30 : Epilogue

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Garder les paumes vers le bas. Rentrer les épaules. Avoir les larmes aux yeux pendant mon discours, me montrer transportée par mes propres mots et mes idéaux. 

C'est à ça que ressemblaient ma gestuelle quand je m'adressais aux dirigeants des autres nations quand j'essayais de les convaincre de se joindre à Paradis. C'était notre seule solution pour reprendre l'île au pro-Jaeger, et j'implorais les pays qui étaient autrefois nos ennemis de s'allier à nous. Et à moi en particulier.

- Si tu devais devenir reine pour faire fonctionner ce plan, tu le ferais ? demanda Armin un jour. 

- S'il n'y a personne d'autre pour le faire à ma place, soupirai-je. Idéalement, j'aimerais renverser le gouvernement militaire, puis me tourner les pouces pour le reste de ma vie. Voyager, aussi. 

Il hocha doucement la tête. 

- Tant mieux. Tu penses qu'Historia reprendra son rôle ? 

- Non, fis-je en secouant la tête. Elle n'en a jamais réellement voulu, en plus, alors je pense qu'on devrait la laisser dans sa ferme. Elle mérite une vie tranquille, la pauvre. S'il le faut, je prendrai sa place. Après tout, je suis moi aussi légitime au trône. 

- Tu es sûre ? me demanda Reiner en me massant les épaules. 

- Seulement s'il le faut, le rassurai-je. Ou alors, peut-être qu'on pourrait établir autre chose qu'une monarchie ! J'ai lu des ouvrages de théorie que j'ai réussi à dénicher, je pense qu'on pourrait en faire quelque chose d'intéressant. Si nous ne sommes plus en guerre, nous n'avons plus besoin d'une telle présence de l'armée. Il y a tellement de solutions à explorer. 

- Pour le moment, me rappela Armin, on y est pas encore. Mais tu es convaincante, ça se passe mieux que ce que je pensais. 

- Ca t'apprendra à douter de moi, plaisantai-je. Bien sûr que ça se passe bien, ils ont devant eux des héros de guerre. 

- Des héros, hein ? répéta Reiner. 

- Je sais, soupirai-je. On est plutôt tous des criminels de guerre. Mais il n'y a qu'une différence de point de vue entre les deux. Et tant qu'ils nous voient comme des héros, tout se passera bien. 

- Quand est-ce qu'ils changeront d'avis ? demanda sombrement Armin. 

- Jamais, répondis-je. C'est nous qui écrivons l'histoire, tu le sais bien. Tout ce qu'on a à faire, c'est entretenir le mythe. Et quand chacun d'entre nous aura rendu son dernier souffle, la légende se perpétuera d'elle-même. Peut-être même que dans quelques siècles, nous serons des saints, ajoutai-je avec un rire. Sainte Isabella, ça sonne bien. 

Ils me regardèrent en secouant la tête, un léger sourire aux lèvres. J'avais repris du poil de la bête pendant la dernière année, et le travail de major me semblait bien plus facile. Même si bien sûr, mes responsabilités étaient bien différentes que ce que j'avais imaginé, dans ce nouveau monde. 

Mon travail fut fructueux, pendant les deux années qui suivirent. Au fur et à mesure, les pays m'apportaient leur soutien. Si nous parvenions à reprendre le pouvoir, ils s'engageraient tous dans des relations diplomatiques avec l'île. Avec de tels soutiens, j'étais sûre que ce serait possible, à force de négociations avec les pro-Jaeger. Bien sûr, ce ne serait pas simple, mais ce n'était pas impossible non plus. Les plus attachés à la cause étaient morts pendant nos combats, puisqu'ils étaient rassemblés au port de l'île. Ce qui signifiait que je n'aurais pas de mal à faire plier les autres, surtout quand j'en connaissais déjà un grand monde. 

Ma correspondance avec Historia continuait, et je débarquai un jour avec joie dans la salle commune de l'immeuble rénové que nous habitions. Ils me regardèrent brandir la lettre avec satisfaction, sans comprendre. 

- On va rentrer à la maison ! m'exclamai-je. Historia nous demande de revenir ! 

Après trois ans, nous avions enfin une perspective de retour. Jean, Connie et Armin explosèrent de joie à l'idée de revoir nos familles et amis, et Reiner me prit dans ses bras. 

Quelques mois plus tard, nous embarquions à bord d'un bateau en direction de l'île du Paradis. Connie et moi regardions par le hublot, alors que Jean se recoiffait dans le miroir. Armin relisait une dernière fois la lettre d'Historia, à la recherche d'indices sur ce qui se passerait à notre arrivée. Je l'avais aussi fait plusieurs fois. Reiner lisait par-dessus son épaule, alors que Pieck sirotait un café. Toute notre petite équipe était conviée, au complet. 

- On peut savoir pour qui tu te fais beau, Jean ? demanda Pieck. 

- Pour les étudiantes qui liront les livres d'histoire, répondit-il laconiquement. 

- Oh, arrête de mentir, le taquinai-je. 

Il me regarda dans le miroir et leva les yeux au ciel, me faisant éclater de rire. Je m'accoudai à ma fenêtre, le vent caressant mes cheveux. Je les avais coupés avant de partir, afin d'être présentable. 

- Tu confondrais pas avec une encyclopédie sur les chevaux ? plaisanta Reiner. 

- Parfois, je regrette que t'aies pas crevé, rétorqua Jean. 

- Pas moi, déclarai-je en passant derrière lui et posant mes lèvres sur le crâne du blond. 

- Paradis est en vue, nous informa Annie. Vous pensez que ça va bien se passer ? On a détruit le mur, trahi l'île et tué Eren que le peuple Eldien vénérait. Je suis pas sûre que les Alliés aient fait le bon choix en nous envoyant comme émissaires pour la paix. 

Malgré la demande d'Historia, nous avions du attendre l'approbation des Alliés pour nous envoyer. Ils avaient fini par accepter, grâce à mes négociations.

- C'est vrai que ce ne serait pas très surprenant s'ils nous torpillaient, admit Pieck. 

- Faites confiance à Historia, interrompit Connie. La première chose qu'elle a faite, c'est de mettre nos familles à l'abri. Elle nous prendra sous sa protection, c'est certain. 

- C'est bien ce qu'elle a dit, acquiesçai-je. Et même si elle ne le fait pas, nous serons capables de nous sortir de cette situation, j'en suis convaincue. 

- Isabella, fit Armin, tu te souviens quand tu nous as parlé de la différence entre les héros de guerre et les criminels de guerre ? N'oublie pas qu'ici, nous ne sommes pas vus comme des héros. 

Il me regarda de son regard bleu perçant. Parfois, il me rappelait Erwin, mais je pense qu'il se disait la même chose en me regardant. A nous deux, nous étions vraiment un bon duo, il fallait l'admettre. Le major avait bien fait de parier sur nous. 

- Est-ce qu'une criminelle de guerre serait si jolie ? plaisantai-je. 

- Je comprends mieux pourquoi tu t'entends si bien avec Jean, déclara Reiner en me tirant dans sa direction et me faisant tomber sur ses genoux. 

Il en profita pour m'embrasser. 

- Trois ans, et vous êtes toujours aussi dégoulinant, soupira Jean. Je ne comprends pas. 

- Trois ans, et tu n'arrives toujours pas à avancer dans ta relation, rétorquai-je, déclenchant la gêne de Jean et Pieck. 

Armin pouffa. 

- En nous voyant tous réunis, je crois que tout le monde sera curieux de connaître notre histoire, déclara-t-il en se levant. Nous qui nous livrions une guerre sans merci, nous sommes à présent soudés et venons prôner la paix. Les gens voudront savoir ce qu'il s'est passé. Alors nous allons le leur raconter. 

Humanity's salvation (FRANCAIS)Where stories live. Discover now