Au bord de l'explosion, Victor se retenait de craquer. Ses phalanges pâlissaient, ses joues rougissaient. L'émotion, superbe, douloureuse, indicible, le parcourait de bout en bout. Imaginer ce que Cécile avait dû voir lui était insupportable.

— Je l'ai vu sur le sol... Inconscient... Je ne sais pas ce qui s'est passé, Victor... Je suis désolée...

— Ce n'est pas de votre faute, tenta de la rassurer Pauline. Ce qui est arrivé à Yann... Personne n'aurait pu le prévoir.

— En attendant, gronda Victor, c'est arrivé.

Pauline lui jeta un coup d'oeil furibond. Le regard noir que lui renvoya le brun suffit à lui faire détourner le regard. Ses prunelles menaçantes brillaient d'un éclat ténébreux. L'adolescente soupira et reporta son attention sur la quadragénaire, un triste sourire sur les lèvres.

— Je vous assure que vous n'êtes pas responsable. Je sais bien ce qu'on ressent dans ce genre de moments. Mon petit frère nous a déjà fait de belles frayeurs... Je suis sûr que ça ira mieux.

Cécile la remercia du bout des lèvres. D'un geste, elle l'invita à s'asseoir à ses côtés, puis lança un nouveau regard suppliant en direction de Victor. Il se mordit les lèvres et finit par céder. Elle n'y était pour rien. Personne n'y était pour rien. Personne n'aurait pu prévoir ça... Pauline avait raison. Il répétait la même erreur qu'elle, quelques années plus tôt. Une erreur qui l'avait plongée dans le désespoir le plus complet des jours durant.

Une erreur qu'il ne voulait pas faire.

Il ravala les trémolos qui se promenaient au fond de sa gorge et s'installa sur la dernière chaise libre, l'estomac rongé par l'inquiétude. Lorsqu'un interne vint les chercher, deux cafés et un million de questions plus tard, il avait fini de se ronger les ongles. Ils se levèrent comme un seul homme.

— Nous avons passé les examens primaires.

— Et alors ? demanda Victor.

— Le médecin s'entretiendra avec vous bientôt. En attendant, nous l'avons placé dans un box.

— On peut aller le voir ?

Victor sentit son coeur quitter sa poitrine lorsque l'interne acquiesça d'un petit signe de tête. Le trio le suivit et le pria chaleureusement de les conduire jusqu'au blond. Trois couloirs plus loin, ils arrivèrent devant une pièce étroite aux murs gris. Cette couleur, plus triste encore qu'une tombe, agressa les yeux du brun. Un gris malade s'étendait à perte de vue. Un gris ciel de pluie.

La pièce était plutôt large ; pas assez pour que l'on puisse la qualifier de chambre, mais assez pour que le personnel circule librement s'ils passaient. Un grand lit trônait au centre. Une forte odeur de désinfectant traînait dans l'air.

Victor écarquilla les yeux. Il sentit ses yeux le piquer douloureusement. Il s'entendit renifler face à ce cruel spectacle. Yann, allongé sur le dos, les yeux fermés, rivés vers un plafond plus blanc que les nuages sur lesquels dorment les anges, attendait, immobile. Les draps couvraient une partie de ses jambes, ne laissant à l'air libre que ses mains blafardes. L'agitation autour de lui sembla le sortir de sa léthargie. Il émergea doucement et ouvrit un oeil fatigué vers ses visiteurs.

— Hey... lança-t-il doucement.

— Mon chéri...

— Maman... Tu m'as apporté des invités de marque, c'est gentil... sourit-il.

— Évidemment qu'on est là, lança la rousse.

— Désolé... Je ne suis pas... Aïe... Je ne suis pas en grande forme.

Lie tes raturesWhere stories live. Discover now