Chapitre 13

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La solitude était étrange. Il m'était déjà arrivé de passer de longues heures seule mais ici, c'était différent. J'étais isolée, à des lieues d'un quelconque lieu d'habitation. Seule avec un étalon sans nom.

Assise contre un tronc d'arbre, je regardai ma monture paître tranquillement. Il s'était habitué à moi. Ou alors, il était trop fatigué pour se montrer nerveux.

- Il faudrait peut-être que je pense à te donner un nom, lui dis-je. Je ne vais pas t'appeler « Cheval » tout le temps.

Il souffla et continua de dévorer de grosses touffes d'herbes. Je cherchai un nom qui lui convienne mais rien ne me vint. J'avais bien trop à l'esprit pour nommer mon cheval. Je pensais à Ryker, à Addy, à l'étrange nouvelle Addy, au Demi-Sang. Je me posais tant de questions sur ce qu'ils faisaient, où ils étaient, comment ils allaient. Je priais pour que l'hybride n'ait pas fait quelque chose qu'il regretterait amèrement quand je mettrais la main dessus.

En dehors de mes inquiétudes pour les héritiers Madsen et leur indésirable compagnon, je pensais à Ghur, à Nahl, à la nuit à venir. J'allais devoir dormir à dos de cheval. Je ne pouvais pas rester pendant des heures au même endroit pour dormir sous la seule surveillance d'un étalon. Ce n'était pas lui qui allait me prévenir si quelqu'un arrivait.

Je terminai mon fruit, bus une dernière gorgée d'eau et allai récupérer ma monture. Je montai en selle et le lançai au pas droit vers l'entrée d'un canyon. Il ne me semblait pas trop long et il allait plus ou moins vers le nord. Je n'étais pas très emballée mais si je voulais remonter vers le nord, ce canyon était le seul moyen de le faire. S'il n'avait pas été longé par un flanc de montagne d'un côté et une forêt étroite, humide et envahie par les ronces de l'autre, je serais passée sur le côté plutôt que dedans. Et je ne me voyais pas faire un détour de plusieurs kilomètres au lieu de prendre le risque de traverser un canyon.

Je changeai de position dans la selle. J'appuyai mon dos contre l'encolure de ma monture, croisai les chevilles sur sa croupe. Et je fermai les yeux, le laissant avancer doucement entre les rochers. Le mouvement de son corps me berça et je tombai dans un sommeil profond sans même m'en rendre compte.


Je me réveillai à cause de la soudaine agitation de ma monture. Mon étalon s'était arrêté et piaffait sur place, frappant le sol de ses sabots, faisant un vacarme de tous les diables. Je me redressai et me laissai glisser à terre. Je frottai mes yeux pour en chasser le sommeil. Le décor n'avait pas changé. J'étais toujours au milieu du canyon, entourée par la pierre grise et acérée. Le sol était à peine praticable à cause de ce qui devait avoir été un gros éboulement.

Je ne voyais pas de raison pour laquelle il s'était arrêté et se montrait aussi agité. Voyait-il ou sentait-il quelque chose qui m'échappait ? Je fouillai les environs du regard, de haut en bas, de gauche à droite. Je ne discernai rien qui sortait de l'ordinaire. Il n'y avait que de la roche. Partout. Je voyais à peine le haut des falaises. J'étais totalement isolée.

Je fis passer la bride par-dessus la tête de mon cheval – à qui il faudrait vraiment que je donne un nom – et je m'aventurai sur les rochers pour le faire avancer. Il me suivit lentement, prudemment, choisissant où poser ses sabots pour ne pas glisser. Il escalada l'éboulement après moi, rechignant un peu, loin d'être à l'aise. Ses oreilles pointèrent, droites et raides. Sa queue se mit à fouetter l'air nerveusement. Je continuai de regarder autour de moi mais je ne vis rien qui pût le mettre dans cet état. Ses sens devaient être bien plus affûtés que les miens ou alors il avait simplement le vertige.

Redescendre de l'autre côté de l'éboulement fut plus difficile. Les roches étaient instables et je n'arrêtais pas de glisser et il en allait de même pour mon cheval. Malgré tout, je parvins à retrouver le sol ferme sans me casser une jambe. Je remontai en selle, serrant mon sac de provisions contre moi. Je regrettais vraiment de ne pas avoir cherché après des sacs de selle dans la ferme. Ça aurait été bien plus pratique que de trimballer cet épais sac de jute.

L'Arme du Roi (Le Grand Royaume #2)Where stories live. Discover now