Année V, Chapitre 1 : Le tarot de visages

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Année 5 : Le détective affabulant

Londres. Le pays du brouillard et de la pluie.

Dans les rues, tel un rempart, se dressait un épais rideau de brume, transpercé par les gouttelettes chutant du ciel morne.

Quelques lampadaires jaillissaient du brouillard silencieux et disparaissaient aussi vite qu'ils étaient venus dans l'obscurité.

Un couple d'oiseaux fredonnait gaiement sous le toit d'une maison. John les écouta chantonner un instant puis reprit sa marche sans but dans les rues. Le froid transperçait sa maigre chemise et il songeait qu'il aurait mieux fait de prendre un parapluie, au lieu de sortir à la hâte sous les insultes d'Harry comme il l'avait fait.

Une voiture se détacha du paysage flou et y replongea, indifférente à ce garçon qui finirait bien à attraper la Mort s'il restait dehors par ce froid.

John arriva dans l'aire de jeu déserte et s'assit sur une balançoire trempée. Il sortit sa baguette de sa poche et la prit à deux mains, prêt à la briser en deux.

Après tout, depuis qu'il avait reçu cette lettre lui annonçant qu'il était un sorcier, depuis qu'il était ami avec Holmes, rien n'allait plus. Il pourrait briser cette baguette, qui était la jumelle de la sienne, ainsi il n'aurait plus rien à voir avec lui.

Il se stoppa cependant et la rangea de nouveau. Il fouilla dans son sac à dos et en sortit une des bouteilles de bière qu'il avait chapardées à son père. Il but une gorgée, afficha une expression de dégoût, puis se força à en reprendre une autre.

C'est titubant qu'il arpenta le chemin du retour vers le 4 Privet Drive.

Vernon était parti jouer ce qu'il restait de leur argent au poker, aujourd'hui, et Harriette avait réclamé que John aille ailleurs pour la journée pour qu'elle puisse accueillir sa petite amie Fanny - du moins il croyait que c'était comme ça qu'elle s'appelait.

Il se servit un verre d'eau dans la cuisine pour faire passer son mal de tête, et en retournant dans le salon, il fut accueilli par le cri de Fanny. Elle ne portait qu'un tee-shirt.

"Harry ! Y'a ton taré de petit frère qui me mate !"

Sans plus attendre, John grimpa les escaliers pour s'enfermer dans sa chambre. Il entendit des éclats de voix dans le salon, puis une porte claquer.

La tête de John lui tournait et il attrapa à temps sa corbeille pour y vomir. Il releva les yeux et vit sa mère le dévisager, un air profondément déçu sur le visage. Puis elle tourna la tête vers la porte de la chambre, en prenant les traits de Mary, et gloussa :

"On dirait bien que tu vas passer un sale quart d'heure."

En effet, le pas énervé d'Harry résonnait dans les escaliers.

Mary avait disparu. Ça faisait longtemps, depuis le décès de sa mère, en fait, qu'il était hanté. Sa mère venait lui rendre visite pour le féliciter ou lui dire combien elle était déçue qu'il soit aussi faible. Puis Mary s'était jointe à son tarot de visages et le faisait rire lorsque tout allait mal.

Et quand c'était Sherlock qui hantait ses visions, John avait envie de le tuer.

Harry ouvrit la porte, qui ne possédait aucun verrou, et attrapa John par les cheveux.

"Tu l'as fait fuir, t'es content ? Espèce de con ! Je t'avais dit de te casser pour la journée, c'est compliqué à comprendre ?"

Elle le fit se relever et le poussa dans le couloir. John était plutôt doué pour se défendre, mais Harry était bien plus grande que lui, et surtout, elle faisait de la boxe. Il opta pour la fuite et dégringola les escaliers. Mais Harry le rattrapa et le tira dehors, verrouillant la porte derrière lui.

Quand Vernon rentra, cinq heures plus tard, les poches vides et aussi plein d'alcool qu'il pouvait l'être, et qu'il trouva son fils recroquevillé sur le porche, tremblant de froid, tout ce qu'il trouva à dire fut :

"Qu'est-ce que tu fiches dehors ? Ne compte pas sur moi pour te payer les soins si tu tombes malade !"

Puis il claqua la porte derrière lui.

John ne trouva pas le courage de se relever et de rentrer. Il resta là, frigorifié, sur les marches menant à sa maison.

Outre le clapotis de l'eau qui courait dans la gouttière, il entendit un pas caractérisé par trois temps : clap, clap, ting ! clap, clap, ting !

Le pas s'arrêta devant lui. Il ouvrit les yeux et vit deux chaussures noires tout juste cirées, ainsi que la pointe d'un parapluie. Mycroft l'ouvrit et le tendit au-dessus de John pour le protéger de la pluie.

"Un père alcoolique et accros au jeux, et une peste de sœur qui vous déteste mais vous marchez pourtant dans leurs pas. Sherlock pensait que vous sauriez surpasser ça..."

"Sherlock a tort." cracha John.

"C'est évident. Il avait tort aussi quand il croyait que vous pourriez faire face à toutes ces horreurs qui accompagnent ses enquêtes. Je l'avais mis en garde, mais il ne m'a pas écouté. Pourtant j'avais bien dit qu'un petit né-moldu simplet comme vous..."

"Partez d'ici si c'est pour m'insulter que vous êtes venus."

"Je savais que Sherlock, d'une manière ou d'une autre, finirais par vous faire souffrir – cela, comprenez-le, m'importe peu. Et que vous le feriez souffrir en retour. Mais c'est grâce à vous qu'il a pu être heureux ces quatre dernières années. J'ai toujours voulu qu'il ait une enfance heureuse, mais tout ce que j'ai fait l'a privé du bonheur, en fin de compte." Il poussa un profond soupir. "Je suis un bien piètre grand frère."

Mycroft regarda l'intérieur de la maison de Vernon, et songea en voyant Harry passer qu'il y avait peut-être pire. Mais quel genre de grand-frère laisserait son cadet affronter seul ce foutu pendentif ?

"Je ne viens pas vous demander de vous réconcilier avec Sherlock, ni vous forcer à quoi que ce soit. Mais, pour tout ce que vous avez fait pour lui, pour l'avoir supporté tout ce temps avec tous ses défauts, laissez-moi vous inviter à Baker Street. Vous ne croiserez pas Sherlock, si c'est ce qui vous tracasse : il ne quitte plus sa chambre si ce n'est pour emprunter les commodités et n'accepte de voir que Mme Hudson."

Il fit demi-tour dans la rue.

"Le taxi repart dans deux minutes. Réfléchissez."

Les chants de la Mort - Sherlock fanfictionWhere stories live. Discover now