Chapitre 17

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Après une nuit agitée mais fructueuse, je retourne au centre pleine d'entrain. Remettre ces histoires d'orientation sur la table avec Martin m'a permis de briser le tabou que j'avais créé à force de repousser ce moment à plus tard et, avant d'aller dormir, j'ai pris le temps de coucher mes pensées sur papier. Inspirée par le récit de mon binôme, je me suis demandé ce qui donnerait du sens à une profession selon moi. Les premiers mots qui me sont venus sont les suivants : "contact humain", "partage" et "empathie". Je n'ai pas encore trouvé l'idée de génie qui me permette de relier ces concepts à mon diplôme d'architecte, mais j'ai bon espoir : le temps finit toujours par faire son œuvre.

Cet élan de confiance est tel que je ne ressens pas la moindre appréhension vis-à-vis du lancement de notre projet vidéo. Dès l'instant où Martin et moi l'annonçons dans la cour, un bon petit groupe d'enfants nous rejoint.

Comme toujours, Sofia répond présente. Accrochée à ma jambe, la petite colombienne répète que nous sommes ses animateurs préférés et qu'elle ne manquera pas une seule de nos activités. Dans le groupe, nous retrouvons également deux des plus âgés : Karim le compétiteur et Eva, toujours vêtue de son maillot de foot. À mon grand bonheur, le thème de l'égalité fille-garçon l'a interpellée. Elle est même venue accompagnée de Malia, une fille de peau noire au caractère bien trempé.

Nous pensons avoir réuni notre groupe lorsque, contre toute attente, je vois surgir Noa. L'enfant passant d'ordinaire ses journées au pôle baignade, je ne manque pas de le charrier, ce à quoi il me répond que, je cite : « c'est juste parce que le programme du pôle baignade est nul aujourd'hui ». Son prétexte me semble un peu bancal sachant que ce planning est invariable, pour la simple et bonne raison qu'il consiste à... se baigner. Mais je ne dis rien et me contente de sourire discrètement.

Ce n'est qu'une fois en recherche d'inspiration dans la bibliothèque du centre que le petit garçon semble remettre en question son propre choix.

— Quand est-ce qu'on a fini ? Je m'ennuie.

— Tu exagères, ça fait à peine deux minutes qu'on est arrivés.

— J'aime pas les bibliothèques.

— Tu pourrais au moins essayer d'aller regarder si quelque chose t'intéresse ?

Le petit garçon fait volte-face dans un soupir théâtral et disparaît dans un rayon... Pour en ressortir quelques secondes plus tard.

— C'est bon. On a fini, maintenant ?

— Noa, tu n'as pas ouvert le moindre livre.

Il s'apprête à riposter, lorsque Malia déboule en brandissant fièrement un recueil.

— J'ai trouvé ! Un conte de fées. Bien, mais alors bien cliché !

Voyant que je lorgne la couverture d'un air curieux, Noa s'arrête de faire les cent pas.

— « Sauvez la pauvre Pimprenelle » ? lit-il.

— Accrochez-vous bien, déclame Malia d'un ton espiègle. C'est l'histoire de Pimprenelle, une femme qui vit dans un immense château et n'a jamais mis un orteil dehors de sa vie. Le souci, c'est que son château est pillé et qu'elle doit s'enfuir. Résultat : livrée à elle-même dans la forêt, elle manque de s'assommer en essayant de faire du feu avec deux cailloux. Heureusement, le merveilleux prince Yves débarque sur son grand cheval pour la sauver !

— Ah ouais, pas mal ! commente Eva. Moi aussi, j'en ai un. C'est l'histoire de Karla, une horrible petite fille qui rote, pète et se roule dans la boue. Le truc, c'est que ses parents sont persuadés qu'aucun homme ne voudra jamais d'elle à cause de ça. C'est là qu'ils décident de lui lancer un sortilège : à chaque fois qu'elle dérogera aux règles, des petits trolls vicieux viendront se glisser dans ses vêtements. Karla finit par comprendre et apprendre « les bonnes manières » et ses parents sont rassurés d'avoir enfin une petite fille digne de ce nom !

Un été pour se chercher [Terminée]Where stories live. Discover now