Chapitre 44

213 36 155
                                    

Entre le montage du dernier projet vidéo et la préparation du spectacle de fin de centre, la semaine passe à toute vitesse.

Le vendredi est teinté d'une effervescence particulière. Le fameux spectacle débute avec un petit concert des enfants mené par Martin, suivi d'un show du pôle arts du cirque de Cécilia et s'achève sur la projection des vidéos.

Je commence par projeter l'anti-compte de fées autour des disparités entre filles et garçons, qui fait autant rire que réfléchir. Salués par leurs camarades, les acteurs principaux Eva, Malia et Karim arborent un sourire fier.

Vient ensuite l'heure de dévoiler notre projet secret, qui me tient encore plus à cœur et dont j'appréhende les réactions. Prenant sur moi pour stabiliser mes jambes tremblantes, je me redresse pour prendre la parole :

— À présent, je vous propose de visionner une vidéo un peu différente... Cet été, j'ai rencontré des enfants qui m'ont sacrément bouleversée, et m'ont surtout amenée à réfléchir.

En balayant la foule, je m'attarde sur Sofia, Sébastien, Eva et, surtout, Noa.

— Ce sont eux qui m'ont donné l'idée de ce dernier projet vidéo, qui s'appelle « Une minute d'audace ». Comme le suggère le nom, l'idée était de laisser ce temps à chaque participant pour qu'il se confie sur un thème qui lui tient à cœur... Parce que partager les difficultés qu'on rencontre, c'est aussi lever le voile sur ces choses dont on n'ose pas parler, mais qui sont importantes. Et, en parler, c'est un premier pas vers plus de tolérance et d'empathie, pour arrêter de juger sans savoir ce qui se passe chez les autres.

Je prends une nouvelle inspiration et croise le regard de Martin qui, assis à quelques mètres, me sourit d'un air ému.

— Une minute, ça peut sembler court, mais c'est aussi assez long. Alors, avant de commencer, je tiens à remercier celles et ceux qui ont eu le courage de témoigner. C'est très fort de leur part et, rien que pour ça, je pense qu'on peut déjà les applaudir bien fort.

Le public s'exécute et, sans plus attendre, j'appuie sur play.

La projection s'ouvre sur le visage de Sofia. En me retournant, je l'aperçois tapie dans un coin de la salle, l'air mortifiée. Quand je lui ai demandé si elle acceptait d'apparaître en premier, elle avait été plutôt réticente, mais avait fini par céder. Elle doit certainement maudire cette décision à présent.

« Bon... allez, je me lance. Coucou, moi c'est Sofia ! Au cas où vous ne sauriez pas, je suis une grande timide. D'ailleurs, parler devant cette caméra me donne envie de disparaître... Enfin, bref. Aujourd'hui, j'aimerais parler au nom de tous les timides, parce que je sais que je suis pas seule. Le truc, c'est qu'il y a comme un mur entre nous et les autres. Et, généralement, on a tendance à croire que timide rime avec « pigeon ». Sauf que c'est faux ! C'est pas parce qu'on est timide qu'on doit être invisible, ou qu'on peut nous faire faire tout et n'importe quoi. Perso, j'en ai assez qu'on me colle l'étiquette de la gentille, ou qu'on pense que j'ai rien à dire. Croyez-moi, j'ai beaucoup de choses qui bouillonnent à l'intérieur, et je sais que c'est le cas de beaucoup de timides qui, comme moi, n'arrivent pas à les exprimer. Alors, la prochaine fois que vous vous retrouverez face à un timide, au lieu de le noyer dans votre propre discours, pensez à lui laisser le temps de parler ! Vous pourriez apprendre beaucoup en l'écoutant. Merci. »

Une salve d'applaudissements suit son témoignage, qui génère des discussions dans la foule. Puis, lorsqu'un nouveau visage apparaît à l'écran, les bavardages cessent d'eux-mêmes.

« Salut, ici Sébastien, Seb pour les intimes. Aujourd'hui, je voudrais parler de quelque chose qui me tient à cœur. Depuis que je suis tout petit, j'ai reçu beaucoup trop de moqueries et d'insultes liées à mon poids. Alors, laissez-moi vous dire un truc : gros ne veut pas dire fainéant. Contrairement à ce que vous pensez, j'aime faire du sport. J'aime aussi manger, comme beaucoup d'entre vous. C'est pas parce que je ne correspond pas à ce que vous considérez comme la norme que ça vous donne le droit de me juger ou de vous moquer, et encore moins de me donner des conseils pour maigrir. Et ce que je dis vaut pour toutes personnes dont le physique est critiqué, qu'elles soient grosses, maigres, petites, grandes... Au fond, on est tous des êtres humains avec une histoire à raconter. Personne ne mérite d'être caché derrière une étiquette aussi réductrice. Merci. »

Un été pour se chercher [Terminée]Where stories live. Discover now