il avait la charge.

Le blond hésita, puis reprit, fixant ses mains posées à plat sur la table, évitant les regards de ses amis et surtout celui de Potter. Jusqu'à ce jour, il n'avait pas parlé de ce qu'il subissait et c'était perturbant de devoir se livrer ainsi.

— La seconde fois... J'attendais une commande d'ingrédients de la boutique de l'apothicaire. J'ai reçu un hibou, et... J'ai voulu y aller, puisqu'il y avait un rendez-vous avec un horaire précis pour retirer ma commande. Sauf que quand je suis arrivé devant, la boutique était fermée et quelqu'un m'a mis un sac sur la tête. Ils étaient...

Drago se crispa, et Harry se leva brusquement, ignorant les regards surpris, et se moquant bien de ce qu'ils penseraient tous. Il s'agenouilla devant Drago pour rencontrer ses yeux, comme pour le rassurer.

Cette fois, l'ancien Serpentard ne chercha pas à lutter. Il se plongea dans le vert absinthe des yeux de Harry, et continua de parler pour lui. Uniquement pour lui.

— Ils étaient nombreux. Une dizaine peut-être. Ils m'ont frappé encore et encore, et le but était de me tuer. Heureusement, quelqu'un est passé, et ils ont fui.

Harry hocha lentement la tête, gardant le contact visuel avec Drago, sans bouger. Puis, il prit la parole, avec douceur.

— Je vais mettre un terme à tout ça. Définitivement. Ça doit s'arrêter et les coupables doivent payer.

Drago ne protesta pas. Il semblait vidé, et il fixait Harry comme si seule sa présence lui permettait de ne pas s'effondrer.

Ce fut Daphné, restée totalement silencieuse jusqu'à cet instant, qui s'exclama d'une voix acide et visiblement furieuse.

— Bien sûr. Tu vas remuer tout ça, et en fin de compte, ça sera nous qui paierons ! Ils ne vont pas arrêter juste pour te faire plaisir Potter ! Ils vont être enragés après ton intervention et ça sera encore pire.

Pansy lui siffla de se taire et les deux filles partirent dans une dispute pleine de cris. Harry cligna des yeux, et se releva, s'écartant de Drago à regret.

Face à la tablée de Serpentard, il imposa le silence d'un « stop » tonitruant.

— Tu veux vivre dans la peur constante d'être tabassée Greengrass ? Tu veux ne pas pouvoir aller faire tes courses côté sorcier ? Recevoir des menaces jusqu'à cesser de dormir la nuit ? Mon boulot c'est de protéger ceux qui en ont besoin. Je ne te demande pas ton avis, je vais agir, quoi que vous en pensiez. J'irais juste plus vite avec votre aide à tous.

Pansy masqua un léger sourire satisfait face à la réaction de Harry. Surtout en notant que le jeune homme avait posé une main sur l'épaule de Drago, et que ce dernier ne s'était pas dégagé, semblant apprécier le contact.

Protection rapprochéeWhere stories live. Discover now