Chapitre 27

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Je dois avouer que dans le fond, j'étais heureux de voir la bouille d'Antoine. Mais j'ai à peine eu le temps de voir son visage à l'écran que j'ai vu ses mâchoires serrées, exactement comme lorsqu'il m'a mis ce coup de tête. Je l'ai vu tout rouge, me faisant son regard noir que je commençais à connaître par cœur.

Antoine
« Tu te fous complètement de ma gueule c'est ça ? Je m'ouvre à toi, je te demande de l'aide, et tu me nargues avec un autre mec ? Tu te prends pour qui Marco ? »

Moi
« Attends Antoine, s'il te plaît... Je suis sincèrement désolé, je ... »

Antoine
« TU QUOI ? Comme d'habitude, t'as encore une excuse. L'alcool n'en est pas une. Si tu ne sais pas te gérer, tu ne bois pas, c'est pas compliqué. »

Moi
« Non.. Ce n'est pas mon copain, ni un plan cul, c'est... »

Antoine
« Ton meilleur ami ! Je sais, je l'avais déjà vu avant. Et tu crois que ça justifie tout ? On les connaît les meilleurs amis. Pas de sentiments, mais ça s'enfile au lit. Putain tu t'es foutu de moi pendant tout ce temps... J'ai ressenti des choses folles, je pensais être prêt à te suivre. J'avais besoin d'un signe de ta part. Juste un signe. Mais t'es qu'un beau parleur, tu t'es moqué de moi ouvertement, aux yeux de tous. (une larme coule) Et tu reviens me narguer. Tu crois que ça ne fait pas assez mal de se faire stopper dans une déclaration ? (une autre coule) Je pensais vraiment que t'étais une personne différente. Pas pour tes choix. Mais pour qui tu étais vraiment. »

Moi
« Antoine, on doit en parler. Ce n'est pas ce que tu peux penser. Je tiens à toi aussi, mais ... »

Antoine
«
Il n'y a pas de mais, Marco. Regarde-moi bien dans les yeux. Tu m'as fait du mal, et c'est la dernière fois. Tu ... »

Moi
« Je quoi ? J'ai causé tout le mal dans cette relation ? Qui est le premier à m'avoir rejeté, par peur de s'assumer ? Qui m'a frappé parce qu'il ne supportait pas que j'aime les mecs ? Qui était l'allié de celui qui m'a foutu dans le coma, putain... Arrête de penser que t'es la victime. Tu m'as fait souffrir aussi, dans tes silences, dans ton ignorance. »

Antoine
« Il y a des choses que tu ne peux pas me reprocher. J'ai essayé de réparer ces erreurs. Si je ne t'avais pas suivi face à l'autre connard, tu ne serais même pas là à me parler. Mais bon, je suis une victime. »

C'est donc lui qui m'a sauvé. Mes larmes coulent sans que je ne puisse rien faire, rien dire.

Antoine
« Je pensais même pas que tu pouvais être autant égoïste. En dehors du travail, ne me parle plus. »

Moi

« Attends, ne raccroch... »

Trop tard. Je l'ai définitivement perdu. Je suis allé trop loin, je l'avoue, mais comment j'aurais pu gérer cette relation différemment ? Toujours à me rejeter puis à se rapprocher pour au final me dégager... Il ne peut pas me reprocher d'être égoïste... Je voulais juste me protéger...

Je suis pris d'une pulsion. J'ai besoin de me racheter. J'ai besoin de lui parler. Je le rappelle, aucune réponse. Sur Insta, pareil. Mais il ne me bloque pas.

Je prends mon ordi, je n'écoute que mon cœur, en ignorant la raison. Tout va très vite, je prends ma carte bleue, et reçois un mail de confirmation. Je me prépare très vite, saisis ma valise à peine défaite de Clairefontaine, et fonce à l'aéroport. Ce billet d'avion, mon banquier ne va pas l'apprécier.

20/11/2017, 20h, Aéroport de Madrid,

Je ne sais même pas ce que je fais là. Je ne sais pas où aller, à qui demander, je suis perdu. Premier réflexe, j'appelle Elise : elle ne me répond pas. J'appelle encore Antoine, pas de réponse.

Je quitte l'aéroport, j'ai besoin de marcher. J'ai failli oublier ma valise, d'ailleurs. Je rejoins la ville comme je peux, je me pose à un bar au niveau de la Puerte del Sol. Je prends une bière, je comprends un peu l'espagnol, je tente de discuter un peu avec le gérant qui semble s'inquiéter pour moi. Entre deux traductions sur mon téléphone, je reçois un appel :

?
« Tu m'as appelé ? »

Moi
« Putain Elise, j'ai besoin de toi... »

Elise
« Ça va ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ? »

Moi
« J'ai besoin de l'adresse de ton client, Antoine. »

Elise
« Tu sais que je n'ai pas le dr... »

Moi
« Je le sais. Et tu sais que je ne te la demanderais pas si ça n'était pas une urgence. »

Elise
« Je t'envoie ça, à condition que tu m'en parles de cette urgence. »

Moi
« Je te jure que je t'en parlerai bientôt... »

Elise
« N'oublie pas que je ne suis pas là que pour gérer tes urgences, Marco... »

Moi
« Non, bien-sûr que non... C'est toi qui m'as dit que tu avais besoin de temps. Je veux juste respecter ta décision. »

Elise
« Ça n'est pas MA décision à proprement parler Marco. J'ai juste voulu te simplifier la tâche... Enfin bref, je t'envoie l'adresse, ne fais pas de bêtise sinon je te jure que je te tue. »

Et elle raccroche. Décidément, j'aurais jamais le temps de dire au revoir à qui que ce soit au téléphone...

5 minutes plus tard, je reçois l'adresse. Je prends un Uber et tente de garder mon calme. Pendant les 20 minutes de trajet, mon cœur bat vite et fort, j'ai l'impression de refaire une crise. Je respire, j'ouvre la fenêtre, le chauffeur me demande si ça va, j'acquiesce. Je ne me sens pas de parler.

Puis nous sommes arrivés devant sa maison. Sa maison ? Sa villa plutôt. Je n'ai pas le temps de faire ma Valérie Damidot, je veux juste lui parler. Je tends mon doigt pour sonner, et je sens comme un blocage. S'il ne m'ouvre pas ? S'il s'énerve et que tout ça finit en combat ? S'il me rejette ? Pendant une demi-seconde, je fais le vide et sonne. Quelques minutes passent. Mon angoisse monte. Mon souffle s'accélère, les mouvements de ma poitrine avec. Je me tiens contre le mur. L'air me manque, j'étouffe. Je n'arrive pas à penser. J'entends juste l'interphone grésiller, avec un accent espagnol foireux : « ¿ Quién es ? »

Moi« C'est moi Antoine... Ouvre-moi.. S'il te plaît... C'est Marco... »

Dans tes yeuxWhere stories live. Discover now