Chapitre 14

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En dépit de la chute de Noa, la semaine s'achève sur une note allègre : le grand jeu s'est avéré être un véritable succès qui a non seulement permis de redorer le blason de Jean, mais aussi de rendre ce vendredi mémorable pour tous - de quoi nous rendre ravis, Martin et moi.

En rentrant chez moi plus tard que prévu, je jette un d'œil en direction du Comptoir d'Azur. Je croise alors le regard de Samuel qui, attablé au comptoir, me salue d'un geste de la main. En mémoire des restes de plat de l'autre soir, je lui retourne poliment son salut. Tant que nos relations s'en tiennent à des échanges cordiaux entre voisins, ça me va.

Une fois mon vélo attaché dans l'arrière-cour, je gravis les escaliers et m'affale dans le canapé du séjour. Cette semaine a été intense mais, malgré tout, je sens que je commence à prendre mes marques. Étrangement, j'ai aussi la sensation de prendre du temps pour moi. En dépit de mes craintes initiales, je suis plutôt contente d'avoir accepté la proposition de Cécilia. Dans cette période de questionnement, le fait de travailler dans un secteur radicalement différent du précédent me permet de prendre du recul. Je me rends compte, par exemple, que mon travail en agence manquait de relationnel.

Je suis toujours en train de méditer sur mon canapé, lorsqu'un son m'alerte. Cette fois, je reconnais immédiatement le bruit d'impact en provenance de la vitre de la cuisine. Non sans efforts, je m'extirpe du canapé pour traverser le salon et ouvrir le battant. Sans grande surprise, je reconnais le serveur en contrebas. Pour une fois, il ne porte pas de chemise mais un simple t-shirt bleu marine et un bermuda blanc orné de motifs de feuilles de palmier, ce qui lui donne un look plutôt décontracté.

— Eh, salut Kaïa ! J'ai des pizzas !

La simple vue de ces deux cartons fait gargouiller mon estomac et, l'espace d'un instant, je songe à descendre. Ce n'est qu'en me rappelant ma résolution de cordialité entre voisins que je me ravise. Je ne connais pas suffisamment ce Samuel pour m'assurer qu'il ne veuille pas m'amadouer une fois de plus, alors ce n'est pas le moment de me laisser aveugler par ma faim.

— C'est super, tu vas te régaler, rétorqué-je d'un ton léger. Bon appétit, Samuel.

À en juger son regard perplexe, ma réplique semble prendre le colombien au dépourvu.

— J'en ai deux, répète-t-il lentement en agitant un carton dans chaque main.

— Laisse-moi deviner, tu as glissé un mouchard dans une, c'est ça ?

Dios santo, soupire le serveur en levant les yeux d'un air excédé. Je te ramène à manger et c'est comme ça que tu me remercies ? Je devrais offrir mes pizzas à quelqu'un de plus sympa.

Piquée par cette éventualité, je fronce les sourcils.

— Si c'est ce que tu veux, je ne te retiens pas.

— Oh, allez, Kaïa. Regarde, les pizzas sont encore chaudes... et elles sentent tellement bon ! Tu aimes les poivrons grillés ?

Lorsque le colombien ouvre l'un des cartons et que des arômes délicieux montent jusqu'à ma fenêtre, je maudis ma faiblesse. Des voisins cordiaux peuvent bien déguster une pizza ensemble de temps à autre, n'est-ce pas ? Peu importe s'il cherche à m'amadouer, je n'ai pas prévu de me laisser faire. Comprenant qu'il m'est impossible de résister à une telle tentation, je cède :

— Très bien, tu as gagné. Monte, je t'ouvre.

Quelques secondes plus tard, le colombien débarque dans mon salon avec ses deux cartons. Lorsque je tente de le débarrasser, il ne les lâche pas.

— C'est très aimable de m'ouvrir les portes de votre humble demeure, madame, déclare-t-il d'une voix pompeuse. Mais je vous pensais un peu plus polie que ça.

Un été pour se chercher [Terminée]Where stories live. Discover now