Chapitre 23

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06/11/2017, 3h,

Quelqu'un toque à ma porte. Tambourine à ma porte plutôt. Fais chier, j'ai aucune envie de voir qui que ce soit là, laissez-moi dormir. Je laisse passer, mais la personne continue et risque de réveiller tout l'étage. Je prends pas le temps de me rhabiller et ouvre en caleçon. C'est Antoine, il me regarde de haut en bas et bégaie un peu.

Antoine
« Désolé pour tout à l'heure. J'avais besoin de te le dire. »

Et il repart. Excusez-moi ? Monsieur Griezmann peut donc faire tout ce qu'il veut et s'excuser après ?

Moi
« Dis-moi que c'est une blague. Ou du moins qu'elles sont un minimum sincères ces excuses ? »

Antoine
« Bien sûr, tu crois quoi ? Je me lève pour rien au milieu de la nuit ? »

Moi
« Non, mais que tu me réveilles pour rien alors qu'on a tous les deux une séance à 9h30. »

Antoine
« Pourquoi t'es pas content ? Je m'excuse déjà non ? »

Moi
« C'est déjà bien, mais ça n'efface pas ce qui s'est passé. Va vraiment falloir arrêter de paniquer dès qu'on est dans la même pièce Antoine, c'est insupportable. Tu me dévisages, tu m'ignores, tu me fixes, et d'un coup, tu me calcules, pour m'insulter et me reprocher mille et une chose. Arrête ça, je suis pas là pour ça. »

Antoine
« Je t'ai déjà dit que je ne veux rien avec toi. La dernière fois c'était un incident, c'était sur le coup, j'étais désespéré. »

Sympa.

Moi
« Tu es le seul qui fais une fixette sur la dernière fois (c'est faux), pour moi c'est passé et c'est tout (encore faux). Je n'en ai rien à foutre de ce baiser (toujours faux). »

Antoine
« Ah ouais ? Alors pourquoi tu me dévores les yeux en continu ? Pourquoi tu me mattes pendant les entraînements ? »

Bon, j'ai peut-être pas été assez discret. Il a un sacré fessier aussi, pourquoi faudrait-il ne pas l'admirer ?

Moi
« Je suis ton coach physique Antoine, je ne matte pas les joueurs. Je me contente de surveiller vos mouvements, observe si mes programmes travaillent sur les zones recherchées, et vérifie que vous ne risquiez pas une blessure bête. Pour tes yeux, vu le peu de regards qu'on a pu échanger, ça m'étonnerait que ... »

Antoine
« Arrête ton blabla. T'as le droit d'être en kiff sur le chouchou de l'équipe de France tu sais. (il rigole à sa propre blague) Je sais que je suis beau, mais je suis hétéro. Rentre-le toi dans le crâne. »

Le retour du bipolaire. Du bi tout court je dirais même, il recommence son jeu de charme. J'ai envie de rentrer dans ce jeu, mais je n'ai pas envie d'arriver à la même fin.

Moi
« Le chouchou qui va prendre un tarif à l'entraînement de demain, c'est de lui dont tu parles ? Rentre-toi bien dans le crâne que tu ne m'intéresses pas Antoine. »

Je me suis montré ferme. Et lui s'est montré déçu de ma réponse. Ses yeux ont cessé de pétiller, son sourire s'est courtement estompé avant de renaître.

Antoine
« Je l'espère pour toi. Bonne nuit ! »

Et il s'enferme dans sa chambre. Qu'est-ce que c'est compliqué la psychologie d'un footballeur.

10/11/2017, 14h

Quelques jours sont passés depuis les excuses d'Antoine. Il recommence à me saluer en dehors d'un terrain, c'est bon signe. Mais moi, je décide de le faire galérer. Je l'ignore, ou du moins j'essaie. Ce soir, c'est match ! Un amical, certes, mais c'est le moment de voir où sont les points forts et les points faibles, sans trop en dévoiler non plus. J'ai hâte d'y assister, j'ai une petite place en VIP, et j'ai le droit d'inviter un proche. En effet, seul Didier est autorisé à être autour du banc, et mon nom n'est de toute façon pas sur les listes. Alex a immédiatement répondu présent. Il a pris son aprem pour que l'on puisse se voir avant que le travail ne m'appelle (j'ai le droit d'assister un peu à l'échauffement des gars et leur donner quelques consignes techniques).

Un taxi vient me chercher, je croise Antoine.

Antoine (souriant)
« Ah donc premier match et tu nous abandonnes déjà ? »

Moi
« Non, je serai là ce soir. »

Je claque la porte, le taxi part, Antoine me regarde m'éloigner comme déboussolé. Je peux jouer à ça très longtemps, et il le verra par lui-même.


15h,


J'arrive à mon appart'. Quel plaisir ! Alex y était déjà, on se boit une petite bière (il n'y a pas d'heure pour ça). On discute de tout et de rien, j'évite mes sujets sensibles du moment, il me tuerait je pense. Ou il se foutrait de moi. En même temps, espérer au fond de soi une relation avec un footballeur internationalement reconnu, c'est assez surréaliste. Sauf lorsque l'on a déjà décroché un baiser venant de lui directement.

Je me rends compte que je suis assez déconnecté. Je ne connais plus Paris, je vis foot depuis quelques mois. On part alors en vadrouille sur les beaux quartiers, un peu de shopping, et puis les fameuses stories devant la Tour Eiffel. Je passe une après-midi de folie, et je vois surtout que cela faisait longtemps que je n'avais pas posté : Alex a reçu une notification après que j'ai posté ma story. Je vois alors des centaines de vues s'accumuler en à peine 30 minutes, notamment les gars de l'équipe ce qui me fait surtout sourire. D'ailleurs il y a Antoine... Le seul qui ne me suit pas ? Je vérifie mes abonnés, non il ne me suit pas. Bizarre.

Dernier arrêt : les Champs-Élysées. Destination ultime pour le shopping de luxe, mais aussi pour le charisme d'une avenue typique de Paris. Je prends une photo de l'Arc de Triomphe avec l'avenue en fond, la poste en story. Beaucoup moins de vues cette fois, les gens n'ont pas eu de notification. Pourtant je reçois une réponse d'Antoine: « Attends au moins que l'on soit champions pour célébrer ;) ». Il ne me suit pas, mais il a stalké mon profil de fond en comble, et il se permet de répondre à mes stories, quel culot. Je le laisse en vue. Je reçois une autre notification une dizaine de minutes plus tard :

Instagram
(marco_morly) : @antogriezmann a commencé à vous suivre.

Ah, j'ai plus de raisons de me plaindre du coup. Alex semble un peu jaloux, même en le taggant personne ne l'a suivi, sauf des relous, pervers et tout autre type de personne sympathique d'Instagram.

La journée passe, bien trop vite à mon goût d'ailleurs. Il est déjà l'heure d'aller au stade, je pars m'installer avec Alex (accès VIP, en avance, il était plutôt heureux), et le laisse afin de préparer l'entraînement. Je gère uniquement la première partie de l'échauffement, ensuite c'est Didier.

J'arrive sur la pelouse du Stade de France, c'est incroyable. Je suis déstabilisé pendant une petite seconde avant de me ressaisir et de lancer la machine ! C'est parti !

22h35, Stade de France,

L'arbitre siffle la fin du match. C'était incroyable ! 2-0, contre le Pays de Galles certes, mais ça reste une victoire ! Antoine et Olivier ont marqué un but chacun. Je dois avouer qu'ils m'ont surpris, les entraînements ont payé. Alex me félicitait d'ailleurs par rapport à ça, en comparant vis-à-vis de l'Euro 2016. Je crois que sa vision est un peu biaisé quand même... Je le laisse rentrer chez lui alors que je prends le car avec les joueurs pour retourner à Clairefontaine. Je les félicite en entrant dans le bus, et félicite Didier pour son rôle qu'il sait tenir à merveilles.

23h30, Clairefontaine,

Nous arrivons tout juste au centre. Les joueurs veulent fêter la victoire, Didier leur interdit de faire des bêtises, donc ils se rabattent sur une soirée FIFA. Cette fois-ci j'y assiste et tente à nouveau de battre Paul en match de qualification. Je me fais encore une fois sortir, mais cette fois au premier tour. Je l'ai mauvaise, je l'avoue, et sors fumer une clope. « Putain de bugs, c'est pas de ma faute si les joueurs font pas les passes au bon endroit. »

Oui, je suis mauvais joueur. Et alors ? En allant vers la véranda, je me rends compte que je n'ai pas mes cigarettes. Je récupère mon paquet, et me rend compte que je n'ai plus de feu. Alex me l'a volé, quel connard. Je retourne ma chambre pour en trouver un, et ouvre ma sacoche d'ordinateur. Habitué à travailler dans des cafés, j'ai toujours un briquet de secours dedans. Je fouille un peu et le retrouve, et ressors la lettre entreposée. Je me sens nostalgique, et la rouvre. Mais je ne reconnais pas l'écriture d'Elise.  

Dans tes yeuxWhere stories live. Discover now