le 9ème Dragon

L'éveil

Quand je repris conscience, j'étais dans un lit, Maître Zhen Shui était auprès de moi. Je poussais un soupir de soulagement. S'il était là, cela signifiait que tout ceci n'avait été qu'un cauchemar. J'avais dû glisser en sortant du Temple du Dragon et m'assommer. J'essayais de m'asseoir dans ma couche. Ma tête se mit à tourner légèrement.

" Doucement petit ! Tu es resté alité plusieurs semaines, tu as été très malade " murmura mon maître en posant une main sur mon épaule et l'autre dans mon dos pour m'aider à me redresser.

"Plusieurs semaines ? Que m'est-il arrivé ?" lui demandais-je inquiet par son air sombre.

" De quoi te rappelles-tu ?"

Je regardais autour de moi. Je ne me trouvais pas dans ma chambre à la Résidence du feu, mais dans une petite pièce meublée sommairement.

On aurait dit l'un de nos refuges de chasse.

" Song Wei ! De quoi te souviens-tu ?" Répéta-t-il pour la seconde fois.

" Je... Je suis resté sept jours dans le Temple du Pic Éternel... Quand j'en suis sorti... J'ai dû chuter et me cogner la tête, car j'ai fait un songe étrange..."

" Raconte-le-moi. " Me demanda-t-il d'une voix douce qui me surprit.

"Je n'ai pas envie..." Je détournais la figure vers le mur, fuyant ses yeux perçants similaires à celui des grands rapaces des hautes cimes.

" Song Wei, je ne plaisante pas ! Regarde-moi et conte-moi ton rêve, c'est important ! " Insista-t-il.

Je me retournais et prêtais un peu plus attention à mon maître. Son visage avait toujours été austère. Il ne montrait jamais ses sentiments, mais là, son expression était lugubre. Au sein de notre clan, Maître Zhen Shui éduquait les enfants et formait les huit Dragons Célestes. Nul ne connaissait exactement son âge, mais je sais que du temps de mon père et de mon grand-père, mon maître tenait déjà ses fonctions. En tant que cultivateur, notre espérance de vie était plus élevée que celle du commun des mortels, mais dans notre clan, nous pouvions vivre des centaines d'années grâce au sang de Long Wang qui coulait dans nos veines et aux Perles d'éternité. Maître Zhen Shui vint s'asseoir au bord du lit. Ses longs cheveux blancs tombaient sur sa robe d'un vert très clair... Il portait les couleurs de la famille du vent.

" Je t'écoute "

Je grimaçais et m'exécutais. Après tout, ce dont je me souvenais n'était qu'une illusion causée par mon choc à la tête...

"Dans mon rêve, je suis sorti du Temple et j'ai tout de suite compris qu'il y avait un problème à cause de l'atmosphère. Je me suis alors, dépêché de rentrer au manoir ! Quand je suis arrivé sur l'esplanade des quatre éléments, je n'y ai découvert que des cadavres dont la plupart n'appartenaient pas à notre secte. Mais je crois que ce qui m'a le plus perturbé, c'est qu'il n'y avait pas que des hommes, mais aussi des femmes et des enfants... Inquiet pour ma famille et je me suis précipité à la maison. Là encore, je n'ai trouvé que des corps sans vie, dont celui de mon père, dans sa salle de travail. Je suis parti à la recherche de ma mère et de ma petite sœur et je les ai découvertes dans la chambre de Zhu Xian. " Un sanglot m'interrompit.

Je n'arrivais pas à décrire ce que j'avais vu, même si ce n'était qu'un rêve ! Ma cadette était un rayon de soleil que j'adorais.

"Continu, que s'est-il passé après que tu aies trouvé les corps de ta mère et de Zhu Xian ?"

Je fixais mon maître, le regard rempli d'incompréhension. Mais que cherchait-il à savoir ? Pourquoi insistait-il autant ? Pourquoi n'étais-je pas dans ma chambre ? Où étaient mes parents ? Je commençais à avoir un mauvais pressentiment et si tout cela n'avait pas été un rêve. Mon Maître avait dit que j'étais resté alité plusieurs semaines... mais je n'avais aucune blessure !

Je crois que la panique dû se lire sur mon visage, car mon maître prit l'un de ses médicaments dans la pochette qu'il avait à sa ceinture. Il fit tourner la petite sphère dans sa main et me la mis dans la bouche.

"Avale, cela va te détendre" j'obtempérais sans réfléchir, étant donné que c'est ce que l'on nous enseignait depuis l'enfance : obéir à son maître... mais j'avais compris... ce n'était pas un rêve que j'avais fait ! Tout ce dont je me souvenais était vraiment arrivé. Ma famille et mon clan avaient été détruits, éliminés ! Jamais plus je ne les reverrai ! Pourquoi cela s'était-il produit ? Qu'avions-nous fait de mal pour que les autres clans nous attaquent de la sorte ? Je me rappelais très nettement des bannières qui flottaient au vent aux côtés de l'homme sur la colline.

" Bien continu, que s'est-il passé après avoir trouvé ta mère et ta sœur ?"

"Rien"

"Song Wei, c'est vraiment important, essaie de te souvenir, même si ce ne sont que de vagues images !"

" Ce que je vois ne rime à rien ! Je suis fatigué ! "

Cette fois-ci, je décidais de l'ignorer.

Je m'allongeais dans le lit, me tournais vers le mur et fermais les yeux. J'entendis mon maître soupirer. Il remonta la couverture sur mes épaules.

"Song Wei, je sais que ce que je te demande est difficile, surtout au regard de ce que tu viens de vivre et de la perte que tu as subie. Si j'insiste tant, c'est qu'il est arrivé quelque chose de particulier dans la montagne le jour où tu es sorti du temple. Tu ne veux vraiment pas me dire ce dont tu te rappelles ?".

Des larmes se mirent à couler sur mes joues. Ce dont je me souvenais ? Tout ce dont je me remémorais, c'était du visage aux yeux cruels de cet homme sur son cheval qui se tenait sur la colline. Le problème c'est que je ne pouvais pas l'avoir vu puisqu'elle se trouvait au moins à trois li (*) de la Montagne Sacrée !

Après un dernier soupir, Maître Zhen Shui se leva et se dirigea vers la porte. Je me remis à parler.

"J'ai entendu un fracas et vu du feu embraser le manoir, puis des nuages. Je ressentais une telle colère ! J'avais l'impression de tout regarder au travers d'un voile rouge. J'avais si mal ! Je ne pensais qu'à une chose, tous ceux qui avaient le sang de mon clan sur les mains devaient mourir. J'ai imaginé ce qu'avec mes frères et sœurs, les Dragons célestes, nous aurions pu leur faire subir pour qu'ils payent leur monstruosité ! Ils ont même assassiné les enfants ! "

Mes larmes coulaient librement. Je n'arrivais plus à les arrêter. Zhu Xian, ma petite sœur bien-aimée !

" Je ne me rappelle de rien d'autre à part le visage d'un homme sur la colline du vent."

" Cet homme, tu pourrais le reconnaître ?"

" Ses traits sont gravés dans ma mémoire, jamais je ne l'oublierais. Je suis sûr que c'est lui qui a tout manigancé ! ".

"Très bien, tu vas te reposer et lorsque tu te réveilleras, je t'expliquerai les événements qui se sont déroulés ces dernières semaines. Maintenant, détends-toi et ferme les yeux."

Mon maître effleura ma tête et caressa mes cheveux avec sa main. Il souffla la bougie et me laissa seul face à ma douleur.

Jamais je n'oublierai ma famille, mes amis et mon clan. Le médicament que m'avait donné mon maître dut faire effet, car je m'endormis comme une masse et plongeais dans un sommeil sans rêves.