Chapitre 10

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— À vos marques... Prêts... Partez !

Armée d'un sifflet, je lance le top départ d'un coup strident. En cette journée de sortie, la plupart des enfants ont quitté le centre pour partir en randonnée ou à l'accrobranche, emportant avec eux la moitié des animateurs. Avec Cécilia, Ahmed, Jean et Marylin, nous avons décidé d'organiser un grand tournoi de jeux d'eau.

Le choix de l'activité est crucial, je commence à le comprendre. Afin d'éviter un nouveau débordement, j'ai jeté mon dévolu sur l'intemporel relais, course durant laquelle les enfants doivent transporter un gobelet percé. Je suis en train de surveiller les équipes qui s'affrontent, lorsqu'une voix rocailleuse me fait sursauter :

— Ça va Kaïa ? Alors, on s'est bien remise de vendredi soir ?

Je reconnais aussitôt la voix de ma collègue Marylin, qui semble avoir lâché son smartphone, et son tournoi de lutte aquatique par la même occasion. En plus de hurler sur les enfants et de chatter sur Tinder, elle cultive visiblement une passion pour les ragots.

— Euh, oui, je vais bien, merci de te soucier de moi, lâché-je d'un air méfiant.

Je ne peux pas m'empêcher d'être inquiète. Ahmed aurait-il vendu la mèche au sujet de mon "accident" avec Samuel ?

— Super, acquiesce Marylin. Et, dis-moi, toi qui es restée jusqu'au bout de la soirée, est-ce que tu sais qui a posé une galette ? On mène l'enquête avec Valentin. On a essayé de soudoyer Ahmed, mais impossible de lui soutirer l'info. Une vraie tombe !

Je me retiens de justesse de pousser un soupir de soulagement.

— Excellente question ! Je devais déjà être partie quand c'est arrivé.

— Ben non, Ahmed nous a dit que tu étais restée jusqu'à la fin ! T'essaies pas de m'embobiner toi aussi, quand même ?

Prise d'assaut par le regard inquisiteur de Marylin, je me racle la gorge.

— Bien-sûr que non, le truc c'est que... C'est une information hautement confidentielle. Il fallait rester jusqu'au bout de la soirée pour connaître l'identité du régurgiteur mystère !

— Oh, allez, Kaïa... Tu peux tout dire à tata Marylin ! Puis, si tu ne dis rien, je vais finir par croire que c'était toi.

— Enfin, Marylin, tu m'imagines vraiment faire un truc pareil ? J'ai un minimum de dignité !

Je n'aurais pas pu inventer de mensonge plus effronté que celui-ci mais, dans le désespoir, je tente tout de même. Ma dignité, je l'ai déjà perdue en vomissant sur Samuel, alors je ne suis plus à ça près. Voyant que Marylin me fixe toujours sans ciller, je tente de faire diversion :

— Dis-moi, tu n'es pas censée surveiller un tournoi de lutte aquatique ? Je crois que c'est en train de dégénérer...

Je laisse mon regard dévier vers la pataugeoire installée à quelques mètres, ou deux enfants sont en train de se taper dessus avec des girafes en plastique, interposées je ne sais comment dans cet impitoyable combat. Ma collègue, qui se soucie autant de son activité que du respect de la vie privée d'autrui, s'approche en faisant mine de tendre l'oreille.

— Allez... Donne-moi un indice, et je te laisse tranquille.

Comprenant qu'elle n'est pas prête à me lâcher la grappe, je cède :

— OK. Il s'agit de quelqu'un d'inattendu.

Au moins, je ne mens pas : qui de plus inattendu que son innocente interlocutrice ?

— Quelqu'un d'inattendu... répète-t-elle. Attends... C'est pas Jean, quand même ?

Ne m'attendant pas à voir émerger le nom de mon timide collègue, j'éclate de rire.

Un été pour se chercher [Terminée]Where stories live. Discover now