L'Arme du Roi (Le Grand Royau...

By Csfantasy

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Le Roi est mort ! Vive le Roi ! Du moins, c'était ce qu'aurait espéré pouvoir dire Sixtine. Prisonnière du Ro... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
...
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Tome 3 bis
Tome 3 bis UPDATE

Chapitre 32

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By Csfantasy

Le cerf se cabra et le Traître et moi échouâmes à terre. Mon dos heurta le sol avec violence et je vis des étoiles. Le Traître se releva rapidement, tira sur mon bras pour que je fasse de même. Je titubai derrière lui, tentant de reprendre mes esprits.

- Allez ! Secoue-toi !

Il accéléra, m'obligeant à le suivre. Je courbai les épaules alors qu'une flèche passaient entre nous. Le Traître me poussa droit dans un fossé. Je me retrouvai tête première dans l'eau croupie. Je recrachai ce qui était entré dans ma bouche.

- Reste accroupie. Ils ne peuvent pas nous voir d'ici.

Il disait vrai. Les longues branches tombantes d'un peuplier nous gardaient hors de vue des archers si l'on restait sans bouger.

- Ils doivent nous prendre pour des éclaireurs pour le reste de l'armée ou je ne sais quoi, soupirai-je. Ils veulent sûrement empêcher les Faes sur place d'avoir le moindre renfort.

- J'aurais tendance à penser que tu as raison et j'ajouterais même que le village a été pris. J'ignore comment, mais ce village n'est plus Fae et je serais prêt à parier ma liberté là-dessus.

Lux aurait-elle réussi à pousser son armée à conquérir une partie de la Faerie, aussi infime soit-elle ? Pour ce que je me souvenais de cette femme changeante, aux deux visages si diamétralement opposés, cela me paraissait impensable. Si elle avait réussi à obtenir ce village, ce n'était sûrement pas grâce à ses ordres mais à travers ses généraux.

- Par où allons-nous passer ? Ils sont partout en haut du mur, ils vont continuer à nous tirer dessus !

- C'est toi, la guerrière, jeune Aderleen ! Je suis un homme de Cour et un paria, moi !

Je roulai des yeux.

- Vous avez plus de quatre cents ans et vous vous en remettez à une gamine de vingt ans ?

- Je n'ai pas le choix et ça ne me plaît pas plus qu'à toi ! Le combat en face à face, je peux faire. Ça – il désigna l'espace vide devant nous, le mur, les archers – je ne sais pas faire ! Peu importent les années accumulées si l'on a jamais été sur le terrain, ma jolie.

Parfait ! En plus d'une légion d'archers, j'avais un poids mort à traîner. Quoi que s'il se faisait percer d'une flèche... Je n'allais pas m'arrêter pour lui.

- Toujours utile à savoir, grogna-t-il.

- Ne tentez pas de me faire croire que ça vous étonne.

- C'est sûrement le pire : ça ne m'étonne pas.

Je bougeai pour m'approcher de l'ouverture tout en m'arrangeant pour rester hors de portée des flèches. Ma colonne vertébrale hurlait de rester penchée après le choc qu'elle venait de subir. Je serrai les dents, cherchant un moyen d'avancer, de retrouver les autres sans finir embrochée. Passer par le village était impensable. C'était là qu'ils étaient concentrés. Donc, il fallait le contourner. Nonobstant, je doutais que Naseok et Ryker aient décidé de contourner le village. Ils en reviendraient au même point. L'armée humaine ne les laisserait pas approcher sans essayer de les tuer.

Ils devaient être passés ailleurs. Peut-être même avaient-ils fait demi-tour pour faire un arc suffisamment large pour éviter toute cette partie dégagée et les archers qui la surveillaient. C'était sûrement la seule option. Nous allions devoir faire demi-tour. Cette perspective me laissait frustrée et agacée. Nous étions si proches ! Si proches et, pourtant, il allait falloir que je revienne sur mes pas, que je retourne en arrière.

Je me résignai. Je n'avais pas le choix. Si je voulais retrouver Ryker et Addy, je devais rester en un seul morceau et, pour ça, je devais faire demi-tour, tout contourner, supporter de nouvelles longues heures de voyage.

- Allons-y avant qu'ils n'envoient quelqu'un, me dit le Traître, une main sur mon épaule. Nous sommes trop repérables, même ici.

Il me fallait admettre qu'il avait raison. Nous étions deux tâches noires surmontées d'un halo blanc dans le paysage. On pouvait faire plus discret, même lorsque le temps était si couvert.

- Qu'est-ce que tu choisis de faire, alors ? On passe par là ou on contourne ?

- On contourne. C'est ce qu'ils ont dû faire. Ils n'auront pas eu le choix.

Pas avec Miach sur les bras. Je doutais que son état se soit amélioré depuis la dernière fois que je l'avais vu. J'espérais qu'il soit encore en vie. Au moins pour Naseok. Je n'osais imaginer ce qu'il ressentirait si le Demi-Sang venait à mourir.

Courbée, je piétinai dans la vase et l'eau glacée pour remonter le fossé. J'entendais le Traître me suivre. Je ne tardai pas à remonter la pente, revenant sur la terre ferme. Je regardai vers le village. Je cessai d'avancer, perturbée. Depuis le temps, la forme de cavaliers venus à notre recherche aurait dû se dessiner. Or, rien ne se profilait. Pas même un soldat solitaire.

- Allez, viens ! Qu'est-ce que tu attends ?

- Personne ne vient. Ils n'envoient personne pour nous chasser.

- Et alors ? Filons ! C'est une aubaine !

- Je ne dirais pas cela comme ça... Quelque chose cloche...

- On s'en moque. Avance !

Je me résignai à reprendre la route, non sans continuer de regarder derrière mon épaule à intervalles réguliers.

Ce détour nous prit des heures de jours que j'aurais préféré ne pas perdre si près de la frontière. Si près du but. Si près de Ryker. Étrangement – et heureusement –, le Traître ne pipa mot si ce n'était pour me désigner quelque chose de dangereux ou pour me demander une précision.

Alors que le soleil commençait à amorcer sa descente, je découvris des empreintes dans le sol. Plusieurs paires de chaussures, deux similaires, une petite, une immense. C'était eux. Je n'avais pas le moindre doute.

Je me sentis accélérer le pas. Ils étaient si près ! Et, cette fois, j'en avais la preuve ! Mon analyse avait été juste et j'étais sur leurs traces ! Je les talonnais !

La petite lueur de leur feu de camp se présenta comme une étoile rougeoyante dans la nuit. Le soleil s'était couché, les dernières lueurs de son rayonnement projetant de faibles couleurs dans le ciel, la plupart couvertes par d'épais nuages roulants et chargés d'éclairs et de pluie. Je me mis à courir, mes bottes frappant le sol, éclatant les flaques. Je vis l'énorme silhouette de Ghur se lever. Et se rasseoir. D'autres silhouettes se dressèrent dans le halo du feu.

Je percutai Naseok de plein fouet. Ses bras se refermèrent pour me retenir. Il tira sur mes cheveux pour me forcer à le regarder.

- Le géant avait raison ! se récria-t-il. C'est Sixtine !

Ghur émit un grognement vexé qui fut noyé par l'exclamation de Addy qui vint me sauter dans les bras. Je la serrai, arrêtant de respirer lorsque son odeur forte de sueur, de crasse et de vase me heurta de plein fouet. Je devais sentir tout aussi mauvais mais, bon sang, je n'aurais pas cru que ça serait aussi terrible !

- Et le Chasseur ? Comment... ? demanda Naseok.

- C'est une très, très longue histoire, soufflai-je.

- Et lui ? C'est qui ?

La voix de Ryker me rappela que j'étais suivie. Je me détachai de la jeune princesse pour me tourner vers le Seelie qui avançait.

- C'est le Traître.

Ghur bondit sur ses pieds mais je posai une main sur sa poitrine.

- Il m'a aidée. En quelque sorte.

- Tu veux dire que je t'ai sauvée !

- Je n'allais pas mourir d'un poignet cassé. Et si vous ne m'aviez pas forcée à aller voir l'Ancienne, je n'aurais pas finie brûlée. Donc, non, vous ne m'avez pas sauvée.

- Et avec la Bête ?

- D'accord, ce coup-là, c'est vrai que vous m'avez sauvé la vie. Voilà. Content ?

- Plutôt.

Je regardai vers Naseok lorsqu'il tourna les talons pour s'éloigner le plus possible du Seelie. Je ne savais pas ce qu'il s'était passé entre eux mais ça ne devait pas être joli.

Addy me tira pour que j'aille m'asseoir avec elle près du feu. Ils avaient chassé et récupéré deux volailles plutôt petites mais qui suffiraient à donner un peu de chaleur à nos estomacs. Ni eux ni moi n'abordâmes le sujet de nos voyages. Nous étions tous épuisés et simplement heureux de nous retrouver. Ryker m'avait même offert l'un des derniers morceaux de pain qu'ils avaient dans leurs réserves. Il était dur et rassis mais je le mangeais comme s'il venait de sortir du four.

Addy fut la première à s'allonger pour dormir. Ghur s'installa à ses côtés et forma un mur entre elle et l'extérieur du camp. Ryker resta au même endroit, surveillant du coin de l'œil jusqu'à ce qu'il s'endorme aussi.

- Ce n'est pas que je ne me plais pas avec vous mais je vais dormir aussi un peu, lança le Traître en s'installant sous un arbre, quelque peu à l'écart.

Personne ne prit la peine de lui répondre. Naseok jeta un caillou dans le feu, créant une envolée d'étincelles. Il avait été étrangement silencieux et je savais pourquoi. Je l'avais tout de suite remarqué mais je n'avais pas osé poser la question.

- Est-ce que ça va ? lui demandai-je tout bas.

- Tu veux une réponse honnête ou une façade ?

Il s'allongea sur le dos et regarda le toit de verdure sous lequel nous nous tenions. La clairière était petite, nous permettant tous de nous allonger pour nous reposer, les arbres formant les barreaux serrés d'une cage naturelle. Cela aidait à garder un peu plus de chaleur du feu.

- Une réponse honnête.

- Tu as remarqué son absence, je le sais.

- Que lui est-il arrivé ?

- Il est mort. Ses blessures... Elles étaient trop graves. Nous n'étions plus qu'à quelques kilomètres de Wringden. J'aurais été voir l'Ancienne pour lui obtenir un remède. Peu importe le prix, je l'aurais payé. Mais... Il n'a pas su tenir plus longtemps. J'ai dû le laisser partir dans le premier bras d'eau que j'ai vu. Je n'ai même pas pu lui offrir une sépulture ou quoi que ce soit. Il est mort et dans les heures qui ont suivies, il était en train de flotter au milieu de nulle part, perdu à jamais.

- Je suis désolée...

Son chagrin me bouleversait tant il était profond, vif et sincère. Naseok souffrait énormément et il avait dû faire front devant les autres sans rien dire. J'étais la seule qui avait deviné ce qu'il y avait entre lui et Miach. Les autres s'en moquaient. Ils ne voyaient que leur survie et la protection que leur apportait le Unseelie. Ses sentiments... Ils n'avaient pas d'importance à leurs yeux. Ils n'avaient pas cherché à comprendre ce que j'avais décelé très vite.

- Merci. Je sais que tu es sincère. Même si tu ne m'apprécies pas ou ne me fais pas confiance, je sais que tu ne dis pas ça pour la forme.

- Si je n'étais pas sincère, je n'aurais déjà pas posé la question à l'origine.

Un sourire léger, triste et fugitif étira ses lèvres pendant quelques secondes avant que ses traits ne se relâchent, redevenant un masque de chagrin et de deuil. Il enfouit ses doigts dans sa chevelure de nuit et de sang, plus longue que dans mon souvenir, et soupira.

- Je pensais que j'allais enfin avoir du répit. Nous sommes presque de l'autre côté de la frontière. Encore une journée ou deux et nous y serons. Mais il a fallu qu'il débarque. Qu'il me retrouve.

- Qui ça ? Le Traître ? Il m'a dit qu'il te cherchait mais je n'ai pas réussi à savoir pourquoi même si c'est l'un des pires bavards que j'ai jamais rencontré.

Naseok roula sur le flanc pour me regarder. Il tapota le sol à côté de lui et je m'allongeai, posant ma tête sur mon bras, lui faisant face, accueillant la chaleur des flammes droit sur mon visage.

- Le Traître... C'est mon père.

- Pardon ? Tu te moques de moi, là !

Il mit un doigt sur ses lèvres et je grimaçai. Par chance, personne ne semblait s'être réveillé. Il agita ses doigts et de petites créatures de feu se mirent à jouer sur le sol entre lui et moi, émettant une douce chaleur et jetant de nouvelles ombres sur son visage noirci par la barbe.

- C'est une assez longue histoire mais, globalement, il s'est fait ma mère pendant quelques temps, pendant qu'il « travaillait » et puis, il est reparti. Il savait qu'elle était enceinte mais il s'en fichait. Ce n'était peut-être pas si mal puisque, peu de temps après, il était accusé de trahison et enfermé dans la Maison de la Honte. Le problème, c'était que tout le monde savait que j'étais le fils du Traître là où ma mère et moi vivions. Et nous ne pouvions même pas déménager puisque ma mère ne se faisait pas assez pour ça. Toute mon enfance, j'ai été harcelé, maudit, repoussé à cause de mes parents. Une pute et le Traître. Un enfant avec de tels parents ne pouvait pas être bon. Je crois que j'ai tout entendu. Des menaces de mort aux conseils de suicide... Tout y est passé. J'ai arrêté de compter combien de fois les gens du village ont essayé de me tuer.

- C'est horrible...

- Comme tu dis. Et voilà qu'il revient, comme ça, d'un coup, dans ma vie alors que je commence à m'en sortir, que je suis à deux doigts d'atteindre le Grand Royaume et de pouvoir devenir quelqu'un de banal, de normal ? Je ne sais pas si je saurais endurer une seconde fois tout cela.

- Il m'a dit qu'il voulait se racheter une conduite.

- C'est un manipulateur, Sixtine. Le pire qui existe. Il a travaillé pour le Roi Blanc.

Ces figurines de feu explosèrent pour faire place à un petit cheval avec lequel il s'amusa, tentant de perdre son esprit ailleurs que dans son histoire.

- Tu dis ça comme si c'était la pire chose au monde.

- Les Seelies sont des pervers, des manipulateurs, des vipères là où les Unseelies sont des brutes, des psychopathes, des animaux. Tout le monde pense que le Roi Blanc est le roi des serpents mais, crois-moi, ce type le bat à plates coutures. Et c'est exactement pour ça que le Roi Blanc l'a fait enfermer plutôt que de continuer son alliance avec lui. Il savait qu'il n'était plus fiable et que son pouvoir ne faisait que grandir et que sa soif de reconnaissance, de richesse ne le ferait s'arrêter devant rien.

- Tu veux dire qu'il voulait être roi... à la place du roi ?

- C'est exactement ça. Pour mieux comprendre le Traître, tu dois comprendre une chose sur les affinités. La règle veut qu'il n'y en ai que quatre.

- La terre, le feu, l'air et l'eau.

- Exact. Le problème, c'est que certains enfants naissent dotés d'une cinquième affinité. L'esprit. Celle que possède le Traître.

- L'esprit ?

Le cheval s'effondra en un petit tas de cendres qui donna place à une envolée de papillons. Je les suivis du regard, émerveillée malgré moi par ce que pouvait créer Naseok.

- Cette affinité permet au Fae qui la possède de lire les pensées, de voir à travers les yeux d'autres personnes, de pénétrer dans leur esprit, globalement. Très rares sont ceux qui vivent longtemps avec cette affinité. S'ils durent un siècle, c'est qu'ils sont très forts.

- Mais lui a plus de quatre cent ans, il me l'a dit.

- C'est vrai. Il a réussi à canaliser son pouvoir, à le façonner pour répondre à ses besoins. Il a utilisé ses propres parents pour ses expériences sur le contrôle mental. Il les a rendus fous, les a poussés à se tuer l'un l'autre. Il a vite compris ce que ce pouvoir pouvait lui rapporter et il en a usé et abusé jusqu'à ce qu'il soit recruté par le Roi Blanc dans le plus grand secret. Il s'est servi de lui comme d'un détecteur pendant des interrogatoires. Le Traître lui donnait toutes les informations que le Roi Blanc voulait sans que quiconque ait à se salir les mains. Et puis, l'affaire des enfants a commencé à se faire entendre dans les couloirs des Cours. Aussitôt, le Traître a été envoyé en quête d'informations. Il a longtemps cherché à savoir qui était le bâtard du Roi Noir sans parvenir à le découvrir. Alors le Roi Blanc a commencé à douter de ses capacités. Le Traître a décidé de mettre son plan réel en exécution. Depuis des centaines d'années, il travaillait l'esprit du Roi Blanc pour en prendre le contrôle total et régner à travers lui. Si ce n'était pour ce bâtard bien caché, il aurait réussi. Mais le Roi Blanc s'est débarrassé de lui avant qu'il puisse prendre le contrôle et il s'est retrouvé enfermé dans la Maison de la Honte, prisonnier à jamais.

- Et il s'est échappé.

- Oui. J'aurais cru qu'il irait se venger du Roi Blanc et prendre ce qu'il avait toujours voulu mais il est ici. Je ne comprends pas ce qu'il veut de moi.

- Je ne sais pas. Il m'a dit qu'il voulait se racheter une conduite.

- Je n'y crois pas le moins du monde. Il veut autre chose et il pense que l'un de nous pourra le lui apporter. Et, bien entendu, nous ne pouvons pas lui échapper. Il lira dans nos crânes nos plans avant même que nous les imaginions.

- Tu suggères quoi ? Qu'on le tue ?

- Ça serait la meilleure solution mais c'est impossible. Il le verra venir aussi.

- C'est vrai. Je l'ai vu jouer avec un démon comme si se battre avec ces Faes était d'une simplicité enfantine.

- Tu vois. Se débarrasser de lui est proche de l'impossible. Le Roi Blanc avait une armée alors que nous ne sommes que des gamins en pleine galère.

- Je doute que tu rentres dans la catégorie gamin mais tu as raison. À part toi et Ghur...

- Je n'ai que quatre-vingt dix-huit ans. Je suis encore un gamin. Un adolescent.

- Je ne m'y ferais jamais, soupirai-je.

Je le vis esquisser un faible sourire en faisant voleter ses papillons autour de mon visage.

- Mais si, tu t'y feras. Même si tu n'es pas partie pour vivres de longues années.

- Merci bien ! Tu sais remonter le moral, toi !

- Je ne dis que la vérité. Tu fonces droit dans le royaume dont tu as assassiné le roi, Sixtine. Je doute que la reine t'accueille avec les honneurs. Elle te tuera dès qu'elle te mettra la main dessus.

Je soupirai en roulant sur le dos, plaquant mes paumes contre mes yeux.

- Ne m'en parle... Dire que j'ai fait tout ça pour des mensonges...

- Comment ça ?

- Quinten Madsen... Il n'a pas assassiné ma famille.

- J'ai loupé plusieurs chapitres de ta vie, on dirait. Raconte.

J'hésitai quelques instants. Je lui devais bien. Il venait de me raconter toute sa vie, presque. Je ne lui parlerais pas de certains points évidents que je n'osais même plus évoquer en pensée même si le Traître dormait, mais je pouvais au moins lui parler des meurtres.

- C'est Jon Marchetta qui a assassiné ma famille, admis-je. Pas Quinten Madsen. Il a guetté, tenté de les convaincre de l'aider parce qu'ils étaient des Demi-Sangs. Ils ont refusé alors il les a tués. Ma mère, mon père, mon frère. Et il m'a récupérée pour exercer sa vengeance vénale et stupide envers son ancien ami. Il m'a fait croire toute ma vie que le roi avait tué ma famille par amusement alors que c'était lui. J'ai vécu toute ma vie avec l'assassin de mes parents et il a fait de moi la Régicide alors que je n'avais aucun grief réel contre Quinten Madsen. J'ai tué un roi à cause d'un mensonge.

- Je crois que, niveau histoires de famille, on tient le pompon, tous les deux.

- Je crois bien. Tu sais le pire ? C'est que je ne me souviens même pas de son nom. À mon petit frère. Il n'avait que quelques mois quand il est mort. Il n'a même pas eu le temps de vivre et Jon l'a tué pour me récupérer. Il a tué un nourrisson.

- Dis-toi qu'il est mort. Il ne pourra plus jamais influer sur la moindre de tes décisions.

- J'en doute. Je crois que, quoi que je fasse, il y aura toujours une part de sa doctrine dans le fond de mon crâne. Il m'a si bien formée que je n'ai jamais douté de lui jusqu'à ce qu'il me trahisse au château, durant ce bal. Pas une seule fois, je n'ai douté de lui. Mais le pire, c'est que son fils était là. Son fils de deux ans a tout vu et il ne m'a jamais rien dit.

- À deux ans, il ne devait pas se souvenir de quoi que ce soit.

- Le Traître m'a dit que ça l'a tellement marqué qu'il n'a jamais oublié. Qu'il a toujours su ce que son père a fait.

- Je commence à croire que ce Jon et le Traître pourraient se serrer la main. C'est monstrueux. Ce sont des pères et pourtant, ils ne voient en nous que des pions. Ils nous manipulent pour gagner leurs guerres.

Je hochai la tête, regardant les papillons disparaître.

- Dors un peu, me dit-il. Tu en as besoin. Je monte la garde. J'irai secouer Ghur tout à l'heure.

- Tu es sûr ?

- Dors. Tu es salement amochée et tu dois te reposer pour guérir. Sans compter que demain ne va certainement pas être de tout repos. Tu vas devoir nous raconter toute l'histoire depuis que tu as été emmenée par le Chasseur.

- Ne me le rappelle pas !

Ma phrase se termina dans un bâillement irrépressible. Je cédai et fermai les yeux, me laissant glisser dans un sommeil profond, violent et éclaboussé de sang.

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