Les minutes s'écoulent et aucun de nous deux ne prend la parole. Nous restons ainsi un temps inconsidéré que l'atmosphère en devient pesant. Je sais qu'il a ses yeux rivés sur moi, je le sens, malgré mon regard qui lui ne quitte pas le sol. Ma poitrine se compresse en moi, je me sens défaillir mais avant que l'évanouissement fasse son apparition, j'inspire une grande bouffée d'oxygène, ce qui me revitalise instantanément. Je suis toujours stressée par sa présence et mon cœur me le fait savoir en pulsant d'énormes coups dans mon organisme mais je finis par me concentrer et tente de prononcer quelque chose, sans succès !
— Je suis désolé ! interrompt-il le silence finalement et se lance dans un monologue sans fin. Je ne voulais pas te mentir, du moins je voulais te l'apprendre bien plus tôt mais les situations n'ont pas été très en ma faveur ! Et toi pas très coopérante non plus !... Je ne veux pas te jeter la pierre, ne t'énerves pas ! tente t-il de me calmer en voyant certainement mon visage se contracter. Je suis conscient que je suis le seul coupable dans cette affaire mais pour ma défense, j'ai essayé à plusieurs reprises de te l'avouer... Bon ! On ne peut pas revenir en arrière, je sais ! Mais je veux que tu saches que rien a été prémédité. Je suis tombé amoureux de toi à la minute où je t'ai vu. Même si au début je me suis dit, méfies toi d'elle ! Mon cœur lui battait la chamade dès que je t'apercevais. Mariana, je t'aime comme jamais je n'ai aimé quiconque. Je sais, j'ai mal agit mais je suis prêt à faire tout ce que tu veux pour me racheter auprès de toi !
Qu'est ce que je fais maintenant ? Je suis carrément sous le charme. Combien de mecs vous ont dit de tels trucs ? Pour moi, c'est le premier ! Et je suis littéralement dans la merde ! Mon cœur me souffle, pardonne lui et ma tête insiste sur le fait qu'il n'est pas fait pour moi, que ma vie avec lui va être un enfer !
Que dois-je faire ?
— Je ne veux pas de ce boulot ! je tente.
Il a bien dit qu'il ferait n'importe quoi pour moi... Donc j'espère qu'il dit vrai ! Mais au fond de moi, je ne sais toujours pas pourquoi, je ne suis pas persuadée que c'est bien ce que je veux moi non plus... Je sais, je suis une tarée !
— Gil me l'a dit ! Mais je ne peux pas accéder à ta requête.
— Pourquoi ?
— Mariana ? Je t'aime ! Tu peux comprendre... il s'arrête dans son élan ce qui m'énerve au plus haut point.
Son amour il peut se le foutre où il veut ! Malgré mes doutes, je veux un autre travail que celui-ci ! Et si il ne me l'offre pas alors il peut aller voir ailleurs si j'y suis ! Traitez moi de folle à lier si ça vous chante et vous aurez certainement raison mais je veux qu'il cède à mes désirs... Pourquoi ? Je n'en ai pas la moindre idée !
— Mets toi un peu à ma place ? continue t-il son speech. Tu peux me demander tout ce que tu veux mais pas te mettre à un poste de subalterne, tu vaux mieux que ça !
Alors il est là, le problème ! Il ne veut pas que j'effectue des tâches ingrates. Mais qu'est ce que ça peut lui foutre à lui, si c'est ce que j'ai envie de faire !
— Mariana ! Tu es une femme intelligente, je ne comprends pas pourquoi tu veux faire ce métier. Tu as toutes les capacités pour faire le job de tes rêves alors pourquoi t'enfermer ici, dans un emploi qui ne t'apportera pas ce dont tu recherches.
— Et qu'est ce que je cherche selon toi ?
— Une vie d'aventure et de défis ! Tu n'es pas quelqu'un à rester derrière un bureau et encore moins nettoyer la saleté des autres. Non ! Toi, tu es une rêveuse qui songe à un monde meilleur... Tes livres en parlent merveilleusement bien ! Tu n'as jamais songé à écrire des romans d'aventures ? Je crois que cet univers te correspondrait à souhait.
— Non ! Et je ne compte pas m'y mettre un jour ! je m'énerve contre lui.
Car tout ce qu'il a dit est vrai et ça me saoule qu'il lise en moi comme dans un livre ouvert, alors que moi je n'arrive toujours pas à le cerner...
— Ce n'était qu'une idée ma belle ! Et le poste que la fondation te proposait, il ne te plaisait plus ?
C'était le travail de mes rêves ! J'aurais pu voyager tout en travaillant, le top ! Mais quand j'ai appris qui il était vraiment et que ce poste était dans sa fondation. J'ai perdu les pédales et j'ai refusé d'aller à ce rendez-vous, que je savais déjà acquit d'avance. Aujourd'hui, je le regrette amèrement ! Ne voulant pas qu'on me traite de pistonnée j'ai loupé une occasion en or de faire ce que j'aimais.
— Je n'avais pas la tête pour ce genre de rendez-vous ! je mens.
Et en le faisant je m'aperçois que moi aussi je lui ai menti à plusieurs reprises, c'était beaucoup moins grave que son mensonge mais ça ne s'avère pas moins une tromperie. De la pure hypocrisie !
— Dis plutôt que tu ne voulais pas être mon employée ?
— Non ! Ce n'est pas ça ! je m'irrite encore contre lui.
Si c'était vraiment le cas je ne serais plus là dans ce bureau en train d'espérer qu'il me donne un autre emploi... Non ! Il dit vrai ! Je devrais arrêter de me trouver des excuses.
— Ok ! T'énerves pas ! Oui, je suis bête, tu travailles déjà pour moi. Je me suis pourtant demandé si tu allais vraiment revenir après ta fuite vers l'Inde...
— Je n'ai pas fuit !
— Alors comment appelles tu le faite de partir sans dire un mot ?
— Je ne voulais plus te voir !
Son visage se décompose instantanément et mon cœur se désagrège à la vision du tourment que je viens de lui causer puis la seconde d'après il prend sur lui et me demande :
— Et tu as changé d'avis ?
— Il faut bien gagner sa vie !
C'est vrai non ? Il pensait que j'étais revenu pour ses beaux yeux peut-être... et c'est peut-être le cas... Je sais, je suis tellement contradictoire ces temps-ci. C'est car je ne sais pas ce que je veux, voilà tout !
— Tu aurais pu prendre le temps de trouver un emploi qui te plaît ?
— Pour ça il faut avoir les moyens. Comment j'aurais fait pour payer mes charges et mon loyer ?
— Ne me dis pas que tu as déjà tout dépensé ton pactole gagné au Casino ?
— Si ! Il ne doit plus me rester grand chose...
Mais pourquoi je lui dis tout ça ? Ça ne le regarde pas ! C'est ma vie et mon argent, j'en fais ce que je veux !
— Mais ça, c'est mon problème ! je m'excite. Est ce que tu veux bien me donner le travail pour lequel je sais que je suis douée ou pas ?
— Non !
— Alors il ne me reste plus qu'à te donner ma démission ! les mots sortent de ma bouche sans que je puisse contrôler quoique ce soit.
A croire que je n'attendais que ça ! Une raison valable pour tout quitter !
— Si c'est ce que tu veux ?
— Non ! Mais tu ne m'en laisses pas le choix !
— On a toujours le choix !
— Pas avec toi apparemment !
— Tu te trompes ! Je ne suis pas le méchant ici. Je ne veux que ton bien !
— Vraiment ? Tu as une drôle de façon de me le montrer !
— Vu que ce job ne te plaît pas ! Tu n'as plus rien qui te retient ici ?
Où veut-il en venir ?
— Tu pourrais m'accompagner au Brésil ?
Il a perdu la tête ? Je ne veux pas de lui, comment je dois lui dire ? C'est fini ! Je crie dans ma tête tentant de me convaincre.
— Non !
— Pourquoi ?
— Car il n'y a plus de toi et moi !
— Seulement si tu ne le veux pas !
Il veut ma mort ou quoi ? Je ne peux pas ! En quelle langue je dois lui dire ?
— Gil ! Merde ! Julio ! je crie plus fort que je le pensais, car les gens qui traversent le couloir se retournent et me scrutent d'un air de mécontentement dont Bastien qui ne se fait pas prier et entre dans mon bureau sans y être invité.
— Tout va bien ?
— Non ! je hurle de plus belle. Rien ne va ! Vous les mecs vous vous croyez tout permis, c'est affolant ! Il faut vraiment redescendre de votre petit nuage ! et sans réfléchir je sors : Je te donne ma démission !
Je range mes affaires dans mon sac tandis que les deux abrutis me regardent sans dire un mot. Ils sont vraiment débiles !
— Tu devrais y réfléchir ma belle ? me propose mon colocataire.
— C'est tout vu ! Je n'ai à rien à faire dans ce bureau et monsieur le millionnaire ne veut pas me donner un autre poste ! A moins que tu veuilles le désobéir ?
Madeira jette un regard noir à mon ami de peur qu'il se décide à m'offrir ce que lui me refuse...
— Mariana, pourquoi tu t'entêtes à vouloir un poste de dernière classe alors que tu as le profil pour travailler en première...
— Qui t'a dit une connerie pareille ?
Il regarde mon ex et celui-ci lève la main.
Bien sûr ! Ça ne pouvait venir que de lui.
— Saches que ton supérieur a tout faux ! J'ai beau avoir un diplôme, je n'ai pas pour autant les capacités pour exercer ce métier. Trouves toi une autre personne ! Mais si j'étais toi, je ne chercherais pas très loin...
— Fais comme tu veux ! Mais il faudra pas venir pleurer ensuite !
— Non ! Ne t'inquiètes pas ! Quant à vous Madeira, oubliez moi !
Ses mots résonnent dans ma tête, j'ai l'impression que quelque chose s'est brisée en moi...
— Jamais ! prononce t-il après un long silence. Et on a pas fini notre conversation !
— Si ! je lui annonce en me faufilant vers la sortie.
— Non ! se lève t-il d'un bond et me rattrape. Mariana ! Que tu veuilles ou non, tu finiras par me dire oui !
Tous les yeux du personnel de l'hôtel présents sont rivés sur nous. Ne voulant pas attiser les regards plus longtemps je me contente de rétorquer de la plus belle manière qu'il soit.
— Il n'est pas interdit de rêver !
J'ouvre la porte en lui jetant les clés des lieux sans le regarder dans les yeux. Car si je le fait je sais que je ne pourrais plus le quitter. J'ai beau tout faire pour ne pas l'aimer mais c'est impossible ! Mon cœur est à lui ! Mais pour combien de temps...
Une fois que la porte se refermera derrière moi, j'en aurais terminé avec Madeira et ce boulot de gouvernante. Clac !
Je me sens enfin libre, soulagée mais triste et en colère à la fois. Comment peut-on ressentir autant de sentiments contradictoires ?