EDGAR A DIX-HUIT ANS ce 14 janvier 2017, soit d'après le calendrier, dans une semaine à tout casser. Cette année, Ina organise une fête surprise pour lui. Les fêtes de fin d'année sont passées et la brune a décidé de réunir les principaux amis d'Edgar dans une même salle de cours. Aujourd'hui, ils doivent faire la liste des invités et régler les derniers détails.
Julie s'occupe de la cagnotte pour les cadeaux.
— Combien t'as pour l'instant ? demande Ina en se tournant vers la meilleure amie d'Edgar.
— 200 balles. On a même gratté chez les secondes, affirme-t-elle en souriant.
Ina lève les yeux au ciel. Mais ça reste une belle somme.
— Je vous laisse vous en occuper ?
— Oui t'inquiète, on va lui offrir le plus beau cadeau commun qui puisse exister, promet Julie en faisant des clins d'œil à ses autres potes postés derrière elle.
La brune est rassurée, tout le monde a l'air confiant. De toute façon, le cadeau commun n'est pas une priorité pour Ina, elle doit d'abord trouver ce qu'elle va lui offrir personnellement, recherche qui n'est pas de tout repos.
— Pour la baraque, on fête ça où ? demande Matthéo.
— On peut demander à Pénélope de contacter les parents et la sœur d'Edgar pour avoir leur appart', propose Quentin.
Matthéo a l'air enthousiaste. De son côté, Ina écoute sans savoir quoi dire. Puis elle avoue calmement :
— Je leur ai déjà demandé, et son père m'a dit OK pour la soirée, mais qu'ils veulent rentrer dormir quand même.
Julie se retourne, surprise.
— Oh, bah c'est top ça ! Un autre problème de réglé !
Le truc, c'est que penser à Pénélope plutôt qu'Ina pour contacter les parents de son petit-copain, ça l'a vexée. Alors elle se permet de jeter un regard plus froid sur les deux garçons. Les trois meilleurs amis de longue date d'Edgar se rendent vide compte du changement d'atmosphère et se fixent indiscrètement.
— Pour les invités, on va faire un groupe whatsapp. Ce qu'on te propose, c'est que t'ajoutes les potes qu'il aime bien dans ta bande, puis on ajoutera les nôtres. Trente personnes max, et encore c'est pas mal.
Ina acquiesce. L'idée est bonne. La réunion se termine rapidement et Ina s'apprête à partir quand Julie l'arrête à la sortie.
— Je peux te parler en privé ?
La brune hoche la tête de haut en bas et la suit à l'intérieur de la salle, à nouveau.
— Ça te dérange si on invite Pénélope ? Je comprends que ça puisse te déranger, c'est juste que les garçons ont sorti son nom sans pression et je sais que c'est un sujet tendu entre vous.
Ina observe alors les yeux compatissants de Julie. C'est sûrement la confidente d'Edgar. Que sait-elle d'eux ? Possède-t-elle des détails qu'Ina ne connaît pas sur leur relation ?
— Hm... je vais pas l'interdire de venir, remarque Ina, et puis ce serait gamin.
Julie lui décoche un sourire compréhensif.
— T'es sûre ? Parce que c'est toi qui organise la soirée donc fais ce que tu veux vraiment.
— On sera au moins trente, alors une personne en plus ou en moins, pas de soucis.
— OK, bah parfait !
Ina réfléchit un instant et prend une initiative qu'elle n'aurait jamais prise auparavant. Mais, comme par fierté, elle veut prouver qu'elle est sérieuse et qu'elle peut dépasser les idées préconçues de Julie ; de ce fait, elle propose :
— Je peux l'inviter en vrai. Fin, là tout à l'heure, je pense que je vais aller la voir pour lui parler de la fête.
La meilleure amie d'Edgar, surprise, acquiesce.
— Bah je te laisse faire. Te fais pas écraser par Péné', elle a l'air peste au premier abord mais tu vas voir, elle est adorable au fond.
Ina ne préfère pas savoir que l'ex d'Edgar est « adorable » — d'ailleurs elle s'en fiche un peu beaucoup — mais est motivée par sa décision.
Là, tout de suite, elle est gonflée d'un courage nouveau. Parce qu'elle est réellement décidée à l'inviter.
***
— SALUT, lance Ina à Pénélope lorsqu'elle la croise dans un couloir.
La Terminale s'arrête et la toise. Ses yeux émeraude luisent d'une manière singulière et Ina ne peut s'empêcher de se trouver petite face à elle. Elle l'intimide un peu par sa beauté.
— Je peux t'aider ? demande-t-elle en fronçant les sourcils.
Celle-ci est légèrement plus froide qu'Ina l'aurait cru. En fait, elle a juste l'air blasée de tout, très peu accueillante mais possède un charisme hors normes.
— Hm... est-ce que t'es libre ce samedi soir ?
Sa question est maladroite. Elle a l'impression de l'inviter à sortir avec elle.
— Oh non, j'ai l'anniv' d'un pote à fêter. Pourquoi, vous faîtes une soirée les premières ? interroge Pénélope sans comprendre.
Ina, surprise, ne sait pas quoi répondre. Elle parle d'Edgar devant elle, sans la reconnaître.
— Oh, c'est juste qu'avec les potes d'Edgar on organise sa soirée d'anniv surprise et que..., explique Ina pour la mettre sur la bonne piste.
— Ah oui, c'est vrai, t'es sa petite-amie, se rappelle-t-elle soudain, en reconnaissant enfin la brune.
Le silence est tellement gênant qu'Ina aimerait juste fuir. Quelle idée aussi de vouloir affronter Pénélope de front. Alors c'est elle qui est sortie deux ans et demi avec lui ? Qui l'a trompé ? Qui lui a brisé le cœur et refusé une seconde chance ?
— Matthéo et Quentin m'ont déjà ajoutée sur la conv' donc normalement c'est bon. Je te laisse, j'ai encore cours, informe-t-elle en partant.
Ina n'en revient pas. Pénélope est tellement désagréable avec elle que ça la révolte. Même Ina n'est pas aussi froide que ça.
La brune repart vers sa classe, se sentant humiliée et oubliée. Donc c'est ça, être la petite-amie d'Edgar pour eux ? Ina a juste le rôle d'accessoire, de figurant aux yeux du monde, comme la fille de trop qu'on peut oublier. Matthéo et Quentin ont l'air de bien le penser. Aussi, elle n'en revient pas que certaines secondes à fond sur son copain ont bien voulu payer pour le cadeau du jeune homme, sans le connaître. Et puis, découvrir que cette ex qui lui empoisonne la vie ne sait même pas qu'elle existe lui noue le ventre.
Dehors, elle appelle Ingrid. Elle s'en fiche des examens de sa sœur, là tout de suite, elle a juste besoin de se confier à quelqu'un qui la soutiendra quoi qu'il arrive.
***
LA SURPRISE EST TOTALE. Edgar est comme cloué sur place, face à tout ce tas de monde dans le salon. Il rentre des courses alors que ses parents l'ont envoyé acheter des pommes de terre pour le dîner.
— Surprise ! crie le monde en folie.
Le jeune homme est totalement ahuri. Il fixe les invités un par un avant de croiser le regard de sa petite-amie. Ina est au centre, légèrement en retrait face aux meilleurs amis du garçon aux cheveux de jais.
— Reybaud t'es le plus beau ! crie Théodore en totale impro'.
Il rit. Et Ina a envie de rire avec lui mais est devancée par le reste du monde. Leurs regards restent attachés et Ina a juste envie de le voir en tête à tête, là tout de suite pour l'avoir en exclusivité.
— Putain vous êtes des malades, des gros malades, où sont mes parents ?
— Partis avec ta sœur pour faire un tour, informe Julie.
Edgar, ému, lâche son sac de pommes de terre au sol.
— Merci putain.
— De rien mon vieux.
Tout le monde lui souhaite joyeux anniversaire individuellement pendant qu'Ina allume les enceintes et bougies. Elle est légèrement nerveuse, surtout après tout le stress cumulé dans la semaine. Ina observe autour d'elle puis repère son petit-ami, qui la repère aussi.
« Viens ».
C'est ce qu'elle lit dans ses yeux. Mais elle ne vient pas. Peut-être parce que le voir entouré de tout ce monde l'intimide. Edgar est entouré de ses meilleurs amis, et Ina n'a jamais essayé ou fourni l'effort d'apprendre à les connaître.
— C'est elle qui a tout organisé ! annonce Julie en hurlant.
La foule de monde se tourne vers elle. Ina sent ses joues rougir. Et puis, elle croise plusieurs regards différents. Un vide de l'ex. Un chaleureux de la meilleure amie. Et un tendre de lui.
— Hey.
C'est Edgar qui est venu vers elle finalement. Les deux s'éclipsent dans sa chambre, le temps de se retrouver un court instant.
— Joyeux anniversaire ! répète Ina en baissant les yeux.
Edgar pose sa main sur sa taille, la rapproche de lui et dépose une pluie de baisers dans son cou.
— T'es incroyable.
— Oh tu sais, c'est juste une soirée, lui rappelle-t-elle.
— Et modeste en plus ! ajoute Edgar en souriant.
Il a l'air profondément touché et ça la touche encore plus. Ça fait un an qu'ils sont ensemble désormais. Et rien ni personne ne pourra jamais décrire ce qu'elle ressent pour lui à cet instant précis.
— Ina...
— T'es content ?
Edgar décoche un sourire rayonnant qui pourrait faire briller les yeux de n'importe qui.
— Absolument.
— T'as dix-huit piges, remarque-t-elle simplement.
— Ouais, et je les fête avec toi et les autres, c'est vachement pas mal comme cadeau.
Ina, elle, essaye de cacher son sourire grandissant. Elle a chaud ici. Et tout lui paraît si pétillant de bonheur que ça l'affaiblit mentalement.
— J'ai un cadeau pour toi.
De son sac posé dans la chambre, elle sort le paquet enroulé de rubans. Elle a fait l'emballage elle-même, comme pour se motiver à tout faire à la main.
— C'est...
— Oui, un projecteur d'étoiles. Tu m'as dit un jour que, petit, tu rêvais d'être astronaute. Moi les étoiles et l'univers ça m'effraie. Toi ça t'attire. Alors je voulais t'offrir un cadeau rien que pour toi, comme toi tu m'as acheté cet attrape-rêves l'année dernière rien que pour moi.
Ces explications sortent si naturellement de sa bouche. C'est tellement agréable d'être avec une personne avec qui on peut tout dire, tout avouer et tout vivre. C'est tellement doux et marquant que ça la touche particulièrement.
Elle le trouve tellement beau, intérieurement et extérieurement. Parfois, elle se demande pourquoi est-ce qu'il l'a choisie elle, parmi toutes les autres. Et puis, c'est dingue ce qu'elle ressent à ses côtés. Comme si être spéciale à ses yeux pouvait tout illuminer.
Edgar assemble rapidement le tout et branche l'objet à la prise secteur. Il éteint la lumière et allume la veilleuse. Les points de lumière s'éparpillent dans chaque coin de la pièce. C'est peut-être l'instant le plus romantique et personnel que la brune ait vécu de sa vie.
— Eh Ina...
Il l'attire soudainement dans ses bras. Son souffle se perd. Les deux tombent sur le lit. Elle entend leurs cœurs battre. C'est comme une douce symphonie.
— Je suis amoureux de toi.
De sa bouche, ce sont les mots les plus tendres qu'elle ait jamais entendus.
— Moi aussi.
Un autre. Encore. Des « moi aussi » par infini. C'est peut-être ce qu'elle aimerait. Ina ne sait pas comment interpréter le bonheur de ce présent parfait. Il l'embrasse. C'est parfait. Vraiment.
— C'est l'un des plus beaux moments de ma vie, murmure-t-elle sincèrement.
— Moi aussi.
Ils s'embrassent encore un peu, s'échangent des caresses délicates avant de repartir vers le salon où tout le monde fait la fête. Dehors, quand elle croise Théodore qui boit sa bière avec Florence, elle sent ses larmes monter.
— Pourquoi tu pleures ? demande Flo' l'air inquiète.
— Je pleure pas, affirme Ina.
C'est bizarre d'être aussi sensible à cause de quelqu'un, de réveiller autant de sens et répondre à autant de secrets de l'univers à la fois, en un claquement de doigts.
— J'ai envie d'être amoureuse moi aussi, avoue Florence un peu bourrée.
Théo', toujours aussi défoncé en soirée, affirme le contraire.
— T'as pas envie d'être amoureuse chérie.
— M'appelle pas chérie !
— Flo' t'es ma chérie, assure le brun en forçant un câlin à la rousse.
Ina éclate de rire et de sanglots en même temps, sans pouvoir se retenir.
— Hé... qu'est-ce qui se passe ? demande Mathilde en arrivant.
Tout le monde est là sauf Mél'. La bande n'est pas au complet mais Ina n'arrive pas à expliquer ce qu'elle ressent.
— On peut aller dehors, propose Math' en emmenant Ina souffler un peu.
Dans la nuit, les étoiles paraissent beaucoup moins luisantes que dans la chambre. Ce sont les vraies étoiles, celles dont les lumières peuvent traverser le vide et faire flamboyer le ciel même quand il ne reste plus que des poussières de celles-ci. C'est ce que ressent un peu Ina tout de suite, entre le bonheur et le chaos, tout se complique.
— Quelque chose ne va pas ? T'organises une bonne fête Ina, conseil d'amie : fais plus de soirées, affirme Mathilde pour la réconforter.
Elle est gentille aujourd'hui. Ina bredouille :
— Je crois que... c'est parce que j'ai peur maintenant.
Mathilde n'a pas l'air de comprendre.
— C'est juste que... j'ai jamais vécu ça. Un moment tellement parfait que je le veux faire durer indéfiniment. Et là que c'est fini, j'ai peur, parce que... j'ai jamais été aussi amoureuse de quelqu'un de ma vie et j'ai des élans de mélancolie.
La blonde lui caresse les cheveux.
— C'est le stress de tous ces mois-ci. Et les trucs avec mon père et ma famille. Et je sais que t'es pas au courant. Mais... l'amour je sais que ça fait du mal, beaucoup, à moi du passé, à Edgar d'avant, aux autres, à mes amis, à ma mère, à ma sœur ou même la pouffe de mon père. Et... je sais pas, j'ai pas envie que ça me fasse du mal parce que je me dis que je suis arrivée à un chapitre où je peux pas m'arrêter de l'aimer. Et je suis tellement heureuse et apeurée de l'avoir rencontré en même temps. Parce que... je sais pas... je suis comme ça. Et que plus je l'aime, plus j'ai peur de le perdre, je crois. Et je comprends pas pourquoi je suis triste maintenant alors que y a deux minutes, j'étais trop heureuse et en forme. Putain, je me soûle.
— Faut pas avoir peur Ina, faut profiter. Faut pas te morfondre quand t'es heureuse, ça sert à rien. Tu vas te fatiguer pour rien.
— Je sais...
Ina a arrêté de pleurer. Elle n'aime pas trop ça, les larmes. Souvent, elle se laisse aller que quand elle est toute seule. Peut-être qu'elle aurait voulu avoir Mél', sa sœur ou Issa auprès d'elle là tout de suite, mais Mathilde la réconforte sans peine.
— Oh la la Ina, j'ai pas l'habitude d'être gentille moi.
La brune éclate de rire.
— Merci Mathilde.
Ça lui suffit. Un moment pour accepter qu'Ina a le droit d'aimer et qu'avoir peur, c'est humain mais qu'elle n'en a pas besoin pour vivre pleinement chaque instant.
nda: je l'affirme haut et fort: j'aime ce chapitre, j'aime ces persos et j'aime ce bouquin <3 ça fait du bien d'aimer ce qu'on écrit parfois c: c'est pas hautain ou quoi, alors si vous aimez écrire, écrivez, parce que wah le réconfort que ça crée, c'est woah woah woah <333