Chapitre 44

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Le ciel est noir, et la pluie s'abat avec rage sur le pont du Moby Dick. Les flots sont déchaînés, s'écrasant contre la coque du bateau dans un fracas assourdissant. À travers ce spectacle apocalyptique, une ombre se faufile, immense, terrifiante, monstrueuse. Elle se déplace avec une vitesse fulgurante, avant de s'abattre tel un éclair sur un malheureux pirate à l'uniforme blanc, au foulard jaune et à l'étrange coiffure en forme de banane.
Celui-ci se retourne, un couteau planté dans le coeur, face à cette ombre, prenant peu à peu l'aspect d'une jeune femme aux yeux roses pâles et aux cheveux d'un noir de jais.
Le pauvre homme saigne abondamment à sa poitrine, du sang sort de sa bouche, de son nez, de ses yeux remplit de rage.

- « C'est de ta faute ! T'as faute ! C'est toi qui m'a tué ! »

L'autre personne est en pleurs et a son beau visage strié de larmes. Elle tremble, suffoque, semblant être prise par de violentes convulsions.

- « Je ne voulais pas, je ne voulais pas, je ne voulais pas...

- Tu l'as fait ! Tu es l'unique coupable ! »

Puis l'homme se jette sur la jeune femme et lui serre le cou avec tellement de force que celle-ci en a les lèvres bleues et le visage violet face au manque d'oxygène. Sa vue se trouble, elle perd de plus en plus conscience des choses, avant de sombrer définitivement dans l'obscurité et de ne prononcer une dernière fois ces mêmes mots

- « Je ne voulais pas... »

...

Il est tôt. Beaucoup trop tôt. 3h du matin à mon avis.

Je passais une main lasse sur mon visage désormais couvert de sueur. Me redressant dans mon lit, j'essayais tant bien que mal de remettre de l'ordre dans mes cheveux en désordre et collé à mon front.

- « Encore une fois... »

Depuis que Thatch est mort, je revis les mêmes cauchemars, inlassablement. Et c'est toujours le même scénario. Je n'arrive pas à me défaire de l'idée qu'il est mort par ma faute.
Me rallongeant péniblement afin de retrouver le sommeil, je tentais toutes les positions possibles inimaginables : sur le côté, le dos, le ventre, à l'envers, les bras dans le vide, l'étoile de mer, les pieds contre le mur, mais rien n'y fait.
Irritée de ne pas réussir à me rendormir, je me levais brusquement avant de...

Me prendre le plafond. Enfin pas vraiment le plafond puisque c'est un lit superposé.

J'me suis donc pris le lit du dessus. Douleur.

Encore plus énervée qu'avant, je quittais sèchement le lit, avant de...

M'étaler au sol.

Merci les pieds qui s'emmêlent dans les draps.

Je restais donc ainsi pendant au moins 5 minutes, étalée au sol, à chercher un sens à ma vie et pourquoi est-elle si merdique.
Je me relevais finalement, ne sachant pas vraiment quoi faire, puis sortis de ma chambre. J'avançais avec discrétion et sans faire le moindre bruit. Tout le monde dort à cette heure, j'ai pas vraiment envie de les réveiller.
Et je risque surtout de faire une crise cardiaque si l'un d'eux décide de sortir dans le couloir. Sans but précis, j'arpentais les différents couloirs, prenais les plusieurs escaliers avant de me retrouver face à l'immense porte de la salle d'entraînement.
Tous les soirs c'est la même chose, je dors, fais des cauchemars, me réveille tôt puis sors de ma chambre sans réfléchir et me retrouver ici.
Je finissais donc par actionner la poignée de porte avant de l'ouvrir le plus doucement possible, puis retirer mes vêtements et les poser dans un coin.

Simplement vêtue de mon leggings pour la nuit et d'une brassière, j'enroulais mes poings de bandage, et choisis un des sacs de frappes disposé dans la salle au hasard. Je donnais les premiers coups avec toute la rage et la culpabilité que j'accumulais en moi.
Tantôt des coups de poings, puis des coups de pieds, et en passant par des coups de coudes.
Je passais ainsi une bonne demi-heure à m'entraîner avant que je ne sente la présence d'un pirate dans le couloir. Et au vu de son aura, j'ai ma petite idée sur la question.
N'y prêtant pas attention, je me concentrais de nouveau sur mon exercice, et frappais de nouveau le sac. C'est seulement quand j'entendis la porte grincer ainsi qu'un raclement de gorge que je me tournais vers l'entrée, où je vis sans surprise Marco adossé contre le mur les bras croisés.

- « Tu avais déjà sentie ma présence.

- Exact. »

Je le fixais les bras le long du corps, attendant qu'il m'explique la raison de sa venue aussi.
Cependant il ne dit rien.
Donc je repris mon entraînement, légèrement déconcentrée par la paire d'yeux m'observant. Nous continuâmes ainsi notre petit jeu pendant encore une bonne heure, jusqu'à ce que mes mouvements se fassent moins précis, plus lents.
Épuisée, je m'étalais au sol de tout mon long, en étoile de mer. J'aime cette position.
Marco daigna enfin bouger de sa place et vint s'asseoir en tailleur, juste à côté de ce que l'on pourrait appeler « mon cadavre ».
C'est lui qui prit la parole après un petit moment de silence.

- « Pourquoi t'entraînes-tu comme ça jusqu'à l'épuisement tous les soirs ?

- Parce que j'arrive pas à dormir depuis quelque temps.

- Depuis qu'ils sont partis. »

Je ne répondis pas. Seul mon silence affirma les propos de mon ami.

- « Tu sais que c'est pas une bonne idée ce que tu fais.

- C'est-à-dire ?

- T'entraîner à l'épuisement comme tu le fais en cachette. Tu passes déjà tes journées à le faire avec moi, ton corps ne tiendra plus le rythme très longtemps. »

Je soupirais. Hélas, il a raison.
Marco a toujours raison de toute façon.
J'ai beau faire semblant et ne pas y penser, mon corps est extrêmement fatigué. Mon visage le montre par exemple. J'ai des cernes qui rivalisent avec celles de Trifoullis, j'ai de moins en moins de force et j'ai perdu 5kg ce moi dernier. Comment vous dire que je me compare à un zombie.

- « Je sais... Malheureusement, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour réussir à dormir ensuite ne serai-ce que quelques heures.

- Tu n'y arrives pas à cause de tes cauchemars c'est ça.

- Oui. Et puis, je dois devenir plus forte, beaucoup plus forte. Parce qu'avec mon niveau actuel, je ne vais pas pouvoir sauver beaucoup de monde. Et j'ai bien peur qu'il ne me reste plus beaucoup de temps.

- Je ne sais pas à quoi tu fais référence, mais peu importe. Il est préférable de t'avoir en bonne santé mais plus faible que forte mais comme un légume. Tu ne pourras même pas te battre tellement tu te seras crevée à l'entraînement de toute façon.

- T'inquiète pas, je vous en parlerais en temps voulu. Enfin bref, je vais aller retourner me coucher, même si j'ai un gros doute sur le fait de réussir à me rendormir.

- J'ai peut-être une idée pour ça.

- Dis pas des trucs comme ça. Vu le contexte et la situation je pourrais penser à autre chose.

- T'es trop jeune pour moi. Et puis je ne vais sûrement pas voler l'amour d'Ace. »

Rougissement violemment, je lui balançais à la figure la première chose que j'avais sous la main, c'est-à-dire une chaussette. L'homme blond ricana légèrement, avant de m'indiquer de le suivre, ce que je fis avec méfiance.
Nous sortîmes du dojo, non sans avoir préalablement récupérer mes vêtements étalés au sol ainsi que ma chaussette lancée sur Marco un peu plus tôt.
Marchant dans le silence, nous quittâmes le dortoir des pirates « lambda » avant de rejoindre celui des commandants. Ne comprenant pas vraiment où il voulait en venir, mes sourcils se froncèrent doucement.
Nous nous arrêtâmes maintenant devant la porte de la cabine d'Ace.
Comprenant encore moins ce que voulait le 1er commandant, je me tournais vers lui, l'incompréhension se lisant parfaitement sur mon visage.

- « Dors ici cette nuit.

- Quoi ? »

Avant même de me répondre, l'homme ananas ouvrit la porte et me poussa à l'intérieur, puis la ferma.

- « D'accord super, merci Marco. Maintenant j'en viens à squatter la chambre d'un commandant. »

Aucune réponse de sa part. Il est parti, je ne sens plus sa présence.
Bon ! Bah c'est une bonne nuit qui se profile à l'horizon !
Je me jetais littéralement sur le lit deux places, avant d'enfouir ma tête dans l'oreiller.
Il y a toujours son odeur.
Je le serrai encore plus entre mes bras.

Puis j'éclatais en sanglot.
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Hé walouuuuuuu !
Pardon pour le retaaaaaaard !
Sinon petite question, c'est quoi votre couleur préférée ?

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