Juin - 10 (2).

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— Bah, tu ne me montres pas ?

— Attends, j'ai pas fini... Si tu me stresses, je vais mal écrire...

L'air bougon, Victor patienta. Quelques coups d'oeil en coin lui montraient une écriture fine, des lettres appliquées, aux courbes charmeuses. Lorsque Yann termina sa phrase, il tendit la feuille à Victor.

— Mais c'est...

— Ouais.

Victor dut lire plusieurs fois la phrase pour l'intégrer. Il sourit de toutes ses dents en se tournant vers le blond :

— Tu veux vraiment écrire un dernier truc avec moi ?

— Ouais.

— D'accord. On fait ça en rentrant ?

Yann acquiesça, mais il ne fit aucun geste pour bouger. Victor savait qu'il voulait profiter encore un peu de leur sortie.

— Je me demandais, tu aurais aimé qu'on les appelle comment ?

— Qui ?

Pour toute réponse, le jeune écrivain pointa du doigt devant lui. Au bout de sa fine main jouaient deux enfants, dans un concert de rires et de pas endiablés. Toute l'énergie de l'insouciance dansait devant eux. Yann, attendri par ce spectacle, étirait ses lèvres en un sourire dans lequel bourgeonnaient les espoirs d'un futur rayonnant.

— Nos gosses.

— Je n'y avais jamais réfléchi. Et toi ?

— Moi, j'ai réfléchi à un tas de noms. Des plus anciens aux plus originaux, des plus exotiques aux plus classiques... Je ne saurais pas en choisir un définitivement.

— C'est ça quand on a trop d'imagination, ricana Victor.

— C'est ça quand on a trop d'imagination et pas assez de temps...

Plus affutés qu'un coup de poignard, les mots de Yann percèrent le coeur de Victor. Il dut se faire violence pour passer outre cette réalité.

— Je regrette qu'on ne puisse pas avoir cette belle vie bien rangée, continua-t-il. Le pavillon, les gosses, toi...

— Arrête, si ça se trouve, on ne se supporterait plus au bout de quelques années, t'en aurais marre de mon sale caractère. Et puis je ne nous aurais pas vus avec une vie bien tranquille. Avec ton talent, on serait en train de courir le monde pour échapper aux fans qui voudraient ton autographe.

— N'importe quoi...

— C'est pas si délirant que ça en a l'air, remarqua Victor. Tu es de ceux qui peuvent faire tomber le monde à leurs pieds sans forcer, tu illumines les autres rien qu'en étant là. Mais toi, tu t'en fous, visiblement. Je vais pas te mentir, ça me fout la rage, parfois.

— T'es jaloux ?

— Un peu... marmonna Victor. Mais c'est probablement ce qui te rend extraordinaire.

— Je te l'ai déjà dit... J'ai conscience de ça. Que ce soit au lycée ou ailleurs, je sais que c'est une chance... J'essaie de la saisir comme je peux, mais...

La gorge irritée, il s'arrêta en pleine phrase. Il lui fallut plusieurs secondes difficiles, douloureuses, interminables, pour reprendre ce qu'il disait :

— Ce n'est pas le plus important pour moi... Le plus important, pour moi, c'est de vivre pleinement. Je vais louper plein de choses, mais grâce à toi... J'ai réussi à vivre. C'est toi qui m'as permis de vivre.

— Yann, je...

— J'ai beaucoup de regrets, continua Yann. Je sais que je ne vais pas voir tous mes rêves s'accomplir, mais j'en ai vu au moins un grâce à toi. Je sais ce que c'est, d'aimer quelqu'un.

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