Chapitre 20

329 51 216
                                    

Malgré mes réticences, cette poignée de main échangée avec Samuel marque le début d'une soirée plutôt amusante. Toujours sans nouvelles de nos collègues – à croire qu'ils ont fini par trouver leur bonheur auprès du grand DJ Patoche – Martin et moi décidons de rester au Comptoir d'Azur.

Je commence par ôter mon stupide chapeau-coq, que Martin récupère avec joie. « Je ne me suis jamais senti aussi français qu'en portant ce truc ! » déclare-t-il en se l'enfonçant sur la tête, l'air ravi. Peu à peu, je réussis à lâcher du lest et à profiter aux côtés des deux garçons.

D'un côté, Martin, affublé de son ridicule chapeau ; de l'autre, Samuel qui déambule entre les tables et ne sert que du champagne et du vin rouge par souci de patriotisme. Accompagnée de ces deux pseudo-nationalistes, j'enchaîne fou-rire sur fou-rire et redécouvre certains hits français comme ceux d'Indochine, de France Gall, et même de Mylène Farmer.

Avec Martin, nous restons jusqu'à la fin. Quand les derniers clients quittent enfin le bar, nous aidons Samuel et Philippe à ranger le mobilier de la terrasse.

— Eh ben... quelle soirée ! siffle mon collègue en attrapant deux chaises pliantes.

— C'est clair, renchérit Samuel en passant un coup de chiffon sur les caisses en bois. Je vais avoir du pain sur la planche pour le ménage de demain, mais je suis content que le thème ait si bien marché ! Je savais que jouer sur les racines d'un pays était une valeur sûre !

— Les clichés d'un pays, surtout... marmonné-je en ricanant.

— Une injonction à faire, l'électron libre ?

Je lève les yeux au ciel en lançant un coussin sur le colombien moqueur.

— Oh non, encore un con de client qui a vomi dans un pot de fleurs !

La plainte de Samuel s'élève dans l'air calme de la rue en même temps qu'il rattrape mon missile en plein vol.

— Je ne comprends pas, bougonne-t-il en agitant le coussin dans les airs. Pourquoi faut-il toujours qu'il y ait des abrutis pour venir vider leurs tripes là-dedans ? Ils doivent vraiment avoir trois grammes et zéro considération pour le personnel pour faire un truc pareil !

— Oh, tu sais, sous le coup de l'alcool, tout est possible, objecté-je.

— Ça, c'est sûr que tu es bien placée pour le savoir.

La répartie de Samuel lui vaut une œillade meurtrière et un nouveau lancer de coussin en pleine tête. La voix de Philippe nous interrompt alors :

— On dirait que le touriste allemand a encore frappé...

Cette allusion au premier prétexte de Samuel visant à dissimuler mon Embuscade m'arrache quelques secondes de doute. En voyant le gérant arborer un sourire amusé, j'en déduis qu'il a vu clair dans notre jeu.

Heureusement pour nous, Martin intervient déjà d'un ton méthodique :

— En tout cas, il n'y a qu'une solution : il va falloir racler le dessus. Tu as quelque chose pour le faire, Samuel ?

Le colombien hoche la tête et nous le suivons à l'intérieur en quête de matériel. Pendant que je file en cuisine récupérer un sac poubelle, Samuel pousse une porte voisine indiquant « réservé au personnel ». Curieux, Martin jette un coup d'œil à travers l'embrasure.

— Hé, ce ne serait pas une basse, là-bas derrière ? l'interroge-t-il.

Samuel ressort aussitôt de la pièce, l'air gêné.

— Euh, oui, c'est bien ça. J'en joue un peu, parfois.

En voyant sa mine embarrassée, Martin s'empresse d'ajouter :

Un été pour se chercher [Terminée]Where stories live. Discover now