Le frère et la sœur étaient installés en silence dans le petit salon en mezzanine sur le palier du premier étage. Drago, assis en tailleur devant la table basse, était si plongé dans son devoir de métamorphose que son nez en touchait presque le parchemin sur lequel il écrivait. Aya, de l'autre côté de la table était allongée à plat ventre sur le tapis, en appuie sur ses coudes, plongée dans la lecture de Battre les Cognard – une étude des stratégies de défense dans le jeu de Quidditch. À l'étage en dessous, une porte claqua,
- Lucius ! Cette conversation n'est pas terminée ! entendirent-ils alors que des bruits de pas résonnèrent dans le grand salon du rez-de-chaussée.
Le frère et la sœur relevèrent la tête pour échanger un regard intrigué.
- Si, elle l'est. Regarde Cissy ! Regarde ! Il est toujours là quelque part et il devient plus fort ! répondit Lucius d'une voix forte mais légèrement plus aigüe qu'à l'ordinaire, qui trahissait une certaine anxiété.
À l'étage, les deux froncèrent les sourcils. Il était rare pour eux de surprendre les disputes de leurs parents, et encore plus rare de ne pas savoir à propos de quoi ils se disputaient.
- L'année où Astraïa rentre à Poudlard ? C'est une très mauvaise idée enfin, Dumbledore doit déjà sûrement se douter de...
- On verra ça. Je vais envoyer une lettre à Igor.
- Lucius, tu ne vas quand même pas... s'horrifia Narcissa mais elle fût aussitôt interrompue.
- Bien sûr que si ! Je ferai ce qu'il y a à faire pour cette enfant ! Regarde ! Nous ne pouvons rester là à attendre, tu le vois bien !
Lucius semblait aux bords de la crise de nerfs. Ni tenant plus, Aya et Drago s'avancèrent dans un même mouvement à quatre pattes jusqu'à la rambarde du petit salon qui surplombait le grand. À un mètre, ils plongèrent à plat ventre pour s'approcher au maximum. Mais Lucius et Narcissa restèrent hors de vue.
- Et Drago tu y as pensé ?
L'intéressé donna un coup de coude à sa sœur qui avait à présent sa tête entre deux barreaux de fer forgé, et se tordait le cou pour essayer d'apercevoir ses parents. Il tendit un doigt vers la porte qui donnait sur le vestibule face à eux. Tapis dans l'ombre, la présence de Dobby était trahie par le bout d'une de ses grandes oreilles qui dépassait dans la lumière. Mais Aya n'en eut rien à faire.
- Évidemment que j'y pense, je pense à toute cette famille figure-toi. Il ne sera au courant de rien, il n'y a pas à s'inquiéter. De toute façon, reprit-il plus calmement, mais sur un ton qui semblait ne pas vouloir être contredit. Le ministère commence à s'agiter avec ce fichu Weasley, on dit qu'il prépare un nouvel Acte de Protection des Moldus. Je peux faire retarder son passage évidemment, mais par sécurité, il est préférable de ne pas garder sous notre toit le vieux journal de Tom Jedusor.
Il accentua le nom comme s'il sous-entendait quelque chose. D'un simple échange de regard, le frère et la sœur surent que ni l'un ni l'autre n'avait jamais entendu parler d'un quelconque Jedusor.
- Je n'aime pas du tout la tournure que prennent les événements... Nous ne savons pas, nous ne sommes sûr de rien... Et Weasley, franchement, je t'en prie il n'a rien à voir avec tout ça... Il faudrait peut-être attendre de voir...
- Non. Tu vas devoir faire avec, on va tous devoir faire avec, que l'on aime ou pas ! répondit sèchement Lucius en coupant court à la discussion.
Les cheveux blonds de leur père apparurent soudain sous leurs yeux. Il leur tournait le dos et marchait droit vers l'escalier.
Ce fut Drago qui réagit le plus vite, il attrapa Aya par l'épaule et la tira en arrière. Dans un silence total et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ils avaient rejoint la table basse, récupérés les livres, le parchemin, la plume et l'encrier de Drago. Les bras chargés, ils se réfugièrent accroupis derrière le canapé au moment précis où Lucius posait un pied sur la première marche de l'escalier. Parfaitement immobiles, ils retinrent leur souffle en l'entendant passer à quelques mètres d'eux pour s'engager dans le couloir du premier étage.
- Maman va monter voir ce qu'on fait, chuchota Aya alarmée dans un souffle à peine audible.
Ils tendirent l'oreille pour vérifier que la voie était libre, puis se ruèrent vers l'escalier menant au deuxième étage, à l'opposé du couloir où leur père avait disparu. Ils montèrent les marches quatre à quatre à pas de velours et se précipitèrent dans la chambre du blond. Drago jeta son manuel de métamorphose en catastrophe sur le bureau puis posa parchemin et encrier devant lui. Aya lui envoya sa plume, qu'il attrapa au vol, et elle sauta sur le lit où elle se cala contre les oreillers en ouvrant son étude des stratégies de défense contre les Cognards sur ses genoux.
Ils se lancèrent un sourire complice en entendant le bruit de pas de leur mère arrivé en haut des escaliers. Drago fit semblant d'écrire, et Aya eut tout juste le temps de s'apercevoir que son livre était à l'envers avant que Narcissa entre. Leur apportant à leur grande surprise, deux grandes tasses de chocolat chaud et des cookies.
- Ça va m'man ? se hasarda Drago intrigué par ce spectacle.
- Bien sûr pourquoi ? répondit-elle aussitôt avec un petit sourire en lui tendant une tasse, elle ajouta sur un doux ton de défi, j'ai bien le droit d'apporter des chocolats chauds à mes enfants, non ?
- Tout à fait d'accord, confirma Aya en tendant une main pour avoir sa tasse.
- Pas sur le lit jeune fille, réprimanda Narcissa en posant la deuxième tasse et les cookies sur le bureau. Ne tardez pas trop, Dobby viendra vérifier dans une heure que vous êtes bien couchés.
Elle embrassa Aya qui s'était levée sur le front, ébouriffa les cheveux de Drago -qui sembla indigné- et sorti de la chambre en leur souhaitant une bonne nuit.
- C'est donc ça, dit Aya une fois sûre que sa mère s'était suffisamment éloignée pour les entendre, quand ils s'engueulent, elle est toute attentionnée avec nous !
- Faudrait qu'ils s'engueulent un peu plus souvent alors, remarqua Drago.
- Dit le fils préféré à sa môman, se moqua-t-elle en essayant à son tour de lui ébouriffer les cheveux, mais il esquiva le regard noir, tu crois qu'ils parlaient de quoi toute à l'heure ?
- Je ne sais pas, mais c'est rare que papa ait le dernier mot.
- Surtout quand il y a ton nom dans la conversation...
- C'est l'heure de ta minute Jalouse ? s'enquit-il mi amusé mi agacé.
- Peut-être bien.
Drago l'observa, elle avait son sourire malin habituel, mais il avait toujours lu en elle comme dans un livre ouvert, et son regard la trahissait.
- Tu te demandes ce qu'il voulait dire par « je ferai ce qu'il y a à faire pour cette enfant » ?
- En fait, j'ai plutôt envie de ne pas me demander ce qu'il entend par là justement... avoua-t-elle après un moment.
Et c'était vrai. Les vacances de pâques ne duraient qu'une semaine, et elle voulait profiter de son frère au maximum. Elle aurait jusqu'à juin pour mener son enquête, rien ne pressait.
- Tu as encore envie de faire ta métamorphose ? demanda-t-elle alors plus sournoise que jamais.
- Pas vraiment...
- Cool !
Aya ouvrit le tiroir du bureau et attrapa un jeu de cartes explosives.
- Une p'tite partie ? demanda-t-elle, un sourire s'étalant sur son visage d'une oreille à l'autre.
- J'ai une tonne de devoirs Aya...
- Allez... Les vacances ce n'est pas fait pour travailler de toute façon.
- Tu expliqueras ça aux professeurs l'année prochaine...
- Alors c'est oui ? continua-t-elle en s'installant au pied du lit.
- Tu es le diable en personne...
- Arrête, on dirait maman, grimaça-t-elle.