Chapitre 32

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20/12/2017, 16h, Appartement de Marco,

Cela fait maintenant un mois que tout a commencé. Un mois que ma vie sentimentale a profondément changé. On peut dire que notre premier baiser était pourtant loin d'être romantique... Entre deux insultes, une relation qui naît, c'est plutôt surprenant sur le papier. Et pourtant, je n'ai jamais été aussi heureux. On a fini par avoir notre petite routine : chacun passe sa journée, on s'envoie quelques messages si l'on est disponible, puis c'est un FaceTime environ une fois par jour. Un vrai planning à tenir, sinon l'un engueule l'autre. J'ai découvert qu'Antoine est super jaloux, c'est assez marrant et j'aime bien le taquiner avec ça, il apprécie moins. Il n'apprécie pas toujours mes sorties, mes nouvelles rencontres, mais ne me fait pas de crise sur ça. Sauf quand je le provoque en lui inventant mille et un scénario où je me tape un nouveau client par exemple.

Au final, j'aurais tout pour être vraiment heureux. Mais j'ai l'impression de perdre Alex. Il était venu me chercher à l'aéroport, et je lui ai tout raconté. Tout dans les moindres détails et depuis le début. Mes sentiments, mes émotions, ma sensation d'être perdu, mon mal-être, tout ça pendant toute une après-midi et un début de soirée. Il s'est montré curieux mais réservé, probablement vexé de ne pas avoir été au courant. Depuis, il se montre plus distant, plus difficilement joignable.

Comme chaque année, je m'apprête à célébrer les fêtes chez ses parents. Je profite des quelques jours qui me restent pour tenter le coup du traditionnel shopping de Noël à deux, mais il ne me répond pas. D'habitude, on se retrouve à deux dans la merde à trouver le cadeau idéal pour chacun, et on termine par un vin chaud sur les Champs-Élysées. Je retente, pas de réponse. Je pars chez lui, déterminé à avoir au moins une explication, je sonne, il me répond timidement.

Alex (depuis l'interphone)
« Désolé mec, je suis vraiment pas bien aujourd'hui. »

Moi
« Allez ouvre-moi, on va te soigner comme il faut ! »

Alex
« Non vraiment pas, faut que je me repose je pense. »

? (depuis l'interphone également)
« Alex ? C'est qui ? »

J'entends cette voix féminine. Pourquoi me cache-t-il ça ? Il m'a toujours tout dit ? Peut-être qu'il ne me fait plus confiance depuis mon retour...

Moi
« Si c'était pour ça t'aurais pu me le dire directement gros. Tu sais que je m'en fout ! »

Il met un peu de temps à me répondre, je l'entends parler en essayant de cacher le micro. J'entends juste « pas lui en parler » assez vaguement, je me dis que je dois mal comprendre.

Moi
« Bah écoute, si tu ne veux pas me présenter, c'est pas grave. Rappelle-moi quand tu auras un peu de temps... »

Je commence à reculer et j'entends :

Alex
« Je voulais pas le faire maintenant ni comme ça, mais monte. »

Il a son ton grave. Ça ne donne jamais rien de bien. Je monte les escaliers, entre dans l'appartement, et là... Mon estomac se retourne.

Moi
« Qu'est-ce que tu fais là ? Tu .. Vous .. Non attendez, c'est pas vrai... »

Une larme monte.

Alex
« C'est pas comme ça que je voulais que ça se passe. C'est pas ce qui devait se passer... Laisse-nous t'expliquer, tu... »

Moi
« Non. Laisse. J'ai besoin de temps. »

Je la regarde. Elle ne me regarde pas dans les yeux. Elle ne réagit même pas à ma phrase. Sa phrase, plutôt. Alex se tape Elise putain.

Je m'en vais instantanément, malgré les appels incessant d'Alex. Je ne peux pas, pas maintenant, pas comme ça. Je tente d'appeler Antoine, il est en mode Avion. Je me sens seul, vraiment isolé. Comment il a pu me faire ça ? Avec elle ? On n'était plus ensemble, mais il ne peut pas se mettre avec celle qui m'a rempli d'amour pendant notre relation. Celle avec qui j'ai vécu des choses fortes. Pourquoi ? Comment ? J'ai tellement de questions... Mais j'ai peur des réponses. J'envoie des messages désespérés à Antoine, toujours en mode Avion. Sa géolocalisation sur Snapchat est bloquée, il n'a pas mis de stories depuis 4h, il semblait rentrer de l'entraînement si je ne dis pas de bêtises. Il manquerait plus qu'il me fasse une connerie, là je saute du haut de la Tour Montparnasse.

Je décide d'aller prendre un vélo, histoire de faire un petit tour pour me libérer le crâne de toutes mes pensées. Je visite mes endroits préférés de Paris, j'en oublie de regarder l'heure et mon téléphone. J'avais complètement zappé ma séance avec un nouveau client, je tente de l'appeler pour annuler mais je tombe automatiquement sur un message me disant que le numéro n'est pas attribué. Tout s'était fait par mail, je n'avais pas tenté de le contacter autrement avant, je panique. Je passe par un magasin de sport histoire de prendre un haut et un survêtement d'appoint, j'étais déjà en running, ça passera. Je fonce au rendez-vous. J'espère juste que la personne n'est pas fausse comme son numéro...

19h30, Basic Fit de Père Lachaise,

Nous avions convenu d'un rendez-vous dans cette salle de sport parce que j'y ai un abonnement, lui était prêt à me suivre. J'arrive tout juste à l'heure, personne. Je décide d'attendre un peu. Pas mal de monde circule à cette heure, impossible de savoir qui cela peut être. Lui sait à quoi je ressemble, ma photo est sur mon annonce. Je sais simplement qu'il s'appelle Théodore, et qu'il a besoin d'une remise en forme. Je tente de trouver quelqu'un avec ce profil, mais c'est chose impossible. D'un coup, un VTC vient se garer juste devant la salle. J'ose espérer que c'est lui, ça fait déjà 10 minutes que j'attends sans pouvoir le joindre.

À ce moment précis, Antoine me répond

Antoine
Désolé, je suis avec les gars de l'équipe, je ne peux vraiment pas t'appeler maintenant. Ce soir, promis ! Courage, je t'aime.

"Je t'aime"... Ça me fait tellement plaisir de lire ça. Bien qu'il me l'ait dit la première fois avant que l'on se quitte, on se le dit rarement. C'est ce qui fait que je le sens sincère. Je ne lui réponds pas, soupire un bon coup pour essayer d'extérioriser ma frustration, et relève les yeux vers le VTC. Il semble repartir doucement, et s'arrêter à côté de moi. La fenêtre s'ouvre. Mes yeux s'humidifient instantanément.

Moi
« Mais.. Pourquoi.. Comment tu as fait ? Qu'est-ce que tu fais là ? »

Antoine (souriant franchement)
« Monte, et arrête de me poser des questions. »

Je saute dans la voiture, et nous démarrons à nouveau. 

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