L'Arme du Roi (Le Grand Royau...

By Csfantasy

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Le Roi est mort ! Vive le Roi ! Du moins, c'était ce qu'aurait espéré pouvoir dire Sixtine. Prisonnière du Ro... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
...
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Tome 3 bis
Tome 3 bis UPDATE

Chapitre 14

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By Csfantasy

Je haussai un sourcil en le considérant. Il semblait fier de son campement basique et de sa terre aride. Je n'étais tout de même pas tombé sur un culte étrange qui se cachait sous le nom de rebelles ?

Brycen se leva et tendit la main vers moi. Je lui échappai, méfiante. Il conserva son sourire, loin d'être perturbé. Il souleva la toile de tente pour que l'on ressorte. Naseok était juste dehors et il se tendit en voyant comment son chef agissait. Je pus sentir ses yeux fixés sur mon dos.

- Ne t'occupe pas de Naseok, me dit Brycen. Il est toujours méfiant avec les nouveaux arrivants.

Il semblait croire que je ne partirais pas. Que j'allais intégrer leur petit camp. Avant même de savoir qui ils étaient, ce qu'ils faisaient, ce qu'ils voulaient faire.

- Comme tu as dû le remarquer, toutes les races se mélangent ici. Nous sommes tous unis dans le même objectif : faire tomber les Rois Jumeaux, instaurer une nouvelle ère dans la Faerie. Une ère de paix entre les Faes et les autres royaumes.

- Vous voulez arrêter la guerre avant qu'elle commence, traduisis-je.

Il se tourna vers moi et son sourire s'agrandit, marquant les plis de son visage.

- Exactement.

Je me retins de rouler des yeux. Il y avait l'idéalisme et la folie. Et là, c'était carrément de la folie. Ce n'était pas leur petit groupe hétéroclite qui allait pouvoir arrêter une guerre en marche. La Faerie ne reculerait devant rien pour se venger des Madsen qui les avaient enfermés dans la Cage de Fer pendant des dizaines d'années.

Brycen me fit visiter le campement mais j'écoutai à peine ce qu'il racontait. Je m'en moquais. Ça n'avait pas d'intérêt pour moi. Je ne comptais pas rester. J'allais partir dès que je le pourrais et reprendre ma recherche des héritiers Madsen. Au passage, je lui volerai sa carte. Des armes, aussi. Ça rendrait mon voyage plus simple et légèrement moins risqué.

Des odeurs de nourriture commencèrent à enfumer tout le campement et mon estomac réagit. Je serrai le poing pour ne pas plaquer ma main dessus, rendant ma faim encore plus évidente. J'entendis le rire léger et moqueur de Naseok dans mon dos. Brycen, lui, fit comme s'il n'avait rien remarqué, continuant son exposé.

Je regardai autour de moi. Comme il l'avait dit, toutes les races se mélangeaient. Deux Seelies surveillaient le repas en discutant avec des humains qui organisaient des couverts rustiques en bois sur une table. Un Seelie et un Unseelie s'affrontaient à l'épée en discutant, s'envoyant des vannes qui les faisaient rire. Des Demi-Sangs pendaient des vêtements humides sur un fil avec des Unseelies.

Ça défiait tout ce que j'avais pu observer dans les trois Cours où j'avais été. Dans le Grand Royaume, la haine et la peur des Faes étaient plus répandues que la maladie et la pauvreté. Les Demi-Sangs étaient vus comme des monstres. Dans les Cours Noire et Blanche, les humains étaient méprisés, les Demi-Sangs étaient toujours vus comme des monstres. Et il était absolument hors de question que Seelies et Unseelies se mélangent. Même durant le bal du solstice où le Roi Noir était monté sur le trône à la place de son jumeau, Seelies et Unseelies avaient été réunis au même endroit mais ne s'étaient jamais mélangés.

Dans le BarrenLand, c'était entièrement différent. Tout le monde semblait être sur un même pied d'égalité, quelque que soit sa race. Je devais admettre que je ne me serais jamais attendue à voir une telle association un jour. Certaines haines étaient ancrées dans le sang, plus forte dans chaque nouvelle génération. Ici, toutes les barrières semblaient avoir été abolies, utopie réduite et éphémère. Il était impossible que cette entente idyllique dure toujours.

Je tressaillis lorsque Brycen posa sa main sur mon épaule. Je reculai, me dégageant de son toucher. Il n'en prit pas plus outrage que la première que je m'étais dérobée à son contact. Il semblait s'y attendre.

- Viens, c'est l'heure de manger.

Je ne répondis pas, lui emboîtant le pas sous le regard insistant de Naseok. Ce dernier s'assit juste à côté de moi, me plaçant à l'extrémité du tronc, isolée. Il se mit à jouer avec une dague dans le but évident de me prévenir : un geste et tu meurs. Je roulai ostensiblement des yeux avec un soupir.

- Si tu crois m'impressionner avec tes maigres capacités, tu te fourres le doigt dans l'œil, dis-je.

- Parce que tu crois pouvoir faire mieux, Demi-Sang ?

D'où voyait-il que j'étais une Demi-Sang ? Qu'y avait-il en moi qui crie que mes origines étaient mixtes ? Était-ce inhérent aux Faes de pouvoir deviner à quelle catégorie chaque personne appartenait ? Entre Seelie et Unseelie, c'était facile. Mais comment savoir qu'une personne n'était pas humaine ? Certains Demi-Sangs étaient facilement repérables à cause de leurs yeux ou de leurs cheveux. Mais d'autres – comme moi – ne le portaient pas sur eux. Et pourtant, il n'était pas le premier à savoir directement que j'étais à moitié Fae.

- Totalement.

Je tendis la main vers lui et il hésita. Sa fierté vainquit et il me donna sa dague, poignée en premier. Je la soupesai, laissai ma main se familiariser avec cette arme étrangère. Très vite, je commençai à jouer avec, à la faire tourner entre mes doigts, aussi vite que je pus. C'était stupide, ce petit concours puéril entre le Unseelie et moi. Pourtant, j'avais envie de sourire. Des souvenirs simples et heureux, pleins de rires et soleil, me revinrent. Combien de fois avais-je défié Jedrek ? Combien de fois avait-il échoué ? Combien de fois Ryker avait-il été là, à nous regarder, incapable de nous imiter ? Combien de fois m'avait-il demandé de lui apprendre ?

- On dirait que la petite Demi-Sang te bat à plates coutures, Naseok, ricana un Seelie en venant s'asseoir à côté de lui.

Le concerné émit un simple grognement. Dans un mouvement plein d'emphase, je lui retournai sa dague. Il me fusilla du regard en la récupérant. Il l'enfonça dans sa botte et s'orienta vers moi, tournant ostensiblement le dos à son comparse aux cheveux couleur de ciel. Ce dernier sourit, fier de son coup.

- Où as-tu appris ça ? me demanda Naseok, les sourcils froncés.

- En quoi ça t'importe ?

- Ne pourrais-tu pas te contenter de répondre ?

- Ça te faciliterait trop la tâche.

Il se durcit, la mâchoire crispée. Je ne pus retenir un sourire, ravie de réussir à le mettre dans tous ses états aussi facilement.

Le Seelie se décala et Brycen vint s'asseoir à côté de Naseok. Celui-ci se réinstalla correctement sur le tronc, faisant face au feu de camp. Il reprenait son rôle de garde. Il était si sérieux que j'avais envie de lui jouer un tour qui le mettrait dans tous ses états. Toutefois, Naseok n'était pas Jedrek et je doutais qu'il réagirait comme le Capitaine de la Garde.

Penser à Jedrek me procura une sensation étrange. J'ignorais ce qu'il était advenu de lui. Il avait disparu dans l'assaut de la Faerie sur Phyre. Trop occupée à assassiner le roi, à être kidnappée par le Roi Noir et à survivre, je n'avais pas songé à Jedrek. Avait-il été tué ? Avait-il survécu et cherchait-il son plus proche ami ? Ou bien était-il aux côtés de Lux Madsen, tentant de sauvegarder un minimum de l'héritage de Ryker ?

Je relevai la tête lorsqu'une assiette creusée dans du bois fut posée sur mes genoux par Naseok. Ce n'était pas grand-chose, loin des festins auxquels j'avais pu assister à la cour des Madsen. Pourtant, rien ne m'avait jamais paru plus appétissant que cette assiette de légumes bouillis et de viande trop cuite. Je réceptionnai mes couverts – qui, j'en étais sûre, avaient été volés – et je plongeai sur mon repas, oblitérant le reste du monde.

Je la terminai en un temps record, plus affamée que je ne l'aurais crue. J'eus même droit à une seconde assiette lorsque Brycen fit un geste à une Seelie aux cheveux bleu ciel. Je l'avalai tout aussi rapidement que la première. Mon estomac se gonfla douloureusement et je dus me lever pour aller vomir. Naseok était appuyé contre un piquet de tente lorsque je me redressai en m'essuyant la bouche.

- Idiote. On ne t'a jamais dit de ne jamais manger vite et en grosses quantités après de longues périodes de jeûne ?

- Tu vois, après des mois au pain rassis, je m'en fous de tout gerber. Du moment que je peux manger quelque chose qui ne soit pas des lanières de viande séchée dégueulasses ou des fruits. Même si ça signifie que je vais tout gerber.

Il sourit avec une forme d'amertume qui me surprit.

- Le Roi Blanc apprécie particulièrement cette méthode de torture, dit-il doucement. Ne rien donner à manger ou juste du pain sec de temps en temps et, d'un coup, te faire gagner un repas complet que tu ne pourras pas t'empêcher de dévorer et de dégobiller juste après. Et encore et encore. Tu auras beau savoir que tu seras malade à en crever, tu dévores tout et tu gerbes tout. Et, au bout d'un moment, tu finis par en mourir. Ton estomac se déchire, tu vomis du sang, tu t'étouffes avec et tu crèves comme un chien errant.

Il soupira et releva les yeux vers moi.

- Fais gaffe à toi.

Il n'attendit pas de réponse et rejoignit le cercle autour du feu. Venant de lui, j'aurais pensé que ces mots seraient une menace et, au lieu de ça, ils sonnaient comme un conseil. Il se méfiait de moi mais il ne me paraissait plus être un aussi mauvais bougre, après tout. Peut-être n'était-il pas si mauvais que ça, au final. Peut-être n'était-ce qu'une apparence qu'il voulait se donner.

Je me passai une main sur le visage et je retournai m'asseoir avec les autres qui avaient sorti des instruments de musique de leurs tentes. Que comptaient-ils faire ? Ils n'allaient tout de même pas invoquer la magie ? Je n'étais pas en état de la sentir monter et monter en moi sans pouvoir la relâcher. En plus de ça, j'avais été bien assez malade pour une seule nuit.

Malheureusement pour moi, ils commencèrent à jouer, laissant la musique animée se répandre dans le désert gris qui nous entourait. Je la sentis pulser en moi, s'infiltrer dans mes veines. Brycen fut le premier à se mettre à chanter. Les voies des autres commencèrent à se mêler à la sienne dans une harmonie parfaite. À la Cour Noire, ça avait été très différent. Personne ne chantait en même temps. Souvent, j'avais été la seule à chanter pour toute la masse de Unseelie. Mais là, tout le monde chantait en chœur.

J'avais envie de me joindre à leur harmonie, de chanter et de convoquer la magie pour eux. Je la sentais pétiller dans l'air, douce et chaleureuse. C'était totalement différent de la dernière fois que j'avais senti la magie. Ici, c'était... familial, cordial. Ce n'était pas aussi effrayant et étouffant qu'à la Cour.

La musique baissa, réduite à quelque chose de léger et de mystérieux. Le groupe se tut pendant quelques secondes avant que la voix de Naseok s'élève, solitaire et magnifique. Il avait une voix pure et claire, puissante qui me laissa bouche bée. Venant de lui, je ne me serais jamais attendue à ça. Il chantait comme un ange alors qu'il arborait le caractère d'un démon.

Doucement, les voix se joignirent à nouveau à la sienne, une à une, conservant l'harmonie alors que la musique augmentait. Sans m'en rendre compte, je me joignis à eux. Je me laissai porter par le rythme et la mélodie, fermant les yeux, mon corps ondulant sur les notes des instruments.

Je sentis ma peau chauffer, ma tête bourdonner. Les voix que j'avais déjà entendues revinrent, murmurant leurs horreurs à mon oreille. Je me raidis, faisant de mon mieux pour les ignorer, pour ne pas écouter ce qu'elle me susurraient suavement.

Plus j'ignorai les voix, plus elles devenaient fortes. Je rouvris les yeux, tentant de me déconnecter, de couper l'afflux de magie qui coulait dans mes veines. Au lieu de faire face aux flammes vives et éblouissantes du feu de camp, je me retrouvai perdue au milieu de bois chauds et moites. Ici, pas de feu, juste la nuit profonde et le bruit de la pluie, le grondement du tonnerre. Et entre les troncs, le reflet brillant de la lune et des éclairs sur l'eau. Une rivière slalomait dans les ténèbres, fil d'argent descendant vers une plaine étrangement familière.

Reconnaître ce champ fut comme un électrochoc qui m'expulsa hors de la vision. Je tombai de mon siège, le souffle court, une migraine à fendre mon crâne en deux. Je vomis ce qu'il me restait dans le ventre, des larmes chauffées à blanc roulant sur mes joues.

Brycen vint s'agenouiller à côté de moi, posant une main sur mon front. Il avait l'air sincèrement inquiet. Sous le bourdonnement de mes tympans, je ne parvins pas à comprendre ce qu'il me disait. Je voyais ses lèvres bouger mais le son ne me parvenait tout simplement pas, que je me concentre ou non.

Naseok me prit par le bras et me fit me relever. Mes jambes étaient faibles et il dut me soutenir pour me garder debout. Il me traîna jusqu'à une tente et me fit allonger sur un couchage rudimentaire qui protégea à peine mon dos du sol de roche. Je sentais les cailloux pointus s'enfoncer dans ma colonne vertébrale. Malgré tout, je restai allongée alors qu'il s'asseyait en tailleur à côté de moi.

Je sombrai dans un entre-deux étrange. Je savais que je n'étais pas endormie parce que je percevais mon environnement, le rêche de la couverture étalée sous moi, le rafraîchissement dans l'air. Et pourtant, mon esprit était ailleurs. Il était dans ce bois, sous la pluie diluvienne, devant ce champ que j'avais traversé.

Lorsque je revins à moi, assoiffée et poisseuse de sueur, Naseok n'avait pas bougé d'un millimètre et avait les yeux fermés. Il semblait endormi. Toutefois, il ouvrit les yeux dès que je me redressai sur le maigre couchage.

- Enfin revenue ?

J'ignorai sa question, doutant de la sincérité de son intérêt. Il avait un air trop sérieux.

- Qu'est-ce qu'il m'est arrivé ?

Il se déplia lentement, à la manière d'un fauve sortant d'un sommeil repus. Je fus bien moins gracieuse lorsque je me remis sur mes pieds. Il dut même tendre le bras pour m'empêcher de basculer.

- Il semblerait que tu te sois connectée à la magie avec une force que tu n'as pas supportée. Tu délirais.

- Comment ça ?

- Tu ne cessais de répéter « revenir en arrière » encore et encore. Et puis, tu es tombée et tu as vomi. À croire que c'est un thème récurrent chez toi.

Je ne fis pas attention à ses sarcasmes. Se pouvait-il que ces images des bois, du champ, de la rivière... ? Était-ce un signe étrange envoyé par la magie pour que je retrouve Ryker et Addy ? Était-ce une forme de carte au trésor qui me mènerait à eux ? Je savais où était ce champ puisque j'avais volé le fermier à qui il appartenait. La rivière devait être la suite de celle dans laquelle j'étais tombée ou un de ses embranchements. Quant aux bois... Il y en avait partout. Ce n'était pas d'une grande aide.

- À quoi tu penses ?

- À ce que j'ai vu. Je dois partir. Tout de suite.

- Je crois que ça va être impossible, ça.

Je me tournai vers lui, un mauvais pressentiment naissant en moi.

- Pourquoi ça ?

- De un, tu n'es pas en état de partir vadrouiller dans la cambrousse à cheval. De deux, Brycen n'a toujours pas statué sur toi. Si tu es une menace ou non. Alors tu resteras ici jusqu'à ce qu'il accepte de te laisser partir.

- C'est ce qu'on verra.

S'il croyait que j'allais attendre qu'un inconnu décide pour moi de si je pouvais partir ou non, il n'allait pas être déçu. Il allait vite se rendre compte que je n'étais pas de celles qui se laissent facilement dominer.

Je calculai mes chances. Il me faudrait encore un peu de temps avant d'être assez en forme pour le prendre par surprise et réussir mon coup. Et ce temps était facile à gagner.

- Je pourrais avoir à boire, au moins ? Je meurs de soif et je meurs de chaud.

- Il pleut à verses alors n'espère pas sortir.

Il me tourna le dos le temps d'attraper un pichet de remplir un verre qu'il me tendit. Je le vidai d'un trait, le lui retendis. Il récupéra le verre mais ne me resservit pas. Je serrai les lèvres pour ne pas l'insulter.

- Tu ferais mieux de t'asseoir parce qu'on en a pour un moment avant que l'orage ne passe.

Mon cœur manqua un battement lorsqu'il parla d'orage. Il y avait un orage dans les images que j'avais vues. Ce qui voulait dire que les Madsen n'étaient pas loin. Si l'orage nous avait rattrapés en aussi peu de temps, ils n'étaient qu'à quelques kilomètres. Et si j'attendais que l'orage cesse, ils seraient repartis dans une direction quelconque et je perdrais ma seule chance de les retrouver.

- T'agiter comme ça ne sert à rien. Tu ne sortiras pas de cette tente.

J'ignorai Naseok, continuant de fomenter un plan pour rejoindre le frère et le sœur. Ils étaient si près ! J'étais sûre que ces visions me montraient où ils étaient. Je ne savais pas du tout comment je le savais et encore moins d'où venait cette certitude mais elle était là et je ne pouvais pas la nier. Elle venait sûrement de la magie et ça n'avait pas d'importance si ça me permettait de les retrouver et de vérifier que Miach n'avait pas tenté quoi que ce soit contre eux.

- Je peux lire tous tes petits plans sur ton visage, sifflota Naseok. Que tu me crois ou pas, tu n'as aucune chance de sortir d'ici. Et puis, je pense que tu tiens un minimum à ta survie, non ?

- Ce n'est qu'un orage. Ce n'est même pas un orage blanc puisque ta petite tente n'aurait jamais tenu. Alors en quoi ma survie serait-elle un problème ? Tu ne crois tout de même que je pourrais être effrayée par toi ?

Le sarcasme dans ma voix le fit grincer des dents mais il ne fit pas un mouvement vers moi. Son regard se durcit, ses épaules se raidirent. Rien de plus. Il avait plus de maîtrise que je ne l'aurais cru. Depuis le début, il m'apparaissait comme le genre impulsif.

- Ce n'est peut-être pas un orage blanc typique de la région du volcan mais ça n'en reste pas moins un orage que tu ne veux pas affronter.

- Et pourquoi ça ?

Je me souvins de ma vision, de cette eau qui frappait les feuilles qui ployaient sous le poids. Si cet orage était dangereux, Ryker et Addy avaient été pris dedans. Que risquaient-ils ?

- Tu connais peut-être la pluie normale, la pluie des orages blancs mais tu ne connais rien des orages chauds de BarrenLand.

- Dis-moi tout, alors.

Il tourna la tête vers moi, un sourcil haussé. Il s'assit à même le sol, reprenant sa position de méditation. Je ne bougeai pas d'où j'étais.

- BarrenLand n'existait pas avant. Il n'y a jamais eu de terre infertile et aride dans la Faerie. C'est une aberration de la nature. Ici, la magie naturelle des Faes n'a plus de prise. Si nous n'avions pas été ici, la nature aurait changé lorsque nous avons chanté. La magie aurait opéré. Mais BarrenLand... C'est comme une gangrène. Ça s'est greffé autour des Cours, ça les encercle. Un rayon de terres arides, de roches brûlantes où rien ne pousse. Et où la pluie est acide et bout autant que si les nuages étaient des marmites gardées trop longtemps sur le feu. Fais un pas sous cette pluie et tu peux être certaine de mourir dans la minute.

J'eus envie de vomir. Et puis, je réalisai quelque chose. Il avait bien dit que ces orages étaient une particularité de BarrenLand ? Or, dans mes visions, j'étais sous les arbres, près d'une rivière. Donc, avec de la chance, la pluie y avait été des plus normales. Avec de la chance, Ryker et Addy avaient juste eu affaire à de la pluie glaciale et normale.

- Si cette eau est aussi bouillante que tu le dis, pourquoi les tentes tiennent-elles encore debout ?

- Le tissu est Fae, comme celui que tu portes sur toi. Ce n'est pas de la simple laine et encore moins de la soie. C'est un secret des Tisseurs, les seuls Faes qui puissent le produire.

- Il est magique, quoi.

- On peut dire ça. Il ne t'évitera pas de te faire transpercer par une flèche mais tu ne t'embraseras pas comme une torche. Ses forces sont relatives. En l'occurrence, il nous donne un abri plus ou moins sûr durant les orages chauds.

Je hochai la tête, songeuse. Il me fallait une de ces tentes. Si nous voulions traverser la Faerie pour rejoindre le Grand Royaume, il me fallait une de ces tentes. En voler une risquer de s'avérer plus compliqué que de voler sa dague à Naseok. J'allais devoir renoncer à ce luxe si je voulais pouvoir m'enfuir sans trop d'encombres.

- Il serait temps que tu te mettes à table, reprit Naseok. Brycen a ce problème. Il laisse trop de temps aux gens. Il ne t'a même pas demandé ton nom. Rien. Il t'a laissée découvrir notre camp, nos secrets et il n'a même pas obtenu ton nom.

- Si tu voulais à ce point connaître mon nom, il suffisait de le demander.

Il haussa un sourcil en levant un visage blasé vers moi. Je haussai les épaules, un sourire moqueur sur les lèvres. Je croisai les bras, plutôt fière de l'air qu'il arborait.

- Je doute que rien ne soit simple avec toi.

- À vrai dire, je suis étonnée que personne ne m'ait reconnue. Un camp entier de Faes, de Demi-Sangs... Et personne qui ne sache qui je suis ? C'est franchement décevant. Pour des gens qui veulent arrêter une guerre, vous n'êtes pas très au fait de ce qu'il se passe autour de vous.

Il se redressa, sur ses gardes. C'était encore mieux. Il se déplia lentement pour venir me faire face.

- J'ignore si tu es sérieuse ou si tu fais preuve d'un ego dont je n'avais pas soupçonné l'existence.

J'ouvris la bouche pour répondre mais un fracas retentit dehors et l'attention du Fae dériva. Il me contourna pour aller entrouvrir la toile de tente et regarder dehors. Une silhouette fendait la pluie brûlante uniquement abrité d'une planche. Il se dirigea droit vers cette tente et s'écroula sur le sol, les bras couverts de cloques rouges. Il lâcha sa planche qui se fracassa à côté de lui. Naseok s'accroupit près de lui, un air de puissante inquiétude sur le visage. Je n'aurais jamais cru qu'il puisse se montrer si cru et si violent dans ses émotions. Visiblement, cet homme était quelqu'un à qui il tenait.

- Raneok ! appela-t-il. Raneok, ça va ?

- Tu en as d'autres des questions cons comme ça ? haleta l'autre. Tu as vu dans quel état je suis ?

- Pourquoi être venu malgré la pluie ? Tu ne pouvais pas attendre qu'elle s'arrête avant de sortir du bois ?

- Non. J'ai... Des nouvelles. Il fallait que vous sachiez...

- Savoir quoi ? Qu'est-ce qui est si important pour que tu t'ébouillantes comme ça ?

Il se redressa en grimaçant et pointa un doigt déformé par les brûlures vers moi.

- Vous abritez la tueuse de rois, Sixtine Aderleen.


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