Le Chant de la Lune

By LynFoxden

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***La Meute du Lozère - Tome 1 *** Alors que les créatures surnaturelles se sont révélées aux humains deux dé... More

Chapitre 1 - Nathan
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Chapitre 2 - la meute du Lozère
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Chapitre 3 - La vie secrète des prédateurs
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Chapitre 4 - adolescence, vampires et autres complications
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Chapitre 5 - Les caves du château
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Chapitre 6 - Divinité et thé mondain.
Chapitre 6 - **
Chapitre 6 - ***
Chapitre 6 - ****
Chapitre 7 - De crocs et de sang
Chapitre 7 - **
Chapitre 7 - ***
Chapitre 7 - ****
Chapitre 7 - *****
Chapitre 8 - Mise en bière
Chapitre 8 - **
Chapitre 8 - ***
Chapitre 8 -****
Chapitre 8 - ***** - FIN
***Questions à mes lecteurs***
Nouvelle Couverture ?

2-****

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By LynFoxden

J'allais ouvrir en essayant de me donner l'air plus réveillée que ce que je l'étais vraiment. Me rendant compte que j'avais toujours la serviette à la main au moment d'ouvrir la porte, je la jetais négligemment sur le lit.

De l'autre côté de la porte se tenait un des loups-garous à l'apparence la plus jeune. Un mètre quatre-vingt, les cheveux châtains tirant vers le roux et légèrement ondulés, mi-long, les yeux verts, quelques taches de rousseur, les traits fins. Il était moins ostensiblement musclé que ses compagnons. Le tout lui conférait une allure juvénile, je lui aurais donné légèrement moins que mon âge.

« Myriam, excuse-moi de te déranger. »

Il coula un regard lourd de sous-entendus au désordre que mon réveil un peu agité avait mis dans la chambre.

« Armand, c'est ça ? »

Il releva ses jolis yeux verts et croisa brièvement mon regard avant de détourner le sien. Il sourit légèrement. Il avait les lèvres pleines. J'avais toujours adoré les jolies lèvres. Je sentis mes joues se mettre à chauffer et je détournai brusquement le regard avant que les choses n'empirent. Ce n'était pas le moment de flirter, c'était le moment d'avoir une discussion très importante avec l'alpha de la meute qui m'hébergeait.

« Oui, c'est ça. On m'a envoyé pour te guider jusqu'au bureau de Victor. Tu peux prendre le temps de finir de te préparer si je t'ai interrompu.

– Oh, non, je suis prête. Laisse-moi juste le temps de récupérer mon téléphone et je suis toute à toi. »

Je me détournai déjà pour aller prendre mon portable quand il me sembla apercevoir une légère rougeur sur les joues d'Armand. Trop chou, un loup sensible ! Au moins je n'étais pas la seule à me colorer à la moindre émotion.

Je croisai mon reflet dans la glace de l'armoire. Mes vêtements étaient un peu froissés mais rien de dramatique, quant à mes cheveux, l'avantage des boucles c'était qu'il était inutile de les coiffer pour que ça rende bien.
Par contre, pour la marque de l'oreiller qui traversait ma joue, je ne pouvais qu'espérer qu'elle disparaisse d'ici à mon arrivée dans le bureau de Victor.
Haussant les épaules à l'adresse de mon reflet, je suivis Armand dehors.

Il me laissa prendre le temps de refermer la porte puis commença à marcher d'un pas régulier. L'allure choisie par Armand, ni trop rapide, ni trop lente, me permit d'observer la maison avec plus d'attention qu'à l'aller où, en pleine digestion, j'avais eu du mal à me traîner jusqu'à ma chambre. La maison avait été rénovée avec un goût discret mais certain. On avait privilégié les matériaux bruts, du bois, de la chaux, de la pierre et utilisé des tissus colorés pour donner de la chaleur à l'ensemble. Par exemple, quasiment toutes les fenêtres étaient équipés de lourds rideaux et tous les canapés étaient enfouis sous des plaids ou des couvertures. L'ensemble était chaleureux et de bonne qualité sans être ostentatoirement riche. J'aimais beaucoup.
Je reportais mon attention sur Armand. Il avait gardé les yeux rivés à ses chaussures, certes très jolies, mais tout de même. Il évitait clairement de croiser mon regard et ça me mit un peu mal à l'aise lorsque je m'en rendis finalement compte. J'essayais d'engager la conversation pour briser la glace.

« Alors, tu habites ici ?

– Oui.

– Depuis combien de temps ?

– Quarante-deux ans. »

Ah oui, c'est vrai. L'apparence, la réalité, deux choses qui ne concordaient pas dans ce monde-là.

« Ah ouais, pas mal, haha... Et du coup ça fait un bail que tu connais Victor non ?

– Cinq ans.

– Ah okay. »

Surtout paraître cool, comme si aucune des choses qu'il me disait ne me surprenait.

« Ça te plaît d'être un loup-garou ?

– Oui.

– Et de vivre ici ?

– Oui. »

Il regardait toujours ses chaussures et me répondait par des réponses précises mais laconiques.

« Pourquoi tu ne me regardes pas quand je te parle ? »

Il arrêta de marcher et se tourna face à moi, les yeux toujours baissés.

« Je suis un peu particulier dans l'organisation de la meute et je ne veux pas que tu te sentes provoquée.

– Et si je te le demande ?

– Comme à chaque fois que tu poses une question, je répondrai. Si tu me demandes de te regarder, Je te regarderai.

– Regarde-moi. »

C'était idiot, vraiment. Je voulais juste savoir s'il obéirait vraiment. Il releva les yeux et planta son regard dans le mien. Ils étaient vert, vraiment vert. Pas noisette, pas bleu, pas marron avec quelques reflets. Non, vert. Comme de l'herbe de printemps.
Ils étaient brillants, en amande et débordant d'émotions. Je ne pouvais plus respirer. Je ne pouvais plus détacher mon regard du sien. Je voulais le prendre dans mes bras, le protéger du monde et de ses dangers. Je voulais l'aimer, et le noyer dans cet amour. Je voulais que plus jamais il ne souffre.

Myriam ? Myriam ? Tu es manipulée. Ferme les yeux.

Obéissant à l'ordre de Loup des Rêves, je baissais mes paupières, goûtant au recul de ces émotions inattendues qui disparurent en un souffle une fois mon regard coupé de celui d'Armand. Ce dernier en profita pour détourner les yeux.

« Je ne sais pas ce que tu es Myriam. Tu ne sens pas le loup. Tu ne sens rien d'autre que l'humain. Mais tu as réagi comme un loup-garou dominant. Si tu avais été membre d'une meute extérieure, tu m'aurais revendiqué auprès de Victor et vous vous seriez battus pour moi. »

J'essayais de me rassembler. Difficilement, je rebondis sur ses derniers mots. Il fit comme si tout était normal et je lui en fus reconnaissante.

« Les loups-garous se battent pour ajouter des membres à leur meute ?

– En général non, mais les loups comme moi représentent un enjeu particulier pour les meutes. Repartons, veux-tu ? Nous allons être en retard. »

J'opinai et lui emboîtai le pas. Je n'avais jamais, jamais, ressenti ça auparavant. Ça faisait beaucoup d'émotions en peu de temps et j'étais vraiment chamboulée quand nous arrivâmes devant la porte qui devait être celle du bureau de Victor.
Armand me lança un rapide regard par en dessous, évaluant mon état. Ses narines frémirent.

« Est-ce que tu veux prendre quelques minutes avant que nous entrions ? »

Je tendis mon esprit vers Loup des Rêves pour qu'il me conseille sur l'attitude à adopter.

Ça ne servirait à rien, c'est normal que tu perdes un peu pieds avec tout ce qu'il s'est passé en moins de 24 heures. Tu n'as pas la possibilité de prendre une douche avant d'entrer dans le bureau, donc même si tu prends quelques minutes pour te calmer vraiment, il sentira toujours sur toi l'odeur de tes émotions passées. Autant y aller comme ça. De plus, sans que tu aies l'air d'une proie, si tu as l'air un peu fragilisée la pulsion première de Victor sera de te protéger. Tu ne fais pas partie de sa meute mais tu es son invitée. Autant utiliser ton trouble à notre avantage. Évite seulement de croiser le regard d'Armand une fois que vous serez dans cette pièce.

« Ça va aller Armand, fais-nous rentrer s'il te plaît. »

Armand toqua, attendit quelques secondes et ouvrit la porte. Peut-être avait-il entendu une réponse, mais ce n'était pas mon cas.

Le bureau était comme le reste de la maison. Brut et solide, tout en ayant ce je-ne-sais-quoi d'accueillant et de chaleureux. On y trouvait une table sur laquelle trônait un ordinateur, mais également un coin salon où étaient installés plusieurs personnes. Victor, évidemment, était là, mais également Joseph, Maurice et Marc. Tous se levèrent pour nous accueillir et nous invitèrent à nous asseoir. Il y avait largement de la place pour tout le monde sans que je me sente oppressée. La petite cheminée de la pièce avait été allumée et je notais l'attention avec reconnaissance. Même avec la flambée en cours, il ne faisait pas bien chaud.

« Myriam, merci de nous avoir rejoint. J'espère que la sieste a été bonne ? »

Victor me regardait avec un petit sourire coquin. Je lui souris en retour, un peu gênée.

« Oui, merci. »

Il me regarda plus attentivement et renifla ostentatoirement une fois ou deux.

« Armand... Aurais-tu... Embêté notre invitée ?

– Pas du tout ! Je me suis contenté de répondre à ses demandes ! Répondit l'intéressé d'une voix presque offensée en arborant un sourire satisfait. »

Maurice laissa échapper un petit rire et Victor leva un sourcil circonspect avant de légèrement soupirer.

« Toutes nos excuses pour cela, Myriam. »

Je ne comprenais rien du tout. J'envisageai un instant de faire comme si ce n'était pas le cas, mais Loup des Rêves m'avait dit que je pouvais afficher mon trouble. Je lançai donc un regard suspicieux à Armand, puis mon meilleur regard innocent et perdu à Victor.

« Je ne comprends pas.

– Bon. Joseph, explique-lui pendant que je vais passer le coup de fil dont nous venons de parler. Marc, viens avec moi. »

Victor et Marc se levèrent et disparurent derrière une porte que je n'avais pas encore repérée. Je tournais mon attention vers Joseph.


C'était le second lieutenant de Victor, ses cheveux châtains étaient coupés courts mais coiffés avec soin, ses yeux noisette chauds et rieurs. Il souriait. Il avait l'air sympathique.

« Alors, on va s'offrir un petit cours sur l'organisation sociale des loups-garous. Qu'est-ce que tu en connais ? »

Demanda-t-il d'une voix qui transpirait la patience et la bienveillance. Je lui souris presque malgré moi et lui répondis de mon mieux.

« Hum. Les loups-garous vivent en groupe très fermé et ont un chef qui est l'alpha. »

Les trois hommes restant dans la pièce sourirent. Je pinçais mes lèvres, un peu gênée. Jamais je n'avais eu autant l'impression d'être un peu débile que depuis que j'avais rencontré Nathan.

L'ignorance n'est pas synonyme d'idiotie. Ne t'inquiètes pas. Ils ont, eux aussi, eu tout à apprendre.

Joseph reprit la parole.

« Excuse-nous, nous sourions mais si tu n'en sais pas plus c'est que nous ne souhaitons pas que tout le monde connaisse le fonctionnement interne des meutes et tous, nous avons un jour dû apprendre comment nous allions vivre. »

Armand et Maurice opinèrent. Joseph reprit son cours.

« Alors, je pense qu'il faut commencer par expliquer ce que nous sommes, nous, les loups-garous. La lycanthropie est une sorte de mutation génétique causée par la transmission de quelque chose. Peut-être que c'est un virus, peut-être une bactérie, peut-être quelque chose de magique. On ne le sait pas encore. Mais la transmission seule ne suffit pas, il faut en plus un choc très violent infligé à l'organisme. Pour le dire plus simplement, il faut que la personne soit aux portes de la mort. Et une mort violente. En plus de cela, il faut qu'à la fois le corps et l'esprit de la personne supportent la mutation. Dans la très grande majorité des cas, les personnes qui auraient pu être changées par la mutation meurent, tout simplement.

Ceux qui survivent ne sont plus tout à fait humains. Nous ne vieillissons pas, nous sommes plus forts, plus rapides, plus résistants. Les perceptions que nous avons de notre environnement sont décuplées ce qui nous rend plus réactifs. Et bien sûr, il y a la transformation. Mais que ce soit sous forme de loup ou sous forme humaine, l'individu est le même. Le caractère demeure. La mémoire et les capacités cognitives ne changent pas. Les loup-garous sous leur forme de loup sont un peu plus intenses que sous leur forme humaine mais cette différence disparaît au fur et à mesure que nous vieillissons.

Nous sommes à la fois loup et humain. Pour survivre à la mutation, nous devons accepter certains besoins du loup que nous sommes devenus. L'un de ces besoins, c'est la vie en communauté. Un loup-garou peut survivre sans sa meute, mais pas longtemps. Son esprit ne tient pas et il devient vite fou. Un loup-garou fou est dangereux. Et nous ne pouvons pas nous permettre d'être perçus comme dangereux par les humains. »

Et du coup quoi ? me demandais-je. Ils les tuent ? Ils ont des hôpitaux psychiatriques pour loups-garous ? Vol au-dessus d'un nid de coucou, mais en version grandes dents, grandes griffes, beaucoup de poils ?

Joseph continuait son monologue :

« Une meute, pour un loup, c'est tout simplement une famille. Malheureusement, nous sommes à la fois humains et loups. Ce qui rend les choses plus compliquées. Nous devons aussi accepter certains besoins des humains.

Chez les humains, le lien social est plus important que ce que le croit la société moderne mais vous pouvez survivre en étant seul. Pour nous, c'est impossible. Or, pour vivre ensemble, il faut forcément respecter des règles.

Quasiment tous les humains grandissent en famille, et dans une famille ce sont les parents qui imposent les règles de vie. Est-ce que tu sais pourquoi ?

– Euh... Ben parce que ce sont les parents. »

Ils rirent.

« Essaie de creuser un peu plus.

– Et bien, ils sont plus âgés et on leur doit le respect.

– Il y a un peu de cela. En fait, dans des familles fonctionnelles, les parents sont respectés instinctivement par les enfants parce qu'ils sont les plus à même de garantir la sécurité de la famille. Quand je parle de sécurité, ça couvre tous les aspects de l'existence, de la nourriture dans l'assiette, au chauffage de la maison, à la lutte éventuelle contre des prédateurs ainsi que la sauvegarde de la santé physique et mentale. Lorsque tout se passe bien, les enfants acquièrent petit à petit de l'autonomie et les parents leur laissent leur jardin secret. Plus l'ensemble de la société est sécurisée, plus les enfants peuvent être libres.

Chez les vrais loups, les animaux j'entends, c'est pareil. Le fameux couple alpha est seulement l'équivalent des parents de tous les autres loups. Et s'ils détiennent une sorte d'autorité, c'est parce qu'ils sont les plus expérimentés et donc les plus à même de protéger les leurs. Le seul privilège qu'ils ont, c'est celui de la reproduction. Et même là, s'ils sont seuls à se reproduire c'est qu'il faudra l'effort de toute la meute pour nourrir les petits. Tout est uniquement dicté par la sauvegarde de la meute. Et tant qu'ils seront les plus à même de protéger leur famille, les autres loups les respecteront et suivront leurs consignes.

– Je croyais que les loups étaient hyper hiérarchisés et très durs avec leurs subalternes ?

– C'est faux, c'est une théorie qui avait découlé de l'étude de loups en captivité, donc aux comportements déviants. Dans la nature, chez les loups comme chez les humains, quand les enfants ressentent le besoin de fonder leur propre famille, s'ils ressentent ce besoin parce que ça n'arrive pas à tout le monde, et bien, ils sont libres de partir trouver leur compagnon et fonder avec lui leur nouvelle meute ou famille. En captivité, les loups n'ont pas cette liberté et cela engendre des tensions entre les individus, tensions qui peuvent parfois déboucher sur des comportements violents. Cela serait pareil, en pire, dans des groupes humains obligés de vivre en huis clos, dans des territoires trop petits, sur des générations.

Pour ce qui est des loups-garous... Nous avons besoin de vivre avec nos semblables. Nous ne pouvons pas nous reproduire entre nous et quasiment pas avec les humains. Lorsque cela se produit l'enfant est un humain. Mais les humains sont mortels alors que nous, nous restons là. Il est donc primordial pour nous d'avoir un entourage stable de loup-garous même si nous fondons en parallèle une famille humaine.

Nous nous réunissons donc en meute autour des loup-garous qui sont les plus à même de nous protéger. La dominance, la hiérarchisation des relations, est rendue obligatoire par notre coté humain. Pour les loups, cela se fait naturellement et sans heurs. L'humain adulte ne sait pas vivre en communauté non hiérarchisée. Même l'organisation sociétale moderne requiert des présidents, des rois, des maires, etc. L'humain a besoin de hiérarchie, et donc notre côté humain en a besoin. Et, c'est une particularité propre à l'espère, tous les humains cherchent, constamment, à s'élever dans leur hiérarchie. »

Ah ben ça alors... Je n'avais jamais vu les choses comme ça. Voilà qui me donnait un éclairage tout à fait nouveau sur mes années lycées.
Inépuisable, Joseph continuait son cours.

« Une fois que la hiérarchie est établie pour notre part humaine, le loup en nous valide ce rang et aide l'humain à s'en contenter. Cela évite au loup-garou de chercher à s'élever dans la hiérarchie jusqu'à une place qu'il ne pourrait pas assumer. C'est une question de survie et de reconnaissance des compétences de chacun.

Victor, notre alpha, n'est pas le plus fort ni le plus vieux. Mais il est stratégiquement le meilleur d'entre nous. C'est un petit génie. Il connaît bien la société moderne, il sait comment la charmer, et il sait comment faire en sorte que nous nous sentions tous à notre place, protégés et soutenus.

Ses lieutenants, mon frère Robin, Maurice et moi, nous sommes seulement ses bras droits, ses amis les plus proches, et les autres nous écoutent car Victor nous fait confiance et parle à travers nous.

Nous avons tous conscience que Victor est le plus à même de garantir notre sécurité et c'est pour cela que nous le suivons. Lui, de son côté, a accepté cette charge qui correspond à son caractère. Il a envie de s'occuper de nous. »

Je me rappelais la façon dont Victor s'était enflammé quand j'avais suggéré qu'il voulait récupérer Nathan pour l'échanger contre Guillaume et je comprenais mieux, du coup, son insistance sur sa volonté de protéger tous les siens.

« Cependant, en plus de la meute, certains d'entre nous ont tout de même une famille et vivent majoritairement avec. Parfois ce sont deux garous, parfois le compagnon ou la compagne du garou est humain. Nous avons également quasiment tous un travail, bref, nous sommes intégrés dans la société et cela contribue à notre équilibre.

– Je croyais que vous viviez en meute car vous ne pouvez pas avoir de famille ? l'interrompis-je

– Même les loups, les animaux, ont des compagnons au sein de leur meute. Ils ne peuvent pas se reproduire, mais ils s'aiment. Ce sont d'autres liens que les liens de meute, mais ils sont précieux pour chacun d'entre nous. Nous considérons les humains qui sont les compagnons de nos loups-garous comme des membres de la meute et nous veillons sur eux comme nous veillerons sur nos enfants. L'humain en nous apprécie généralement avoir son intimité dans son couple, c'est pour cela que la plupart d'entre nous vivons en dehors d'ici. Toute la meute se rassemble tout de même au moins une fois par mois, à la pleine lune.
Et... comme je le disais, les humains finissent toujours par mourir, du coup sans une meute pour le soutenir, un loup-garou qui a perdu son compagnon peut devenir fou.

– Et on ne veut pas que vous deveniez fous.

– Tout à fait, on ne veut pas. C'est pour cela que nous formons des meutes.

Ce fonctionnement est celui de quatre-vingt-quinze pour cent des loups-garous. Ensuite, il y a les garous comme Armand. On les appelle des oméga. Ceux-là, ils ne veulent pas d'une place d'autorité, jamais. Leur nature les pousse à apaiser les tensions entre les gens. Un loup-garou ne se sent jamais menacé par un oméga. On veut les câliner, les protéger. Ils peuvent nous calmer et nous dire tout haut ce que personne n'ose dire. Ils sont une bénédiction pour l'équilibre d'une meute. Mais, de la même façon qu'un garou très dominant peut imposer son autorité par la seule force de son regard, un oméga peut pousser n'importe quel autre loup-garou à le protéger au péril de sa vie.

En tant qu'invitée de la meute, tu prends une place dans notre hiérarchie. Normalement, en tant qu'humaine, tu serais avec Armand et Nathan, parmi ceux à protéger. Mais... Tu as repoussé Maurice et il n'a pas pu résister à tes ordres. C'est parce que le loup qui fait partie de lui t'a reconnu comme plus compétente que lui pour protéger Nathan. C'est... Extrêmement surprenant pour nous, mais c'est une chose que nous ne pouvons discuter. J'imagine qu'Armand a voulu savoir comment tu réagirais à son aura d'oméga... ? »

Armand hocha la tête. Pas gêné pour un sous.

« Et... ? demanda Joseph.

– Et elle a réagi comme n'importe quel garou dominant, répondit doucement Armand, me frôlant de ses yeux verts. »

Les regards de Joseph, Maurice et Armand se posèrent sur moi.

Mal à l'aise je détournai le regard et me grattai la gorge. Finalement, je décidai de porter mon attention sur Joseph et lui souris.

« Et bien... Merci pour cette explication très complète. Je ne suis pas sûre d'avoir vraiment compris la différence avec ce que je pensais savoir de vous, mais j'ai bien compris qu'il était important que je saisisse la nuance, donc je vais y réfléchir. »

Ils rirent, détendus et apparemment satisfaits. S'ensuivit un silence un peu gêné, mais fort heureusement, Victor et Marc choisirent ce moment pour nous rejoindre.

Victor porta immédiatement toute son attention sur moi. Il ne souriait pas mais n'avait pas l'air agressif. Marc avait le visage fermé. Je me tortillais un peu sur mon fauteuil, vaguement mal à l'aise.

« Bon. Vous avez bien expliqué à Myriam le fonctionnement de la meute ? »

Nous opinâmes tous.

« Alors on passe à la suite. Myriam, nous avons interrogé Nathan. Sa version correspond à ce que notre enquête vient de donner. D'après ce que nous savons tu es humaine, tes parents sont français, l'un pied-noir et l'autre d'origines provençales. Ils sont mariés, toujours ensemble et habitent dans la vallée du Rhône.

– Oui. J'ai aussi une sœur. Dis-je pour montrer que je voulais coopérer.

– Oui, Lila, 22 ans, qui fait des études de socio à Montpellier. Tu as fait des études de lettres moderne à Montpellier à l'issue desquelles tu as travaillé dans de grandes chaînes de librairie dans cette même ville. Tu t'es installée à Mende il y a trois ans, pour suivre un amoureux. L'amoureux a été éconduit mais tu es restée. Tu travailles depuis deux ans pour la bouquinerie du centre-ville, vingt-huit heures par semaines. Tu as un groupe d'amis stable. Tu n'as pas de compagnon connu, mais tu as été vue flirtant avec plusieurs personnes différentes ces douze derniers mois. Tu aimes les promenades, mais ne fais pas vraiment d'activité sportive même si, deux à trois fois par an, tu te lances dans une activité sportive à la mode durant quelques semaines. Grande lectrice, tu es aussi friande de séries et de films, principalement des romances historiques. Tu as un profil sur les principaux réseaux sociaux, d'ailleurs le hashtag de la meute est #lameutedulozere, et tu entretiens ces profils avec assiduité, sans que ce soit non plus inquiétant pour ta santé mentale. On ne te connaît d'ailleurs pas d'appartenance à des groupes sectaires ou même religieux. Tu as vu un psy pour des raisons que nous ne connaissons pas l'année où tu t'es installée en Lozère. Pas de problème de santé particulier. Rien qui explique pourquoi les loups en nous te reconnaissent comme l'une des leurs.
Explique-nous. »

J'étais ahurie. Comment pouvaient-ils avoir rassemblé tant d'informations en si peu de temps ? Et des informations si variées ? C'était totalement dingue !

« Waow, euh, bon. L'histoire du loup. »

J'essayais désespérément de me rappeler la phrase que Loup des Rêves m'avait soufflé, mais impossible de la retrouver. Je paniquais un peu et plus je paniquais plus le lien qui me reliait à Loup des Rêves s'affinait. Je pris une grande respiration et fermai les yeux.
Loup ?

« Je suis une terebro guidée par le Loup. »

Il avait parlé par ma voix, très calmement, avec cette autorité particulière qui avait mis Maurice hors de chez moi le matin même. J'ouvris précipitamment les yeux. Face à moi, Victor avait le regard perdu. Armand me regardait par en dessous et, méfiante, je ne m'attardai pas sur ses yeux d'émeraude. Maurice souriait. Joseph et Marc regardaient Maurice. Finalement, Victor aussi tourna la tête vers Maurice.

« C'est une sorte de sorcière née, reliée aux esprits de la nature. C'est... Un peu une cousine, puisqu'elle est guidée par le Loup. Mais... C'est seulement le début, non ? » Me demanda Maurice

Je n'osais plus parler, alors je lui répondis en faisant oui de la tête.

Maurice reprit à l'adresse de Victor.

« Elle dit la vérité. Et très sincèrement, elle pourrait devenir un atout pour la meute. »

Victor me regarda avec une intensité et un intérêt nouveau.

« Alors faisons un essai. Tu as réclamé Nathan, il est donc sous ta protection et nous l'acceptons. En revanche, tu es maintenant sous ma protection et donc sous la garde de la meute. Marc, est-ce que ça te convient ? »

Je dirigeais mon attention vers Marc que j'avais totalement oublié. Il était pâle mais avait l'air moins inquiet.

« Ça me convient.

– Myriam, ça te convient aussi ?

- Oui. »

Je serrais les poings de frustration. Il faudrait que je parle à Loup des Rêves de cette nouvelle manie de répondre à ma place.

Je sais négocier avec des loups. Observe et apprends, ne sois pas fâchée. J'aide.

Victor avait l'air ravi, débarrassé d'un premier poids. Il sourit franchement, d'un sourire un peu prédateur et tapa dans ses mains deux fois.

« Parfait ! Alors au travail les amis, nous avons un jeune humain à retrouver ! »

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